Avis de Adam Craponne : "La Jeanne d’Arc berbère"
Noureddine Sabri commence par rappeler qui fut la Kahéna :
« Reine de la tribu des Djéraoua. La Kahéna a conduit la résistance berbère, vers la fin du VIIe siècle de l’ère chrétienne, lors des dernières tentatives arabes pour conquérir le Maghreb et le cœur de ses habitants par la nouvelle foi qui avait pu s’imposer en Orient quelques décennies auparavant.» (page 9)
L’auteur confirme l’historicité de cette héroïne et relève que nombre de récits oraux berbères évoquent la Kahéna. Du point de vue de l’écrit, les conquérants ont vu leurs exploits magnifiés et l’impasse a été faite sur les résistances à l’islamisation. Ce n’est donc que plusieurs siècles plus tard que le personnage se voit évoqué par des historiens arabes tels Al-Mâlikî (mort vers 1067) et deux auteurs du XIVe siècle Ibn Iḏẖârî ainsi que Ibn Ḵẖaldûn (né en 1322 à Tunis). Ce dernier développe un regard critique sur les chiffres, cherche en particulier les causes des faits qu’il relate et perçoit une triple évolution dans la société (le nomadisme s’efface progressivement face au sédentarisme, la dissolution du califat se fait en plusieurs monarchies, une économie marchande se développe). Pour lui l’action de la Kahéna est à situer dans le contexte de « la lutte éternelle entre les sédentaires et les nomades » (page 31).
Selon l’auteur, la Kahéna commence une carrière littéraire en 1878, soit ajouterons-nous personnellement l’année du Congrès de Berlin où les Anglais et les Allemands acceptent une occupation possible de la Tunisie par la France, ce qui se fera trois ans plus tard. Il montre, au fil des chapitres, comment ce personnage a servi à défendre différentes causes : la coloniale, la berbère, le féminisme, le nationalisme. « Femme juive et berbère, la Kahéna se charge ainsi d’exprimer les idées les plus diverses et les plus contradictoires » (page 260).
Chaque écrivain recrée sa propre Kahéna, choisissant ses origines (on peut lui prêter une ascendance paternelle byzantine), sa religion (il est loisir de l'imaginer chrétienne en interprêtant une remarque d'Al-Mâlikî), sa dose de sorcellerie, ses dons de prophétesse, ses qualités en matière stratégique... Ce mythe littéraire a encore un bel avenir devant lui.
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