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Les rencontres de la laïcité: les populismes, un péril pour la laïcité

Les rencontres de la laïcité: les populismes, un péril pour la laïcité
Privat147 pages
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Avis de Benjamin : "L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence (Averroès)"

Georges Méric, alors président du Conseil départemental de la Haute-Garonne, assure la préface de l’ouvrage. Il commence par citer les quatre pathologies de la mondialisation : la marchandisation avec l’uberisation  des rapports sociaux, une délégation des richesses allant avec une publication de la biosphère et un appauvrissement de la biodiversité entraînant un bouleversement climatique, un libéralisme débridé allié à un communautarisme identitaire et une montée des populismes nourrie notamment de haine, d’exclusion et de désespoir. Il s’agit de retrouver l’esprit des lumières en s’appuyant sur ses valeurs d’émancipation, d’universalité et d’humanisme.

Michel Wieviorka commence par souligner le fou qui entoure le sens des mots "populisme" et "populiste". Ils ont acquis globalement un sens péjoratif, renvoyant à l’idée de démagogie. L’histoire du populisme peut être commencée en Russie où des intellectuels vont à la rencontre du peuple pour s’opposer au régime tsariste. « Ils fonctionnent sous tension, entre éloge de la communauté rurale traditionnelle russe, l’obscina, et désir de modernisation  plus ou moins socialisant de l’économie, entre réforme et révolution. Quand leur mouvement touche à sa fin, certains d’entre eux font le choix désespéré du terrorisme, l’apogée ayant été donnée par l’assassinat du tsar Alexandre II en 1882 ; d’autres participent à la création d’un parti socialiste révolutionnaire, qui sera lui-même éliminé ensuite par les bolcheviks » (page 28).

Aux USA, à la charnière du XXe siècle apparaît le People’s Paty. Il est porté par les fermiers du sud des États-Unis qui ont des exigences financières des banquiers et compagnies de chemin de fer. Il se rapproche du Parti Démocrate puis disparaît faute d’avoir pu coaliser les populations noires et blanches dans ses actions. Les populismes sud-américains sont assez connus. Les deux figures manquantes sont au Brésil Getúlio Vargas (président de 1930 à 1945) et Juan Perón (président de 1946 à 1954) pour l'Argentine. Ces régimes sont plébiscitaires et étatistes car l’État assure un certain contrôle sur l’économie.  

La France a connu deux grands monuments populistes historiques : le boulangisme et le poujadisme. Le général Boulanger a une activité politique à la fin des années 1880. « Il en appelle au peuple, en termes plutôt sociaux, mais aussi à la revanche de la nation qui vient de connaître sa défaite en 1870. (…) N’a-t-il pas proposé une synthèse singulière du socialisme et de l’idée de nation, à la limite, une préfiguration de fascisme, comme l’affirme l’historien israélien Zeev Sternhell ? A-t-il incarné le dernier espoir d’une restauration monarchique ? » (pages 32-33). Le poujadisme est porté par de petits commerçants et artisans, il dénonce le système parlementaire (on lui doit le slogan "sortez les sortants"). Jean-Marie Le Pen se fit élire député de Paris sous la bannière poujadiste.

Dans le prolongement de mai 1968, des militants maoïstes vont choisir d’aller travailler en usine alors qu’ils menaient souvent auparavant des études universitaires. Le livre de référence en la matière est L’Établi de Robert Linhardt qui travailla chez Citroën à la porte de Choisy. D’autres militants font un retour à la terre.

Ce qui frappe c’est la grande diversité des expressions populistes : « ces expressions peuvent correspondre à un puissant élan de générosité, être ouvertes, progressistes, portées par l’espoir d’un peuple opprimé. Mais aussi, elles peuvent comporter des éléments non négligeables de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme. Quand le populisme inclut de fortes références à une identité nationale ou communautaire, à un éthos, il peut viser à la pureté du corps social, à l’expulsion de ce qui ne lui serait pas culturellement ou religieusement homogène – la haine des juifs, notamment n’est pas loin. Quand il entend élargir la participation sociale et politique du "peuple", plutôt alors défini comme demos, il peut s’en prendre à des élites qui constituent un obstacle – les Juifs notamment accusés souvent d’être les maîtres de l’argent et du pouvoir. Il peut aussi vouloir se démarquer socialement et de là racialement de concurrents dans cette participation – les Noirs, par exemple les "pauvres Blancs" américains » (page 36-37).

Le populisme se nourrit d’un esprit protestataire qui peut prendre des élans identitaires. On doit donc évoquer plutôt les populismes que le populisme. Le Front national devenu Rassemblement national a un fort tropisme d’extrême-droite et a fait de l’immigration son thème central. La France insoumise entend « agréger les mécontentements populaires à l’égard des élites, y compris s’ils s’expriment jusqu’ici pour le Front national, de se démarquer de la gauche classique, et a fortiori de toute autre force politique » (page 43). Dans ces dernières années en Italie, le mouvement Cinq étoiles (créé par Beppe Guillo) comme aux Pays-Bas le parti de Geert Wilders avec des idées islamophobes et contre l’immigration, en Hongrie le Fidesz de Viktor Orban, en Pologne l’organisation derrière Beata Szydlo relèvent de tentation populiste, d’ailleurs à côté d’autres en Autriche ou Europe de l’Est. Ces appareils sont assez hostiles à l’Union européenne, tendent vers l’autoritarisme, sont marqués par un nationalisme puissant et tout en étant favorable au libéralisme économique prônent des mesures protectionnistes.

Selon Michel Wieviorka, à partir de la campagne présidentielle de 2017, le néo-populisme peut se décliner en quatre orientations politiques principales. Il peut être nationaliste (avec des doses variables de xénophobie) pour une société fermée et une nation homogène culturellement. On peut le trouver à la gauche de la gauche marqué par un anti-européanisme excluant la xénophobie. Un populisme centriste d’en bas, populaire dans ses  accents, et un populisme centriste d’en haut « mettant en avant la raison gestionnaire ou économique, mais s’affranchissant le plus possible des médiations, comme d’une certaine façon Emmanuel Macron en campagne présidentielle en 2017 puis dans sa politique, notamment vis-à-vis des syndicats » (page 57).

Après avoir exposé longuement les raisons de monter des populismes et leur différence de qualités selon qu’ils appartiennent à l’Europe occidentale ou à l’Europe orientale, Michel Wieviorka termine par une réflexion intitulée "Menaces pour la laïcité, la République et la démocratie". « Un discours pur et dur républicain et laïc émane donc du Front national, se parant des atouts de l’universel, mais en fait venant appuyer des logiques de rejet et de refus des musulmans.  Le néopopulisme, ici, pervertit l’esprit républicain, en même temps qu’il rencontre des pans entiers de l’opinion, y compris des intellectuels et des acteurs politiques de la gauche ou de la droite les plus respectables » (page 81).

L’auteur s’inquiète de la radicalisation du débat public sous l’influence des idées populistes et craint les conséquences de l’arrivée au pouvoir d’un parti populiste ou les pulsions incontrôlées que son idéologie peut semer dans des individus hors de tout contrôle social. Le populisme est une pente d’entrée possible vers une radicalisation de certaines personnes. Le débat, qui suit, couvre cinquante pages.

 

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Benjamin

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