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Rue d’Aubagne, Marseille

Rue d’Aubagne, Marseille
Rocher350 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "Une rue dont l’histoire enrichit le portrait de Marseille"

L’ouvrage est sous-titré Quand l’histoire d’une rue raconte la France ; cependant il s’agit de la France des XVIIe, XVIIIe, XIXe, XXe et début du XXIe siècle. La rue d’Aubagne est passé dans l’histoire immédiate avec l'effondrement faisant 8 morts des immeubles des n°63 et 65 le 5 novembre 2018. On apprendra qu’en 1904 un bâtiment s’effondre déjà dans cette artère. Notre présentation sera globalement chronologique, principe que n’emploie pas l’auteur.

Le reproche que l’on peut faire à cet ouvrage est de ne pas avoir proposé un plan de Marseille permettant de situer cette rue. Cette dernière court de la rue des Récolettes à la place Paul-Cézanne en franchissant le cours Lieutaud par un pont (reconstruit après son écroulement en 1867); en remontant la Cannebière cette voie se trouve sur la droite et est assez proche de cet axe majeur de la cité phocéenne. Quelques documents iconographiques n’auraient également pas été un luxe.

La rue d’Aubagne tire son nom de l’existence de l'auberge le Logis d’Aubagne, dont on trouve trace dès la fin du XVIIe siècle et qui soit avait eu son premier patron originaire d’Aubagne, soit recevait souvent des clients venant de cette paroisse voisine. La persécution des protestants commence bien avant la date de la Révocation de l’édit de Nantes et on découvre toutes les misères commerciales que dut subir le parpaillot Claude Baguet très présent dans les productions de laine et de soie en provenance des terres du Languedoc proches du Rhône. Durant l’époque moderne, la nationalité la plus répandue parmi les commerçants du port sont les Suisses ; ils ont des privilèges commerciaux et la liberté de culte. Parmi ceux-ci se trouve la famille Sollicoffre qui fait des placements immobiliers dans l’artère qui nous intéresse.

En 1772 la Comédie de Marseille est le lieu de départ d’une très importante émeute qui naît des exigences de la femme du président du parlement d’Aix (le marquis d’Albertas) de faire jouer l’opéra-ballet Zémire et Azor. Cette œuvre, dont la musique est due à André-Ernest-Modeste Grétry, est inspirée du conte de La Belle et la bête.  Nous ajouterons que Martel assassina le marquis d’Albertas et fut, Gémenos le 2 août 1790,  le dernier homme condamné à l’écartèlement.

Le moment de la Révolution française est décliné à travers divers récits dont la possession de maisons par Auguste Mossy imprimeur et maire d’un des trois secteurs de Marseille. Eusèbe Desalle (en fait plus connu comme Eusèbe de Salle) fut, au milieu du XIXe siècle, professeur d'arabe au lycée de Marseille donne des cours communaux gratis de la langue de Mahomet rue d’Aubagne dans un bâtiment qui deviendra la faculté des sciences.

Peste et choléra frappent dans cette rue populaire respectivement au début du XVIIIe et commencement du XIXe siècle. Diverses affaires crapuleuses sont contées. Certaines des frasques du marquis de Sade ont lieu dans la rue d’Aubagne, un  lieu  où alors sévissait une prostitution qui y persistera longtemps. En effet Gaissad, dans une contribution d'un ouvrage (dirigé par Vassort) Rapport d’activité et d’évaluation de l’action 2000, signale des péripatéticiennes maghrébines dans cette voie.

On trouve une école protestante rue d’Aubagne jusqu’aux lois Jules Ferry. La Commune de Marseille de 1871 est évoquée comme le fait qu’au 11 de la rue d’Aubagne le bar Frédéric est un lieu de réunion des anarchistes à la fin du XIXe siècle et au début du siècle suivant. Dans l’Entre-deux-guerres, le journaliste libertaire Gleize et le représentant de commerce André Arru se font les promoteurs de la vasectomie (une contraception définitive).

Ceci est l’occasion d’évoquer Alexandre Jacob dont les méfaits inspirèrent le personnage d’Arsène Lupin. Les deux patrons du milieu marseillais Carbone et Spirito trouvent également place dans cet ouvrage.

La destruction du quartier du Panier est la conséquence de la rafle des 22 au 23 janvier 1943, et on apprend que la rue d’Aubagne est également ciblé par les polices françaises et allemandes. Nombre de juifs habitaient alors cet espace, certains appartenaient à des familles ayant fui les émeutes antisémites qui avaient eu lieu en Algérie à la fin du XIXe siècle, d’autres venaient de Grèce, Pologne ou Allemagne. Une salle de boxe permet à Kid Francis (né Francesco Buonagurio le 7 octobre 1907 à Marseille) de se faire un nom ; ce dernier raflé par les Allemands en 1943 meurt en déportation.

Jean Eiffel se fait le décorateur de la salle de spectacle Mazenod (du nom d’un évêque du XIXe siècle) situé au 88 de notre rue. Léo Sauvage (pseudonyme Léopold Smotriez) d’origine juive germanique et Sylvain Itkine issu d’une famille juive lituanienne montent là Marseille une troupe de théâtre "Les compagnons de la Basoche" qui raille le régime de Vichy. On découvrira que cette rue est très marquée, à différentes époques, par l’univers des comédiens. Vincent Quivy effleure d’autres sujets comme notamment la French Connection (exportation d'héroïne de la France vers les USA) ou une présence temporaire d’Albert Spaggiari.

Pour tous publics Aucune illustration

Benjamin

Note globale :

Par - 466 avis déposés - lecteur régulier

165 critiques
01/04/24
Et la fête continue ! est un film franco-italien réalisé par Robert Guédiguian et sorti en 2023. Il évoque l'effondrement en 2018 des immeubles de la rue d'Aubagne.
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