Herr Doktor : la peste et le choléra

L’idée de base est excellente, en effet pour bien faire approcher l’idée du flou et des contradictions qui ont pu entourer les actions de certaines personnes durant la Seconde Guerre mondiale, on a une dramatisation originale.

Dans ce couple d’Alsaciens, le mari Martin est médecin chez les SS à partir de 1942 et la mère Élisabeth femme au foyer est femme au foyer juive ; ils ont une petite fille. Autre louvoiement mis en scène, celui du fils de la femme qui héberge Élisabeth à Paris, un gendarme qui agit pour sauver l’enfant et laisse arrêter la mère alors qu’il aurait pu la prévenir lors de Rafle du Vélodrome d'Hiver.  

M’ont gênées du point de vue historique deux situations, le fait que le lieu choisi par la mère et fille juives (cette dernière est juive au regard de la loi, mais en fait de père chrétien) pour fuir l’Alsace germanisée ait été Paris (où en plus Élisabeth porte son étoile) et ensuite que Martin voit débarquer dans son cabinet strasbourgeois armes au poing des soldats allemands pour soigner l’un des leurs. Le lecteur a tout lieu de penser qu’en ce début 1942 ce blessé a été victime d’un "attentat terroriste", ceci est évidemment impensable à Strasbourg à cette époque.  

Avec des couleurs un peu kitch qui portent bien le décalage historique avec notre époque, un graphisme sobre avec une grande force d’évocation, ce premier volume d’un vraisemblable diptyque a le grand mérite de pointer non seulement la situation particulière de l’Alsace durant la Seconde Guerre mondiale mais aussi d’évoquer la guerre sur le front russe et faire un retour sur la dékoulakisation qui déboucha sur une terrible famine en Ukraine dans les années trente. Il semble que l’action doive s’y poursuivre dans le deuxième tome. Notre titre est une allusion à un proverbe alsacien: "C'est loin du canon qu'on trouve les vieux soldats".