Avis de Benjamin : "Ach la guerre groß rassembleur !"
En 1931 le narrateur se lance dans des études d’histoire de l’art qui l’amène à rentrer au Musée d’état de Berlin puis à la réunion des musées de Berlin. Au printemps 1940, comme lieutenant, il est affecté au service de la propagande allemand en France, celui-ci dépend de l’armée et non d’Otto Abetz le nouvel ambassadeur de l’Allemagne à Paris. Ce dernier demande à l’armée allemande le retour des collections du Louvre à Paris entreposés en province et c’est au comte Metternich de la commission pour la protection des œuvres d’art en France, Belgique et Luxembourg. Professeur d’histoire de l’art à l’université de Bonn, conservateur d’un musée rhénan et antinazi, on lui doit le non-pillage systématique des collections du Louvre. Pour s’être opposé très vite aux agissements du maréchal Goering et de la commission Rosenberg chargée de la spoliation des familles israélites, ce dernier est d’ailleurs démis de ses fonctions de président du Kunstschutz en juin 1942. Cet aspect développé dans "Les artistes en France sous l’Occupation" est un des plus intéressant.
Il s’agit là d’un ouvrage de souvenirs, Werner Lange francophile, antinazi et homosexuel passe quatre ans à fréquenter nombre d’artistes français et galeristes (souvent d’origine juive) : il leur rend de menus et grands services. Ainsi il intervient pour sauver des griffes de la Gestapo Diana Verney. Il évoque dans quelles conditions des artistes français se rendirent en Allemagne pour ce fameux voyage à l’automne 1941, précisant qu’au retour les participants furent prestement invités d’envoyer en remerciement au Docteur Goebbels une de leurs productions. On croise donc Picasso, Utrillo, Vlaminck, Charles Despiau, Raoul Dufy, le pianiste Alfred Cortot…
Un des points les plus heureusement surprenants est qu’à partir du fait que le narrateur fréquent régulièrement le marchand d’art Georges Maratier, les pages 117 à 120 soient quasiment consacrées à Guillaume Apollinaire, son appartement parisien et à son épouse Jacqueline, précisant que cette native des Vosges rencontra le poète du fait de ses fonctions d’infirmière. Un petit mot est également dit autour de l’exposition "Apollinaire et ses peintres" ; il est dommage là comme en d’autres circonstances on reste dans un flou artistique sur les dates, peut-être les années soixante car Werner Lange est mort dans les années 1980 en France (où il était revenu vivre peut-être vers 1960). Toutefois avec des notes de l’éditeur et une connaissance générale de l’ensemble de l’histoire de l’art de la première partie du XXe siècle, on arrive assez aisément à distinguer ce qui est faits vécus de faits rapportés pour la Belle Époque, l’Entre-deux-guerres, les Trente Glorieuses et au-delà. Les circonstances dans lesquelles le manuscrit de Werner Lange nous est parvenu tiennent d’une suite d’évènements décalés dans le temps. Le livre "Les artistes en France sous l’Occupation" trouvera un prolongement dans la lecture du "Voyage d'automne" par François Dufay.
De nombreuses et intéressantes photographies sont présentes dont une avec Georges Maratier et l'épouse d'Apollinaire, datant des années 1950. Les autres clichés sont pour la plupart de l'époque de l'Occupation.
Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations
Le marché de l'art sous l'occupation (1940-1944) en France, en Belgique et aux Pays-Bas.
Conférence mardi 24 septembre 2019 à 17 heures
Bruxelles – Palais des Académies – Salle à déterminer
Mémorial de la Shoah
Les 6, 13 et 20 octobre 2019