Avis de Adam Craponne : "Mon amour lui n’est pas banni"
Au milieu de l’ouvrage, une citation de l’avocat Dupond-Moretti tente de donner une piste sur les raisons qui ont amené certaines femmes tombent amoureuses d’un malfaiteur pourtant généralement assassin (mais pas toujours aux yeux de celle qui l’aime) :
« Dans notre culture, le voyou est plus séduisant que l’assassin. L’amour de Laurence pour son mari Patrick Brice, par exemple, a ému les jurés aux assises de Moulins, où j’avais l’honneur de les défendre. Ce sont des sentiments que l’on peut comprendre. Alors que tomber raide dingue d’un néo-nazi ou d’un Dutroux mériterait selon moi d’une expertise psychiatrique ». (page 116)
Les compagnes de Marc Dutroux et Michel Fourniret, à savoir Michelle Martin et Monique Olivier, sont évoquées ici ponctuellement mais eles sont, dans cet ouvrage, les rares les femmes complices, dans le domaine criminel, de l’homme qu’elles aiment. L’histoire de Monique Olivier, dans sa dimension tragique, débuta en 1986, en lisant une petite annonce de correspondance souhaitée dans les pages du "Pèlerin": « Prisonnier aimerait correspondre avec une personne de tout âge pour oublier solitude ». L’auteur en est Fourniret, alors à Fleury-Mérogis du fait d’une condamnation pour agression sexuelle. À sa sortie de prison fin 1987, Michel Fourniret vit avec Monique et l’épouse une année plus tard.
L’auteure remarque avec justesse que l’on peut considérer, que mises à part celles dont soupçonne les motivations de ce genre de liaison dans un désir de se faire connaître, on d’abord a celles qui trouve dans cet amour une affection idéale : être la seule qui compte pour lui et rien de désagréable pour le bruit et l’odeur (formule chiraquienne) qu’aurait produit une vie commune. On a ensuite les femmes éprises par des sentiments de générosité :
« Il est innocent, je vais l’aider. Ou bien il a commis l’horreur mais il mérite le pardon. Leurs motivations sont altruistes. Au nom de quel droit, dès lors, pourrions-nous les juger ? ». (page 200)
Parmi les personnages évoquées, on trouve bien sûr Nadine qui fit évader Michel Vaujour par hélicoptère en 1986 et qui mère de trois enfants de lui renonça à tenter une autre évasion pour son mari. Ce dernier délaisse alors sa famille et trouve en Djamila une autre femme qui tente de le faire sortir de prison une fois de plus par les airs. Michel s'est converti à l'islam à sa sortie de prison 2003, ajouterons-nous. On a aimé que l’on nous précise que Gilles le frère de Nadine était le compagnon de cavale de Michel Vaujour et que c’est Gilles qui a amené sa sœur à connaître celui qu’elle allait épouser.
Parmi les autres compagnes ou simplement correspondantes, on trouve celles de Rolland Agret (reconnu innocent en 1985), Carlos (qui épouse son avocate), Yvan Colonna, Manson, Dany Leprince, Guy Georges, Khider, Bundy, Breivik, Patrice Alègre ou Rocco Magnotta (un Canadien qui a dépecé son amant chinois en 2012) . Le personnel de prison gardienne ou infirmière est bien entendu assez présent dans ce corpus toutefois toutes les catégories sociales sont présentes avec toutefois une surdiplomisation. Ce sont donc plusieurs dizaines d’histoires d’amour qui nous sont racontées en quelques pages. L’enquête porte sur le monde occidental et l’auteure regrette elle-même de ne pas avoir trouvé d’exemple en Asie par exemple. Notre hypothèse est que là-bas on serait à la fois dans un esprit maffieux où le lien entre voyous et prostituées reste fort et que pour la Chine la morale confucéenne ou maoïste révisionniste ainsi que le désir de trouver un mari répondant à ses besoins consuméristes immédiats ("plutôt pleurer dans ta rolls que rire sur ton vélo") constituent un obstacle à ce genre d’histoires d’amour.
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