Avis de Benjamin : "Tout le monde a été, est ou sera johannique"
Il s’agit d’une anthologie. L’ouvrage est sous-titré De Christine de Pizan à Leonard Cohen. En effet la première poésie consacrée à Jeanne d’Arc est antérieure à son décès (datant de 1431) puisqu’elle relève de 1429. Elle commence ainsi :
« Et toy, Pucelle honorée
N’y dois-tu estre obliée,
Puisque Dieu t'a tant honnourée,
Qui as la corde desliée,
Qui tenoit France estroit liée ».
Outre deux textes d’auteur inconnu, on a deux autres poèmes d’avant 1431 un en italien d’Antonio Beccaldi (conseiller du duc de Milan puis du roi des Deux-Siciles) et Antoine Astesan (d’une famille d’origine italienne d’Asti dans le marquisat de Saluces). On apprécie que chaque auteur soit présenté en cent à cent-cinquante pages.
François Villon, trente ans après la mort de Jeannes, la met dans sa Ballade des dames du temps jadis :
« Et Jeanne, la bonne Lorraine
Qu'Anglais brûlèrent à Rouen ;
Où sont-ils, où, Vierge souvraine ?
Mais où sont les neiges d'antan ? »
Illustration absente de l'ouvrage. Un fiancé fit à Toul, avec l'appui des parents de Jeanne, un procès à celle-ci pour rupture de fiancailles. Ceci pourrait prouver que les parents de la Pucelle n'étaient pas très favorables à l'accomplissement de la mission qu'elle se donnait.
Pour ce XVe siècle on a treize poèmes, ils sont neuf au XVIe siècle dont resort un texte de William Shakespeare tiré de The Tragedy of Henry the Sixth. Il est intéressant de voir que l’on ne dispose que de six textes pour le siècle suivant et qu’aucun ne dépasse la date de 1656. Si bien que c’est un trou exceptionnel de soixante-quinze ans que l’on trouve entre 1656 et 1721. Toutefois on trouve Voltaire avec la Pucelle d’Orléans qui démarre ainsi :
« Vous m’ordonnez de célébrer des saints :
Ma voix est faible, et même un peu profane.
Il faut pourtant vous chanter cette Jeanne
Qui fit, dit-on, des prodiges divins.
Elle affermit, de ses pucelles mains,
Des fleurs de lys la tige gallicane,
Sauva son roi de la rage anglicane,
Et le fit oindre au maître-autel de Reims.
Jeanne montra sous féminin visage,
Sous le corset et sous le cotillon,
D’un vrai Roland le vigoureux courage.
J’aimerais mieux, le soir pour mon usage,
Une beauté douce comme un mouton ;
Mais Jeanne d’Arc eut un cœur de lion :
Vous le verrez, si lisez cet ouvrage.
Vous tremblerez de ses exploits nouveaux ;
Et le plus grand de ses rares travaux
Fut de garder un an son pucelage ».
Au XIXe siècle le premier auteur à s’exprimer est Friedrich Schiller, c’est un vrai boom pour ce siècle car on trouve trente-trois textes, côté français Jeanne d’Arc est plutôt une héroïne de mécréants (n’oublions pas qu’elle est condamnée par l’Église et abandonnée par son roi) on relance Jeanne d’Arc autour de l’idée de Revanche. On citera à ce propos Gaston Coûté (poète orléanais libertaire) :
« Bonne Lorraine, hélas ! quand crieront-ils : « Aux armes !..
Tes neveux du pays de l'Est, là-bas, un peu,
Dans la brume... Espérons ! car ta chère âme peut
Faire luire pour eux l'astre de la délivrance.
— Et bouter l'Allemand hors de la doulce France !.. »
À l’opposé avec la béatification en 1909 puis la canonisation Jeanne d'Arc en 1920, le XXe siècle voit les auteurs catholiques s’emparer de l’image de la Pucelle. On trouve donc certains ecclésiastiques, Théodore Botrel ( surnommé "le barbe breton", il porte toutes les valeurs antirépublicaines de la Belle Époque) et Charles Péguy. Toutefois on rencontre aussi Paul Fort et Jules Supervielle.
Leonard Cohen écrit Joan of Arc en 1971 et il s’agit en fait d’un texte poétique devenu une chanson dont voici le début:
« Now the flames they follow Joan of Arc
Maintenant les flammes ( elles) suivent Jeanne d' Arc
As she came riding through the dark.
Qui chevauche à travers l'obscurité.
No moon to keep her armour bright,
Pas de lune pour faire briller son armure,
No man to get her through this very smoky night.
Pas d'homme pour l'aider à traverser cette nuit si brumeuse
She said "I'm tired of the war,
Elle dit " je suis fatiguée de la guerre,
I want the kind of work I had before,
Je veux (retrouver) le même genre de travail que j'avais auparavant,
A wedding dress or something white
Une robe de mariée ou quelque chose de blanc
To wear upon my swollen appetite.
Pour porter sur mon énorme envie.»
Pour le XXIe siècle, il n’y a en fait qu’un seul poème celui d’un Danois ; ceci nous amène à préciser que la bonne quarantaine de textes en langue étrangère (non seulement en danois, en italien, en anglais et allemand comme on l’a vu mais aussi en hongrois, japonais, polonais, russe, suédois…) sont donnés d’abord en entier dans leur traduction et ensuite dans leur version originale.
Cet ouvrage, outre de nous proposer certains textes remarquables, a l’immense qualité de monter que sinon on ne connaît pas le vrai visage de Jeanne par contre on en a fait par écrits une multitude de portraits porteurs de bien d’idéologies différentes.
On n’oubliera pas que les enfants inventèrent des comptines autour de La Pucelle, voir à ce propos https://books.google.fr/books?id=tuyE3ELSnMQC&pg=PA462&lpg=PA462&dq=comptines+jeanne+d%27arc&source=bl&ots=LVC7gdEpKi&sig=wf2_nmUTSyCAxPDcL1PmegONBAk&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiRi_rJqMjVAhVIaVAKHYbWAHE4ChDoAQgoMAA#v=onepage&q=comptines%20jeanne%20d%27arc&f=false
Sur les chansons évoquant Jeanne d’Arc, on se reportera à http://juliederamond.free.fr/Site%20Julie/Articles%20ju/J.%20Deramond%20-%20Chanson%20johannique,%20chanson%20politique.pdf
à http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/ces-chansons-qui-font-l-actu/jeanne-d-arc-une-sainte-et-beaucoup-de-chansons_1779327.html
et à https://polatouche.org/2016/05/07/4899/
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