Avis de Adam Craponne : "Intrigue, faits et anachronismes intéressants"
En fait, il s’agit de la reprise de la BD La faucheuse des moissons en faisant sauter quelques pages en particulier certaines où on voyait la vie à l'arrière, les décolletés profonds et les robes extrêmement longues ont disparu, ce qui évite des anachronismes. À l’époque nous avions signalé au scénariste le problème suivant "en 1908 les jeunes de la bande ont 8 à 10 ans, donc ils sont nés entre 1898 et 1900, en 1914 l’un d’entre eux (le fils du châtelain) est déjà à Saint-Cyr et ils sont tous mobilisés en 1914". Ceci est corrigé, nos héros se trouvant avoir près de dix ans en 1902, selon le texte, les voilà donc nés entre 1892 et 1894. La classe 1910 est libérée à l’automne 1913, les classes 1911 à 1913 sont sous les drapeaux, la classe 1914 est appelée le 1er septembre 1914. Pour être au village à l’été 1914, il faut donc être né en 1890 ou avant, c’est-à-dire avoir dix ans au plus tard en 1900 ou huit ans en 1898…
Reste la question de mettre en scène "de nos jours" le dernier poilu vivant ; cette question de date est encore gênante puisque l’ouvrage sort alors que le XXIe siècle est bien entamé. Rappelons que le dernier poilu Ponticelli est mort en 2008 à à peine plus de 110 ans et il appartenait à la classe 1917. Les jours qui précèdent la mobilisation sont intelligemment rendus pour comprendre l’enchaînement des faits qui conduit à l’embrasement général. On est quand même étonné qu’avant le 28 juillet des villageois soient aussi informés de la situation internationale et que tant semblent avoir compris que dès l’ultimatum de l’Autriche à la Serbie le 23 juillet, on allait vers le conflit généralisé (évidemment pas une seule personne sur terre ne l’envisageait).
Le premier tiers du récit se passe dans un village des Hautes-Alpes et le second tiers ouvre sur l’arrivée à Gap des mobilisés. Nos héros, sauf le saint-cyrien fils du châtelain du village se retrouvent donc au 157e RI, ce dernier retrouvera dans les tranchées certains des premiers en janvier 1917 (page 123). Les villageois rencontrent l’ennemi au col de la Chipotte dans le nord du département des Vosges, la contre-attaque française ne permet pas de reprendre Saint-Dié mais stoppe l’avancée allemande.
Les raisons du choix de l’attaque de Verdun en février 1916 sont habilement vulgarisées. Les tirailleurs sénégalais sont mis en exergue, la présence des gaz, les mutineries et même la grippe espagnole sont évoquées. L’intrigue dramatique révèle bien des surprises, bref un scénario intéressant écrit pour faire passer quelques idées fortes. Divers extraits poèmes de Rimbaud, Aragon et Baudelaire, plus des phrases tirées des œuvres de Jules Renard, Ernest Renan, Paul Éluard, Marie-Claire Blais, Charles Péguy sont citées tout au long du récit.
Dans cette édition, et ce qui justifie le titre de l’ouvrage, on trouve environ toutes les douze pages, trois ou quatre pages documentaires largement illstrées. Ces dernières sont un peu posées arbitrairement et leur contenu aurait pu plus s’appuyer sur le récit, ainsi on aurait pu expliquer où était le col de la Chipotte. Sont traités treize thèmes dont celui de la mobilisation des civils (enfants compris), la propagande et la censure, la dimension mondiale du conflit (avec entre autre le monument aux morts des Américains à Suresnes, le cimetière des travailleurs chinois de Nolette, le mémorial sud-africain), le vécu dans les tranchées, les artistes (en particulier Apollinaire, Ravel, Otto Dix, Alain-Fournier, Radiguet mais pas Louis Pergaud), les négociations de paix (avec le musée Clemenceau de Paris mais pas celui du village vendéen où est né le Tigre).
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations
