Avis de Ernest : "Un ouvrage bien orthodoxe victime de la censure de son diffuseur"
Cap diffusion (groupe Ouest-France) a refusé de diffuser ce livre chez l'éditeur suisse Cabédita, parce qu’il avait un titre jugé provocateur. Chroniques d'un petit immigré à l'usage des constipés de Georges Pop, est un ouvrage bien orthodoxe, pourrait-on dire tant en faisant une allusion à l’origine grecque de son auteur qu’en se référant à un contenu porteur d’une idéologie humaniste et d’une remise en question de nombre d’idées reçues et au fait que le groupe Ouest-France trouve ses origines dans les milieux catholiques ralliés à la République. D’ailleurs en 1899 le premier numéro du journal l’Ouest-Éclair (devenu en 1944 Ouest-France) s’engage « à combattre de toutes nos forces les violents, les rancuniers, les égoïstes » bref en un mot "les constipés" face à l'autre différent d'eux... Enfin de compte le livre Chroniques d'un petit immigré à l'usage des constipés sera diffusé par AVM Diffusion installé à Paray-le-Monial (librairie@avm-diffusion.com).
L’auteur a travaillé trente-six ans sur la radio romande RTS La Première. Il y proposait jusqu’en 2015 une très intéressante chronique quotidienne intitulée Le mot du jour ; il s’interrogeait sur l’étymologie, le sens et les enjeux (parfois économiques) autour de mots en vogue avec l’actualité immédiate. Sa provocation allait jusqu’à réfléchir sur le chant "La Marseillaise", le mot "otage", l’expression "en berne", le terme géographique "Mer Caspienne"… D’ailleurs dans Chroniques d’un petit immigré à l’usage des constipés, on nous explique page 52 qu’Anatole France en 1900 dans Monsieur Berger à Paris introduit le mot "xénophobe" qu’il vient de créer.
Georges Pop a une histoire familiale très riche, on trouve des Pappas dans la Byzance grecque du XVe siècle, ensuite ses ancêtres résident successivement dans l’actuelle Épire du nord, à Venise, dans la future Roumanie (ils changent là leur nom en "Popp") puis à Vienne, avant qu’un arrière-grand-père de Georges Pop ne revienne en Grèce. Ce dernier naît à Athènes en 1955 mais trois ans plus tard ses parents émigrent en Suisse à Lausanne.
L’ouvrage est un hymne à l’intégration et à la binationalité assumée avec ses devoirs et sa richesse ainsi qu’un refus de tout populisme identiraire. Au passage on apprend que le milliardaire zurichois Christophe Blocher est un immigré allemand de la quatrième génération, son arrière-arrière-grand-père de CB, quitte le Wurtemberg pour la Suisse dans la première moitié du XIXe siècle. Comme son grand-père, pasteur à Sion et Zurich, il a tendance à considérer que seuls les Alémaniques sont les véritables Suisses. Christophe Blocher est le dirigeant de l’UDC qui est la version helvétique du Front national.
Comme Tchavdar Marinov dans Nos ancêtres les Thraces, Georges Pop nous conte des exemples de protochronisme dans les Balkans. Afin de savoir placer au mieux ce mot auprès de vos amis et collègues de travail, en voici la définition qu’en donne notre auteur page 170 :
« (ce mot) associe deux mots grecs protos (premier) et chronos (le temps) et caractérise une chapelle pseudo-historique teintée de nationalisme, le protochronisme, qui revendique pour chaque nation un lignage rectiligne avec un peuple de l’Antiquité ».
Pour lui, et comme il est d’origine grecque, la palme revient aux Macédoniens de langue slave et dont le territoire correspond non à la Macédoine la plus antique (celle d’avant Philippe II) mais à la Pélagonie et à la Péonie. Ceci nous ramène vers des populations illyriennes ou thraces. Ceci dit, à titre personnel, je préfère ceux qui se réclament de l’Antiquité à ceux qui trouvent leurs racines dans le Moyen-Âge avec leur vision fort discutable de Clovis, de Charlemagne, des Croisés, de Jeanne d'Arc, de Saladin, d'Osman Ier ou du djihad… Et on peut penser que l’intégration d’un Grec dans un milieu francophone (celui de la Romandie), issu d'une famille fort voyageuse, fut un parcours bien plus facile à réaliser que pour d’autres, ce qui ne donne que plus de mérites à ceux que nous connaissons dans ce cas.
Pour tous publics