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Populisme(s) Attention danger !

Populisme(s) Attention danger !
L’Harmatttan196 pages
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Avis de Benjamin : "Le populisme a-t-il autant d’avenir qu’il a de racines ?"

Dans l’introduction, il est rappelé que Jean-Luc Mélenchon avait dit assumer le qualificatif de "populiste".  Ce terme est apparu dans la Russie des années qui suivirent la Guerre de Crimée auprès d’intellectuels entendant se tourner vers les plus humbles (en priorité les paysans) pour les pousser à se révolter contre le régime tzariste. Aujourd’hui, ce terme sert généralement à désigner des régimes illibéraux, prétendant exprimer la volonté du peuple tout en montrant une hostilité plus ou moins prononcée envers la démocratie représentative, mais aussi des mouvements démagogiques. 

En France, cette appellation apparaît en 1912 pour justement évoquer les partisans russes d’une transformation radicale de la société qui trouverait son moteur dans la paysannerie russe. Il désigne à partir de 1929 un courant culturel qui, au cinéma et dans la littérature, entend décrire l’univers des milieux populaires. S’en suit la création d’un Prix du roman populiste en 1931, dont le premier lauréat est Eugène Dabit pour Hôtel du nord. Si certaines années, il ne fut pas décerné, il est toujours décerné mais a pris le nom de son premier lauréat en 2012.

Selon l’écrivain Olivier Guez le populisme est une réaction contre la mondialisation. Par ailleurs on peut dire qu’il oppose les élites au peuple, entendant rendre à ce dernier le pouvoir en se débarrassant des corps intermédiaires et d’un système politique corrompu. Selon l’auteur des mouvements récents de contestation, comme en 2013 Les Bonnets rouges, en 2016 Nuit debout et en 2018 Les gilets jaunes peuvent être qualifiés de "populistes".

Dans le premier chapitre, l’auteur explore les origines du populisme qu’il va chercher en Grèce antique. La démocratie athénienne où les citoyens participent librement et directement à la prise de décision plotique illustre la première forme de populisme. Ajoutons personnellement qu’à Rome les frères Tiberius et Caius Gracchus proposent des réformes agraires et pour le second en plus un programme socia. Le tout remet en cause le pouvoir et la puissance terrienne des sénateurs. Les deux le payent de leur vie, le premier en 133 et le second en 121 avant Jésus-Christ.

Jean-Louis Clergerie choisit ensuite de présenter tout une galerie de personnages qui, depuis le moine anglais Alcuin à la fin du VIIIe siècle, ont utilisé l’aphorisme « La voix du peuple est la voix de Dieu ». Machiavel  pense que, face aux grands notables de l’État, le Prince doit s’assurer du soutien du peuple qui a un sens inné du bien et du mal qui résultent des actions du souverain.

Pour notre auteur, outre la révolte des Bonnets rouges vers 1675 (sur laquelle il revient longuement), le mouvement boulangiste à la fin du XIXe siècle, les Chemises vertes du syndicaliste agricole Henri Dorgères (futur député poujadiste), le mouvement Poujade (dont Jean-Marie Le Pen fut un député), dans les années 1970 le CIDUNATI de Gérard Nicoud relèvent du populisme. Contrairement à ce que dit Jean-Louis Clergerie, ce dernier fut d’ailleurs candidat aux européennes en 1984 (aux côtés de Poujade) et en 1992 aux régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur avec l’étiquette CNIP. Notre auteur fait un tour du monde des mouvements populistes apparus après la Seconde Guerre mondiale, s’arrêtant particulièrement à l’Amérique latine. Il signale de plus que dans les années 1910, le Mexique est marqué par un populisme trouvant ses racines dans l’action d’Emiliano Zapata et Pancho Villa. Gamal Abdel Nasser est lui la plus éclatante figure du populisme tiers-mondiste ; son régime court de 1953 à 1970. .

Le deuxième chapitre se donne pour objectif de caractériser le populisme avec toutes les ambiguïtés dont il est chargé. Selon Pierre-André Taguieff, sans contenu idéologique propre, le populisme répond à huit critères. Ces derniers sont : une capacité de mobilisation des classes populaires, une hyperpersonnalisation autour d’un chef charismatique, une existence d’un lien direct et personnel d’ordre affectivo imaginaire entre ce leader et ses partisans, un accent mis sur la nation comme socle de l’identité collective, une mise en œuvre d’une stratégie d’incorporation et de coopération des classes populaires afin de préserver l’ordre oligarchique, un discours programmatique enveloppé d’objectifs idéologiques remplissant une fonction de légitimation, une construction d’un parti interclassique à vocation majoritaire, une intervention de l’État pour conduire la modernisation économique du pays » (pages 99-100). Pour nombre de penseurs le populisme idéalise le peuple face aux élites corrompues et a une propension pour les procédés de démocratie directe.

Jean-Louis Clergerie recense les populismes qu’il considère soit de droite soit de gauche au niveau français et mondial. Il termine son développement autour des dangers du populisme. L’auteur rappelle les sympathies d’un tiers des militants et sympathisants Force ouvrière pour le Rassemblement national. Andréa Kotarac, conseiller régional en Auvergne-Rhône-Alpes, qui est passé de La France insoumise à un apparentement au Rassemblement national (il est chargé de préparer la plate-forme écologique de ce parti pour la présidentielle de 2027), illustre pour l’auteur une certaine porosité entre l’extrême-droite et l’extrême-gauche.

L’auteur produit un discours manquant non seulement de nuances, mais porteur de contre-vérités aux yeux de certains lecteurs potentiels à l’égard des élus LFI « ne sachant tenir qu’un discours de haine et de victimisation, qui tend de plus en plus à banaliser la xénophobie, le racisme, l’antisémitisme ou l’homophobie, ils ont en effet depuis déjà longtemps préféré remplacer le dialogue, à la base même de la démocratie, par l’invective, considérant tous ceux qui ne partagent pas exactement leurs idées, non plus comme des adversaires, mais comme des ennemis » (page 179). Autant cette suite de qualificatifs n'auraient pas choqué pour certains secteurs militants du populisme d'extrêm-droite, autant ils peuvent passer pour un dénigrement ici. Auparavant il avait donné une vision bien plus objective du « populisme de gauche, représenté en France par Jean-Luc Mélechon (qui) pourrait en partie s’expliquer par une vision marxiste de la société libérale, au sein de laquelle les élites dirigeantes ne seraient en réalité que de simples exécutants au service du capitalisme exerçant leur domination sur l’ensemble du peuple, présenté comme leur principal victime » (page 154).

Jean-Louis Clergerie invite à réorienter l’Union européenne tant dans ses institutions que dans sa philosophie afin qu’elle soit perçue positivement, ce qui diminuerait les séductions populistes. Il appelle également à un renouveau démocratique au sein des partis politiques et des syndicats ainsi qu’à une action vigoureuse des dirigeants politiques afin de résoudre des problèmes sociétaux. Pour l’auteur, le populisme « entretient un climat de haine et de suspicion (qui) n’apporte aucune solution aux maux qu’il entend dénoncer et conduit trop souvent à la mise en place de régimes autoritaires » (pages 191-192).

 

Pour tous publics Aucune illustration

Benjamin

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