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Louis XI le méconnu

Louis XI le méconnu
Albin Michel246 pages
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Avis de Georgia : "Une opposition de styles entre un monarque éclairé et un cruel duc"

Il est coutume d'imaginer Louis XI dissimuler ses véritables intentions, la tête quasi enfouie sous son chapeau recouvert de médailles, édenté, laid et affichant un gros nez rougeaud tel Pinocchio afin de cacher ses mensonges pour mieux berner ses ennemis, petit, flasque, sans charisme aucun. Il est fréquent de le comparer à l'auguste Louis XIV, incomparable stature affichant sa gloire et son maintien pour mieux les différencier. Pourtant, tous deux avaient le même souci de l'état, de la conservation des territoires et de son étendue progressive. Tous deux savaient écouter pour mieux décider seul, user de la bourgeoisie reconnaissante qui lui devait tout pour mieux écarter les nobles qui, eux, exigeaient toujours comme un dû permanent.

Egrénant la vie de cet homme devenu Roi, Gonzague Saint-Bris souligne la psychologie du personnage et l'importance qu'elle revêt dans l'oeuvre qu'il a su construire, façonnant la France qui, à l'époque, n'en était pas vraiment une et met à mal certains des aspects de la légende noire de celui que l'on nommait « l 'universelle Araigne » qui tisse sa toile, sûrement et implacablement. Il n'était ni cruel, ni fourbe, pardonnait quand il le pouvait et punissait quand l'avenir de la France ne le permettait pas. Adieu les châteaux lugubres, les corps pendus et pourrissants au fil des saisons . Certes, il y en a eu mais pas plus que dans toutes les époques où un pays doit installer la paix. Derrière tout Roi de France, se cache un homme.

Très tôt, Louis XI s'installe modestement mais confortablement au château de Plessis-les-Tours qu'il achète dès 1463 et qu'il fait rénover, afin d'y trouver ses aises, sans luxe ostentatoire dans un Val de Loire qu'il aime tant pour sa douceur de vivre. Quant au Roi lui-même, il exécre la vie de cour et ses petits complots et lui préfère la vie campagnarde au contact des hommes de petite condition dont il apprécie la conversations, le naturel et la juste pratique des choses. « Le prince doit songer à la condition de son peuple et se mêler à lui souvent, comme un bon jardinier cultive son jardin. « cite l'auteur qui en début de chaque chapitre, nous livre une maxime du roi. Toute sa vie, il n'aura de cesse de s'y mêler, afin de puiser dans ce milieu sain une aisance de vie et un calme qu'il ne trouve pas dans les affaires de l'état. Cet environnement bienfaisant lui fait comprendre qu'il est nécessaire de mettre au pas les revendications des nobles, toujours prêts à mettre à sac la presque France – puisque la guerre de Cent Ans l'opposant aux Anglais n'est pas encore terminée et ravage les territoires - afin de la démembrer. Il lui faut aussi rabaisser l'arrogance du clergé toujours prêt à s'enrichir aux dépens du peuple, désireux d'instituer la Sainte Inquisition que Louis XI tente de modérer.

Je ne reviendrai pas – car d'autres l'ont fait avant moi sur ce site - sur le travail acharné de ce Roi moderne et sur son œuvre immense achevée à sa mort : pacification du pays, harmonisation des devises procurant une bonne santé économique, une justice ressuscitée et un sentiment de sérénité. Reste l'homme. Il naît le 3 Juillet 1423 à l'hôtel épiscopal de Bourges, vers trois heures de l'après-midi. Il grandit au château de Loches, loin de la Cour comme il est de tradition. Pieux, aimant les femmes sans trop en abuser, l'excès ne fait pas partie de ses défauts. Il est donc particulièrement intéressant de le voir s'opposer à son fastueux cousin Charles de Bourgogne, dit le Téméraire et d'arriver à le contraindre jusqu'à le détruire complètement sans que celui-ci en ait pris la pleine mesure. Aussi beau et fastueux que son cousin royal est laid et porte de modestes habits, cruel jusqu'à la démesure, ambitieux sans en apprécier les dangereuses limites, Charles le Téméraire se montre un adversaire des plus coriaces à ses débuts. Tout les oppose. Rien ne les rapprochera jamais.

Charles se moque de l'état. Il veut qua sa Bourgogne devienne l'Etat français et que tous se rallient à lui. « J'aime tant la France que j'en souhaite six » dira-t-il. Parce qu'il a de l'argent, des appuis, de l'assurance, de la vanité et un sens aigu d'une certaine forme de romantisme déplacé tandis que Louis XI est pragmatique, ayant souffert de l'indifférence d'une cour tout acquise à son père et à sa belle maîtresse, Agnès Sorel qu'il hait et endure le mésamour de son père,le roi  Charles VII. Trahisons, méfiance, espions réciproques fondent cette relation père-fils tandis que Charles, alors comte de Charolais, grandit dans l'opulence et ses rêves démesurés.

Afin de se débarrasser de son encombrant fils, Charles VII l'envoie dans le Dauphiné pour en assurer l'administration. Terre d'Empire appartenant à Charlemagne, cette province fut rattachée par le traité de Romans le 30 mars 1349 par le fondateur de la maison des Valois, Philippe VI à la seule condition que le fils aîné du roi de France porte le titre de dauphin. Le duc d'Angoulême, fils aîné de Charles X en sera le dernier dépositaire sans toutefois le diriger – le titre de dauphin n'étant plus , comme le dit Gonzague Saint Bris « qu'un mot creux » . Le prince Louis complote et n'attend plus que la mort de son père qui survient le 22 juillet 1461.

Mais il comprend qu'il a tout à construire. Les Anglais, au Nord et les Français au sud, quelle gageure pour Louis XI qui doit lutter pour reconquérir les territoires occupés et chasser l'usurpateur. Pourtant, il parvient à instaurer la paix dans le royaume, ce qui favorise l'agriculture et l'économie du pays . Reste que la situation se complique quand Charles de Bourgogne, surnommé le Grand-Duc d'Occident épouse Marguerite d'York, la sœur du roi d'Angleterre, Edouard IV, lui apportant un soutien dont Louis XI se passerait bien.

« Je suis France » dira Louis XI . Pas question de laisser son rutilant cousin détruire tout ce qu'il a entrepris. Patient quand l'autre n'est que rage et exaspération, intelligent et fin tacticien quand son cousin aveuglé par la colère et l'ambition, ambivalent, indécis, imprécis, parfois prostré quand rien ne va dans son sens, malgré tout courageux comme tous les nobles férus de romans de chevalerie qu'il dévore, Charles ne voit pas le danger arriver et les menaces qui le cernent de toutes parts. Le beau duc perd pied.

Si l'on peut dire que Louis XI a été l'instrument de sa défaite, Charles ne peut imputer sa mort horrible à Nancy qu'à sa cruauté qui a fait défection parmi ses alliés et l' a fait haïr de son peuple, écoeuré de tant de barbarie et de sang versé parfois, souvent, pour rien. Le 5 janvier 1477, le duc de Lorraine, rallié au roi de France qui lui a fourni quelques quinze mille hommes, livre bataille au duc de Bourgogne et « se dirige vers sa capitale ». A l'issue de la bataille désastreuse pour les bourguignons, tous cherchent leur chef. On le découvrira deux jours plus tard, le corps détroussé par des rapaces humains, les joues à moitié dévorées par les loups et sa jolie – ancienne jolie tête – brisée en deux jusqu'à la dentition, dans la neige et le froid d'une mort à son image. Violente, désincarnée, trouble. Lui, le plus beau prince de son époque.

Le combat était inégal et s'il y a une chose à retenir, c'est que le bonheur des peuples ne s'enrubanne pas de fioritures mais vit d'actes concrets qui laissent une trace durable dans l'histoire de notre beau pays, la France. Ainsi, Louis XI fut le premier chef d'état à s'octroyer une armée puissante afin de constituer ce que Gonzague Saint Bris nomme la « force de frappe ». Adepte de la paix, Louis XI peut en menacer ses adversaires sans y avoir recours. Il meurt le 30 août 1483 au château de Plessis-les-Tours à l'âge de soixante ans, à la suite de plusieurs hémorragies cérébrales.

 

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Georgia

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