Avis de Zaynab : "Ils étaient trois petits enfants qui s'en allaient glaner aux champs"
"La légende de Saint Nicolas" a connu deux magnifiques illustrations en Europe occidentale au XXe siècle, l’une pour l’année 1927 en néerlandais d'Annemarie Dragt et Freddie Langeler (que les francophones n’ont pu découvrir qu’en 2015 chez Jourdan) et une autre de Manon Iessel en 1951 sur un texte de Georges Crouvezier un Champenois s’il faut en croire ces centres d’intérêt.
Saint Nicolas est, dans l’ouvrage réédité en 2016 chez les éditions du Triomphe, bien situé dans son milieu de vie originel, simplifié dans le texte par les termes de pays lointain, d’Asie mineure et de Myre. L’illustration rend bien compte par ses paysages ruraux ou urbains que l’univers dans le quel vit le héros est bien différent de celui de l’Europe et proche de celui dans lequel on représente parfois la vie du Jésus-Christ.
Le texte est systématiquement sur la page de gauche où il compte en moyenne environ une bonne centaine de mots et l’illustration occupe toute la page de droite. Cette dernière rappelle un peu le style des enluminures. Le jeune lecteur aura du mal à comprendre le sens du verbe glaner en voyant une illustration où un des enfants doit bien tenir deux cent épis de blé avec leur tige, ses deux autres frères ont heureusement une récolte bien plus modeste. Dans ce récit les trois enfants sont fils de bûcheron et ils se perdent dans la forêt, ce qui ne manquera pas de faire penser au conte du Petit Poucet d’autant que le boucher les prépare pour les servir comme nourriture.
On peut reprendre les idées de Charles Cahier et Émile Mâle qui voient, l’origine de la légende des trois petits enfants ressuscités par saint Nicolas, dans le fait qu’un des miracles de Saint Nicolas consistant à apparaître en songe à l’empereur Constantin Ier pour lui signifier l’innocence de trois officiers (encore vivants mais en prison) accusés de complot contre Constantin Ier. Sur une image venue d’Orient les officiers, tout petits par rapport au saint sont pris, par des moines occidentaux, pour des enfants et on brode autour d’une histoire de miracle justifiée par le fait que notre évêque redonne vie à trois jeunes êtres.
Dans l’ouvrage réédité ici, Georges Crouvezier a pris en compte la sensibilité enfantine et les trois jeunes frères disparaissent dans le saloir sans avoir été découpé en petits morceaux avec un texte plein d’euphémismes :
« Il les saisit brutalement et les jeta un à un, dans un grand saloir, par la trappe du plancher. Pauvres enfants qui allaient devenir chair à pâté. Ils eurent à peine le temps de recommander leur âme à Dieu que déjà sur eux se refermait un lourd couvercle et qu’ils perdaient toute connaissance.»
Les allusions à la culture chrétienne et aux valeurs morales qu’elle porte sont très sporadiques. Le récit (par le texte et l’illustration) se clôt en donnant la date de la nuit du 5 au 6 décembre comme celle des actions de saint Nicolas en faveur des enfants et en rappelant qu’il est accompagné du Père Fouettard. La culture enfantine possède une petite dizaine de chansons autour de saint Nicolas dont on prendra connaissance des paroles ici http://stnicolasfanclub.free.fr/chansons.php
Il est notable que les reliques de saint Nicolas ont quitté Myre pour Bari en Italie méridionale lorsque le calife abbasside Haroun ar-Rachid (celui des Mille-et-une-nuits) a pris en 809 cette ville de Lycie (pas très loin de l’île de Rhodes). On ne saluera jamais assez l’immense effort fait par les éditions du Triomphe pour rééditer des classiques de la littérature de jeunesse et en particulier d’excellentes BD historiques.
Accessible jeunesse Beaucoup d'illustrations
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