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Chère Baronne et Amie, Cher monsieur et ami

Chère Baronne et Amie, Cher monsieur et ami
Turquoise 366 pages
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Avis de Octave : "Si tu veux la paix, prépare la paix"

L’ouvrage, qui nous intéresse, est sous-titré Correspondance entre Alfred Nobel et Bertha von Suttner. On découvre ici la petite centaine de lettres que s’échangèrent, entre 1883 et 1896, Alfred Nobel et Bertha von Suttner, les trois-quarts ont été écrites par cette dernière. Toutefois il est possible que certaines lettres envoyées par Alfred Nobel soient perdues.

Si Alfred Nobel est connu par le prix qu’il a fondé, par contre Bertha von Suttner a été oubliée surtout dans les pays non-germaniques. Toutefois en France, elle était assez connue (évidemment dans les milieux pacifistes, mais ceux-ci étaient très actifs dans les années du début du XXe siècle) et nous possédons la photographie du recto d’une carte postale envoyée par l'institutrice Hélène Brion en 1916 à Pierre Brizon lors de son retour de Kienthal  (voir Pierre Brizon pacifiste: Député socialiste de l’Allier, pélerin de Kienthal et Première Guerre mondiale: Le pacifisme des instituteurs syndicalistes). Bertha von Suttner y figure entre deux militaires et des canons.

Bertha von Suttner fut en 1905 la première femme à se voir décerner le Prix nobel de la paix (créé en 1901) ; notons qu’en 1901 ce sont le Français Frédéric Passy et le Suisse Henri Dunant qui reçoivent conjointement le prix. Avant 1914, on trouve encore deux lauréats français à savoir le juriste Louis Renault (aucun lien avec le constructeur d’automobile) et le sénateur de la Sarthe Paul Henri Benjamin Balluet d'Estournelles de Constant.   

Lettre d'Alfred Nobel à Berthe von Suttner

Bertha Suttner est née comtesse Kinsky à Prague en 1843 et morte à Vienne le 21 juin 1914 (elle était alors vice-présidente du Bureau international de la paix), soit juste une semaine avant l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand. Orpheline de père dès sa naissance, elle est témoin de la guerre entre la Prusse et l’Autriche-Hongrie en 1866. Délaissée par les jeunes prétendants car sans dot, elle se refuse à épouser des hommes plus âgés. C’est à Paris en 1875 qu’elle rencontre pour la première fois le professeur Alfred Nobel et l’année suivante Bertha se marie secrètement avec Arthur Gundaccar von Suttner et fuient dans le Caucase (devenu russe depuis quelques décennies). Ils résident neuf ans en Géorgie, donnant des leçons particulières et écrivant des livres. « Lorsque le couple Suttner rentra en Autriche en mai 1885, ils étaient tous les deux devenus des écrivains de renom, Bertha connaissant bien plus de succès qu’Arthur Gundaccar » (page 46).

Bertha Suttner est sensible au conflit russo-turc de 1877-78 qui se déroule tant dans les Balkans (proche de Vienne) qu’au sud de la Géorgie. Lors du traité de paix, la Russie gagne Batoumi en Adjarie qu’elle conservera et la région de Kars qui reviendra à la Turquie à l’issue de la Première Guerre mondiale.  Elle commence à écrire des articles pacifistes et produit en 1889 le roman Bas les armes. Quelques mois avant elle a revu Alfred Nobel à Paris où celui réside lorsqu’il ne voyage pas.

Le pacifisme de Bertha Suttner est très lié à l’idée du progrès de l’humanité dans tous les domaines et à l’espoir que le droit permettra de résoudre les conflits potentiels, elle est bien en lien avec les idées de son époque. D’ailleurs dans le courrier du 7 février 1896 elle se lamente du bruit des bottes dans divers pays et se réjouit de la découverte des rayons X.

« C’est surtout l’idée que l’évolution de la société humaine obéissait aux mêmes lois que celle de la nature qui fut fondamentale pour la vision du monde de Suttner. Cela constitua la base de son optimisme car elle était ferment convaincue que la raison continuerait elle aussi à se développer et qu’ainsi, le monde deviendrait meilleur » (page 45).  

« Paris, 7 janvier 1893.


Chère amie,


Que la nouvelle année vous soit prospère pour vous et pour la noble campagne que vous menez avec tant de force contre l’ignorance et la férocité humaine.
Je voudrais disposer d’une partie de ma fortune pour en faire un prix à distribuer tous les cinq ans (mettons six fois, car si dans trente ans on n’a pas réussi à réformer le système actuel, on retombera fatalement dans la barbarie). Ce prix serait décerné à celui ou à celle qui aurait fait faire à l’Europe le plus grand pas vers les idées de pacification générale.»

Cette volonté de paix est portée, à la Belle Époque, par des milieux divers issus pour partie de la bourgeoisie (« il faut 50 ans de paix pour se guérir de quelques années de victoire »), d’églises protestantes et du mouvement socialiste.  L’ouvrage est magistralement et pédagogiquement introduit, en près de cent pages,  par Edelgard Biedermann ; une quinzaine de pages portent des illustrations ; le contenu de toutes les lettres est reproduit avec des notes explicatives.  Dans ces courriers Bertha fait allusion à bien d’évènements comme des manifestations antisémites en 1891 à Vienne, l’invasion de l’Erythrée par l’Italie en 1896 ou l’assassinat du chef de gouvernement bulgare Stambolov en 1895 par des partisans de l’alliance russe.

Pour connaisseurs Quelques illustrations

Octave

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