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Croisades contre Jihad

Croisades contre Jihad
60 pages
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Avis de Grégoire : "Croisade contre le mot croisade"

Dans le contexte international que nous connaissons, il est constamment fait référence aux croisades. Ce terme est devenu générique et désigne tout et son contraire. En occident, il a été utilisé par Georges W Bush lors de l’intervention en Irak de 2003, faisant suite aux attentats du 11 septembre, mais aussi par certains responsables dans les balkans et en Russie, où les cicatrices de guerres passées entre orthodoxes et catholiques ne sont pas toujours bien refermées. Au Moyen-Orient, nombre de médias et de leaders politiques illustrent leur sentiment d’agression occidentale permanente par un détournement du mot "croisé" et une version historiquement revisitée des croisades. .

On trouve parfois des comparaisons entre la reconquête des terres saintes au XIe, XIIe, et XIIIe siècle et le Jihad, sans que cela ait la moindre pertinence historique ou théologique.

Ce hors-série Histoire du magazine La Vie fait le point sur l’histoire des croisades, et démonte la représentation caricaturale qui en est constamment faite, que ce soit par paresse intellectuelle ou par volonté de récupération politique.

Une justification religieuse de la première croisade ?

Les jihadistes les plus virulents croient trouver justification de la violence dans une lecture littérale des livres saints de l’Islam. Le prophète Mahomet y est en effet présenté à plusieurs reprises en chef de guerre. Ils ignorent volontairement la dimension spirituelle du Jihad, combat intérieur contre le péché, pour ne baser leur compréhension que sur sa dimension politique, comme l’ont fait avant eux, dès la naissance de cette religion, les grands conquérants des VIIe et VIIIe siècles.

A l’inverse, aucune lecture orientée des évangiles ne permet d’y déceler trace de violence. Pendant les mille premières années du christianisme, aucun théologien ne s’est inspiré directement du nouveau testament pour justifier une guerre.

La donne change quand les turcs Seldjoukides prennent en 1071 Jérusalem aux arabes et interdisent les pèlerinages chrétiens. Menacé par cette nouvelle puissance régionale, l’Empire romain d’Orient appelle l’Occident à l’aide. Le Pape Urbain II prêche la reconquête et s’appuie sur des prêcheurs locaux appelant à la guerre sainte, promettant absolution des péchés à ceux que l’on appelle alors “pèlerins”. La première croisade est en marche.

D’autres causes plus lointaines ne sont pas citées dans le magazine, comme l’expansion démographique en Europe au XIe siècle, qui multiplie le nombre de cadets jaloux et désireux de combattre. L’Eglise trouvera dans une guerre lointaine le moyen d’éviter un embrasement de l’Europe (qui finira d’ailleurs par arriver au retour des croisés).

Le mensonge du “choc de civilisations”

Contrairement aux idées reçues, le conflit ne se réduit pas à un affrontement “chrétiens contre musulmans”. D’abord, les premières victimes des croisés sont les juifs d’Europe, massacrés en grand nombre sur le chemin de Jérusalem. Par ailleurs, les conflits internes à la chrétienté sont nombreux et souvent meurtriers. L’épisode le plus notable est le pillage de Constantinople en 1204 (4e croisade). Victimes d’eux-mêmes enfin, les croisés sont confrontés aux pires difficultés matérielles. Des croisades “populaires”, improvisées par le peuple sans l’appui de l’Eglise, ne parviennent même pas jusqu’à Constantinople.

D’ailleurs, l’opposition aux croisades est forte en occident, en particulier à cause de son coût. Une grande partie du clergé s’oppose à ces guerres lointaines, qui dénaturent le message du Christ.

Côté musulman, les conflits internes sont tout aussi ravageurs. Fatimides chiites d’Egypte, Seldjoukides sunnites turcs, califat abbasside d’Irak, sans compter les autres courants religieux orientaux (chrétiens arméniens et syriens, etc …), forment une mosaïque de peuples souvent en conflit ouvert. L’unité musulmane ne sera possible que grâce au kurde Saladin, devenu dès lors une légende.

Entre chrétiens et musulmans, beaucoup d’échanges ont eu lieu, tout particulièrement commerciaux mais aussi “culturels” comme l’illustre le cas de Frédéric II, empereur du Saint-Empire parlant arabe et fraternisant avec le sultan d’Egypte, ou encore Saint François d’Assise qui prône la conversion par l’exemple et par l’intégration plutôt que par la force.

Les personnages et les villes

Nous ne reviendrons pas ici sur la description des principaux personnages de l’histoire des croisades, tous bien décrits dans le magazine. De Godefroy de Bouillon, héros chevaleresque au courage sans faille, à Saladin le sage, en passant par Richard coeur de Lion à la vie incroyablement romanesque, cette période a suscité l’apparition de personnages légendaires.

Les femmes ne font pas exception. Elles ont participé activement aux croisades, à l’image d’Aliénor d’Aquitaine. Nombre d’entre elles ont même combattu aux côtés des chevaliers croisés, comme Marguerite de Berverley qui réussit à fuir Jérusalem pendant le siège de Saladin et traversa seule la Syrie et l’Asie Mineure pour rentrer en Europe.

Les principales villes constituant le théâtre des croisades sont décrites : Jérusalem bien sûr, Constantinople, Antioche, Acre.

Conclusion

Ce magazine est incontournable d’abord par sa qualité pédagogique et documentaire (cartes, illustrations, bibliographie …).
Ensuite et surtout, il aborde avec intelligence une série d’évènements qui trouvent encore écho dans les conflits géopolitiques actuels. Trop souvent déformée, pour ne pas dire réinventée, la réalité historique de cette série de conflits paraît hélas aujourd’hui moins importante que le symbole qui en est fait à travers les clichés que véhiculent même nos livres d’Histoire : choc de civilisations, revanche de l’Islam sur la chrétienté, ferveur religieuse amenant nécessairement à la violence ...

Un espoir naît des historiens occidentaux comme orientaux, qui continuent de travailler à comprendre au lieu d’embraser, à observer la complexité plutôt que la caricature, et à redonner un sens aux mots.

Pour tous publics Beaucoup d'illustrations Plan thématique

Grégoire

Note globale :

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