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Jusqu’à la nausée

Jusqu’à la nausée
Presses universitaires de Provence268 pages
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Avis de Ernest : "Le dégoût une perception sensorielle évoluant au cours du temps"

L’ouvrage est sous-titré Approche pluridisciplinaire du dégoût aux époques moderne et contemporaine. Il s’agit de rendre compte là de rendre compte de deux cycles de séminaire et à une journée d’étude tenus à l’Université d’Aix-Marseille en 2018, 2019 et 2020. On compte là près de vingt contributions.

 

Généralement le dégoût désigne ce que le goût condamne, mais il est aussi  une réaction vive déclenchée par une perception sensorielle ou un jugement moral préétabli dépendant d’une subjectivité. De l’avant-propos, on retiendra : « De prime abord, le dégoût s’appréhende avant tout comme le négatif du goût. Défini suivant ce sens premier, il manifeste un refus corporel d’entrer en relation avec une matière fétide » (page 5).

 

Pierre Léger relève que Darwin recensait six émotions primaires et universelles qui sont le dégoût, la peur, la joie, la surprise, la tristesse et la colère  (page 12). Il poursuit en avançant que « le dégoût est programmé par notre évolution pour exclure rapidement de notre champ d’expérience tout objet à caractère nocif » (page 12). Paul Taranto s’interroge sur le dégoût comme émotion éthique.

 

Pierre Lyraud évoque l’imaginaire pascalien du dégoût. On note qu’ici : «  le dégoût est aussi une puissance d’élucidation qui indique le moment où l’âme se détache de l’engluement du monde » (page 40). Bruno Trentini écrit que les approches épistémiques répertorient le dégoût dans une émotion négative qui annonce un danger potentiel. Au contraire « les approches épistémiques culturalistes  des émotions montrent qu’il est possible et parfois fréquent, de dépasser un dégoût premier afin de parvenir à apprécier positivement ce qui faisait l’objet d’un dégoût préalable » (page 45). L’auteur cite le cas de la cuisine et de notre propre expérience nous savons que des aliments au goût très particulièrement fort peuvent être très appréciés chez un peuple (comme certains fromages français tel le munster avancé ou les œufs de cent ans en Chine) et révulser tous les étrangers à cette culture. Le dégoût esthétique varierait selon les classes sociales.

 

Giuseppe di Liberti se réfère notamment à Kant comme d’autres contributeurs. Selon lui, la réflexion de Moses Mendelssohn (fer de lance de l'ébullition intellectuelle et morale qui agite la Berlin du XVIIIe siècle) sur continuités et différences entre sentiments moraux et esthétiques amène que « si dans la réception des œuvres d’art le dégoût détruit l’illusion et nous fait sortir de la sphère de l’artistique, néanmoins il est bel et bien une forme d’expérience artistique » (page 66). Tous ces premiers textes s’insèrent dans une partie intitulée "Penser le dégoût".

 

 

Les autre parties se nomment "Écrire le dégoût", "Incarner le dégoût" et "Voir et montrer le dégoût". Dans le second volet, on relève notamment que « Bernados confère alors à la littérature une fonction pamphlétaire dont le dégoût est un vecteur pédagogique » (page 74) et que pour ce dernier écrivain « voir le monde en réaliste, c’est voir un monde déformé, et donc dégoûtant » (page 115), que théâtre de Shakespeare « présente des situations qui amènent parfois les personnages et les spectateurs à la lisière du supportable » (page 77), que chez les catholiques les religieuses montrent un dégoût vis-à-vis de leur propre corps tout en valorisant « les représentations dégoûtantes des corps malades ou mourants au travers de descriptions hagiographiques individuelles » (page 102).     

 

Avec la troisième partie, il y a une étude sur les objets de dégoût ce qui nous amène à s’intéresser aux corps vérolés tels qu’ils étaient perçus à la Renaissance et en particulier par Amboise Paré ou le poète Jean Molinet (qui fut au service de Charles Téméraire et de deux de ses descendants). À la même époque les indigènes d’Amérique sont stigmatisés pour cannibalisme. Un texte en anglais évoque la faible répercussion en matière de discours écœurant autour de l’épidémie de choléra en Europe au XIXe siècle.

 

Un musée anatomique de cire parisien avait ouvert ses portes sous le Second Empire à l’initiative de Pierre Spitzner. L’objectif était de présenter les secrets du corps humain et aussi de visualiser les effets des maladies (y compris vénériennes) que tous pouvaient contracter. Fermé en 1885 le musée voit sa collection sillonner divers pays d’Europe occidentale jusqu’au milieu du XXe siècle et c’est le Conservatoire d'anatomie du musée de la faculté de médecine de Montpellier. Toutefois de but pédagogique (message hygiéniste) on est passé de la peur et du dégoût à vocation de loisirs chez les visiteurs. Béatrice Hermite présente le contenu de ce musée et émet des hypothèses sur les émotions que pouvaient ressentir les visiteurs de cette collection de cires anatomiques. Selon elle, pssé pae prisme du dégoûr, ce serait l’empathie, l’effroi salutaire et l’effroi récréatif. Les artistes de la seconde moitié du XIXe siècle s’inspirent de ce qu’ils ont vu dans ce musée.

 

Le dernier volet propose des contributions où on note que l’on ne parle plus de goût en matière d’art contemporain, tout pouvant être admis comme de l’art. Olivier Leplatre présente un texte intitulé "Nausée de l’image" accompagné de nombreuses illustrations. Il parle de régime de l’abjection (quand le scandale sensible absorbe l’image), régime de l’accommodation (quand le rejet est converti en distance nécessaire à l’incarnation de l’image), régime de la sublimation (quand une opération de transfiguration esthétique rachète ou tente de racheter la trivialité de l’image), régime du paysage (quand l’approche génésique des formes et des matières par l’émotion répulsive permet de dégager de nouveaux territoires perceptifs). Les dernières contributions (largement illustrées) portent sur le dégoût dans la production artistique italienne de la Contre-Réforme, les mots exprimant le dégoût ressenti face à des images, le mouvement de dégoût provoqué volontairement auprès d’un public comme activisme politique.  

idé cadeau

Pour connaisseurs Quelques illustrations

Ernest

Note globale :

Par - 318 avis déposés -

318 critiques
17/01/23
Le lundi 16 janvier est le troisième lundi du mois de janvier. Surnommé le Blue Monday, il serait le “jour le plus déprimant de l'année”. https://www.unsa-education.com/article-/le-blue-monday-quest-ce-que-cest/
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