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La laïcité à l’école pour un apaisement nécessaire

La laïcité à l’école pour un apaisement nécessaire
L’atelier271 pages
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Avis de Benjamin : "Comment l'école réussit à transmettre les valeurs républicaines"

Nicolas Cadène, membre de la Vigie de la laïcité, livre là une préface où il évoque brièvement Condorcet (pour son projet de développement de l’instruction publique), Victor Hugo (dans son opposition à la loi Falloux), Jean Macé, Fernand Buisson, Jean Zay, les lois successives de subvention de l’enseignement privé sous les IVe et Ve République) et l’Observatoire de la laïcité dont il fut membre. On y note cette phrase : « Cet ouvrage, remarquable de par la qualité de ses contributions, a l’immense qualité de ses contributions, a l’immense qualité de remettre au cœur l’action quotidienne des premiers praticiens de la laïcité. Il leur rend hommage, mais aussi il témoigne du fait que, face aux difficultés, il y a des solutions, pour peu que l’on y mette les moyens, que l’on ait le courage de les expliquer et de s’y engager pleinement » (page 10).

Paul Devin, inspecteur de l’éducation nationale retraité et actuel président de l’institut de recherche de la FSU (fédération de syndicats de personnels généralement dans le domaine de l’éducation nationale) assure la direction et l’introduction de cet ouvrage. Il évoque là la difficulté à former au jugement critique. Pour lui le refus de l’enfermement identitaire ne se conjugue pas avec le refus d’une réalité d’identités plurielles. La laïcité de concorde a ses racines tant dans la laïcisation des écoles publiques dans les années 1880 que dans la loi de 1905. Il écrit que « la laïcité n’est pas acquise d’avance, elle reste un combat nécessaire mais, hormis des situations très exceptionnelles qui relèveraient de procédures pénales, ce combat doit s’inscrire dans les enjeux de l’éducation, ceux de la formation progressive du jugement qui nous contraint à admettre les étapes de son inachèvement et les incohérences qui parfois en résultent » (page 23).

La première partie traite de la laïcité au regard d’une dimension sociale et économique. Les élèves sont confrontés sur les bans de l’école à reconfigurer leur monde. Selon Françoise Lantheaume et Charlène Ménard « les "problèmes de laïcité" à l’école renvoient donc majoritairement à des malentendus, à une ignorance des élèves, et parfois à une intention familiale d’affirmation de normes religieuses (page 37).  Les réponses données se construisent sur une durée relativement longue et sont portées par une équipe. L’absence de mixité socioculturelle ne facilite pas le dialogue surtout quand une communauté se retrouve majoritaire car il y a un risque que des individus de celle-ci tentent d’imposer leurs normes. Pour Jean-Paul Delahaye, le séparatisme social est incompatible avec l’idéal républicain et afin que la République soit indivisible, il faut qu’elle soit en même temps laïque, démocratique et sociale. Guy Dreux revient sur les positions de Jaurès et Buisson lors des discussions de la loi de 1905. Ces derniers font face, après le vote de ce dernier texte, à une hostilité du pape rappelant qu’il y a des pasteurs et un troupeau dans l’Église catholique, la conséquence est un refus des associations cultuelles. Pour Jaurès « il ne peut y avoir de société laïque sans une république sociale parce qu’on ne peut substituer l’espérance laïque à l’expérience religieuse chez les individus que la vie matérielle ne cesse d’inquiéter » (page 74).

La seconde division de ce livre rapporte des pratiques enseignantes où se révèlent « la patience de la pédagogie, l’analyse objective et mesurée des réactions des élèves, le respect de leur liberté de conscience et de leurs choix philosophiques et religieux » (page 81). Une directrice d’une école élémentaire de l’est parisien évoque notamment la présence dans l’école et pour les sorties de mères portant le voile. Une professeure de lettres et d’histoire-géographie-enseignement moral et civique en lycée professionnel à Reims évoque son travail avec les élèves. Celui-ci s’est fait autour de la loi de 1905 mais aussi en prolongement par de poèmes comme La Rose et le Réséda, Octobre de Pierre Seghers, Courage de Paul Éluard, Ce cœur qui haïssait la guerre de Robert Desnos. On voit ici la souplesse et la richesse qu’apporte une bivalence de l’enseignant aujourd’hui réduite au lycée technique. Elle fut ardemment défendue par le défunt SNI-PEGC (aujourd’hui transformé en syndicat des enseignants, membre de l’UNSA) dans les collèges et a disparue là malheureusement pour un enseignement bien "saucissonné". Elle rapporte aussi les réactions de ses élèves, suite à l’assassinat de Samuel Paty. Une enseignante parisienne en sciences de la vie et de la terre évoque les manuels créationnistes (musulman ou catholique), le caractère scientifique de certains savoirs au regard des dogmes religieux. Elle affirme « que l’être humain est un primate apparu il y a 2,5 millions d’années, qui se construit une image du monde dans lequel il vit de par des résultats scientifiques objectifs, mais aussi des opinions et des croyances » (page 124).

Une professeure d’histoire-géographie de Dieppe s’interroge sur le contenu et le rôle à donner à l’enseignement moral et civique. Elle regrette que l’on soit globalement, dans les directives ministérielles, plus dans l’imposition des valeurs que dans la construction d’un esprit critique et d’une réflexion autonome. Un enseignant d’éducation physique des Ardennes. Il prône le dialogue face aux problèmes soulevés par les élèves au sujet par exemple de tenues. On relèvera particulièrement ce propos : « Face à des questions qui relèvent du rapport à soi et à l’autre, qui sont relatives à la pudeur dans ue discipline qui oblige à exposer son corps et dans lequel on se frôle, on se touche, un des rôles de l’EPS est d’éduquer le regard, d’apprendre aux élèves à distinguer ce qui est de l’ordre de la décence et de l’indécence, du tolérable et de l’intolérable » (page 145).

L’historienne Laurence de Cock, chargée de cours à l’université Paris-Diderot, est relativement invitée dans les médias pour évoquer le contenu Des programmes d’histoire. Elle disserte ici autour des liens entre la laïcité et le roman national. Sous la IIIe République, l’école laïque est présentée comme la fille de la Révolution. Sa contribution se termine ainsi : « Le brouillage est tel que la laïcité, principe républicain garant d’une école commune et de justice sociale, nourrit désormais l’hystérisation des débats publics sur les questions identitaires et fait l’objet de détournements répressifs vis- à-vis d’enfants réduits à leur supposée identité confessionnelle, surtout des enfants musulmans. D’une politique de reconnaissance, nous voilà désormais passés à une politique de la méfiance. Sur ces questions, la raison a déserté l’école. Au fond, toute cette place faite à la déraison est sans doute l’une des plus graves atteintes récentes à la laïcité scolaire » (pages 156-157).

L’inspectrice pédagogique régionale de philosophie Évelyne Bechtold conclut son texte par : « combiner raison et émotions en les reliant pour les travailler conduit, au contraire, à élargir la liberté des élèves et à éprouver dans l’acte d’enseigner l’idéal émancipateur de la laïcité » (page 174). Michel Gonnet, ancien inspecteur de l’Éducation nationale, traite de l’obligation de neutralité du fonctionnaire. Son texte se clôt ainsi : « Notre institution scolaire a patiemment construit la nécessité de la liberté pédagogique. Cette liberté ne nie en rien la légitimité d’une politique nationale, mais elle ne permet pas qu’une doxa, fut-elle sortie de la bouche d’un ministre, se substitue à l’expertise professionnelle des personnels enseignants. La définition des finalités est politique ; leur mise en œuvre ne peut faire l’économie d’une élaboration professionnelle responsable mais libre » (page 167).

La troisième section ouvre vers des questionnements plus incongrus avec une connotation plus politique.  Hervé Le Fiblec rappelle que si la laïcité appartient à la culture de gauche, cette grande idée est en voie de fossilisation au début des années 1980 et qu’elle rebondit à partir de 1989 avec l’affaire des foulards de Creil. François Baroin maire chiraquien de Troyes (et fils d’un dirigeant franc-maçon) permet à la droite de s’en emparer (en la définissant sous un angle nouveau) à partir de 2003 avant que le Front national (d’abord opposé à l’interdiction des signes religieux à l’école) n’en fasse un cheval de bataille en l’instrumentalisant contre les musulmans.  Les classes populaires se trouvent alors désunies devant une classe dominante qui tente d’imposer sa conception propre de la laïcité.

Alain Policar avance que tolérance et laïcité vont de pair mais que « l’islam fonctionne comme un modèle de contre-identification collectif pourvoyeur d’une altérité à l’identité française ».  Deux professeurs des écoles rappellent en particulier que les écoles normales, disparues en 1990, furent des pourvoyeurs d’enseignants mus par un idéal de laïcité. Les auteurs sont militants à la FSU, aussi  faut-il leur pardonner que page 231 ils confondent le Cartel national d’action laïque et le Comité national d’action laïque.  Ils ont une forte tendance à l’énumération des mouvements d’éducation se réclamant de l’esprit laïque.   

Deux auteurs avancent à juste titre qu’en matière d’enseignement, le statut en Alsace-Moselle est issu, ni du Concordat ni de la période allemande, mais des lois Falloux votées au milieu du XIXe siècle. Au passage il est dit que le délit de blasphème est abrogé en 2017 dans ces trois départements. Alet Valéro traite de la liberté de recherches à l’université, et revient donc sur les diatribes contre un prétendu islamo-gauchisme dans lequel baigneraient certains travaux universitaires.

       

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

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