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Archéologues sur les pas d'Homère

Archéologues sur les pas d'Homère
Noêsis383 pages
1 critique de lecteur

Avis de MaCavall : "Bien"

Archéologues sur les pas d’Homère est le fruit d’un grand travail, c’est un ouvrage approfondi, mais malheureusement pas parfaitement construit.

D’abord, Olga Polychronopoulou décrit les premiers voyageurs qui ont parcouru la Grèce, pour la nostalgie d’un passé « âge d’or », héroïque, dont il ne reste que des ruines. Puis viennent les premiers voyageurs qui cherchent à confronter les vestiges et les sources littéraires : ils veulent localiser les sites et les légendes ou évènements que rapportent Homère, Hérodote, Strabon, Pausanias et toute la littérature antique. Un court passage évoque le mépris de certains voyageurs pour les Grecs qu’ils rencontrent, c’est un sujet très intéressant : ces voyageurs refusent de voir un lien entre l’Antiquité rêvée qu’ils se représentent et la Grèce contemporaine qu’ils découvrent dans la réalité (et qui est ottomane). Puis un passage sur le philhellénisme et la lutte grecque pour l’Indépendance, soutenue par de nombreux érudits occidentaux. L’expédition de Morée est évoquée rapidement.

Ensuite, un chapitre intéressant sur la philologie allemande au 19e, qui explique bien les différences de pratiques et de pensée entre Allemands, Anglais et Français. La philologie allemande est à ce moment le socle de la recherche archéologique. On nous rappelle que Homère, qui est bien un poète, est alors considéré comme un historien et un géographe au même titre qu’Hérodote et Strabon, d’où l’intérêt des Allemands pour Mycènes, Tirynthe, Ithaque, Troie…

L’histoire de la quête de Troie pré-Schliemann fait une bonne introduction au chapitre sur Schliemann lui-même, qui est une très bonne mise au point sur le personnage, faite intelligemment, tout comme la suite sur les fouilles de Troie par « l’épicier allemand ». L’auteur dresse un portrait de Schliemann objectif, sans complaisance mais sans l’accabler non plus, en reconnaissant ses erreurs mais en admettant aussi ses avancées (beaucoup plus nombreuses que ce qu’on lit parfois). Elle explique également les critiques qu’il a reçues, les réponses qu’il a données, les conclusions que l’on peut faire. On passe ensuite plus rapidement sur ses autres recherches.

Après Schliemann viennent ses successeurs, Dörpfeld (« la meilleure des trouvailles de Schliemann » disaient les détracteurs de ce dernier) et De Ridder ; puis les chercheurs suivants, toujours à la recherche de sites homériques (Tsountas, qui découvre que les Mycéniens jetaient les restes de leurs repas par terre et qui explique qu’il « ne faut pas en être choqué »), Bulle à Orchomène et Kéramopoullos à Thèbes.

Jusque-là, tout est bien mené. Ensuite… On ne comprend pas bien pourquoi certains passages n’ont pas été placés au début. L’auteur revient sur « l’esprit des pionniers », dans un chapitre intéressant mais qui reprend le début de son texte sur ce que les premiers voyageurs ont cru chercher, le romantisme, le philhellénisme, l’amour pour une Antiquité rêvée… Il y a par contre un passage que je trouve important sur le mépris de ces premiers voyageurs (déjà évoqué plus haut, encore une fois), et d’ailleurs de ceux d’après aussi, pour la Grèce « préclassique », primitive (mais en n’oubliant pas que tout en dénigrant les vestiges protohistoriques, ces mêmes voyageurs les visitaient quand même et faisaient preuve de curiosité, puisque passionnés par Homère ! Avec un très bon commentaire d'Edmond About: "Mycènes a tout l'air de ce qu'elle a été, un nid d'horribles sacripants".) ; dédain amplifié par le mépris d’une partie des savants pour Schliemann. C’est très intéressant parce que ces critiques envers la protohistoire et son aspect « fruste » rejoignent en fait les critiques qui sont adressées à l’époque sur ce qu’on pense être le Moyen-âge, considéré aussi comme une période sombre et rustre. Du coup, il n’est pas étonnant que ce soient les philologues allemands (et Schliemann), plus réceptifs au Moyen-âge, qui se soient vraiment intéressés en premier à la protohistoire grecque… Mais là, ces réflexions aboutissent pour l’auteur sur un retour sur Schliemann et la philologie allemande, ce qui entraîne encore une fois des répétitions avec la première partie de l’ouvrage.

Cela continue après : un chapitre sur l’orientalisme et puis sur « les motivations », intéressant aussi mais qui va en fait avec la première partie. Et puis on s’éloigne un peu de la protohistoire en évoquant les pillages d’Elgin par exemple. Cela dit, la fin de ce chapitre explique qu’à partir de Schliemann, les motivations commencent à changer (même si Schliemann cherchait aussi des trésors) et l’archéologie va devenir une véritable discipline scientifique et non plus un simple support à la philologie.

Ensuite, un chapitre sur la topographie et la géographie homérique, puis sur les « hauts lieux de l’Iliade », les murailles cyclopéennes, les palais, le mégaron, la question de « l’ordre dorique primitif », les influences Orient/Grèce : des éléments importants pour qui a envie de connaitre la civilisation mycénienne.

A la toute fin, l’auteur rappelle qu’il faut à présent chercher le « vrai », c’est-à-dire les traces des gens qui ont réellement existé, et non les grands héros homériques que l’on ne trouvera jamais ailleurs que dans la poésie. Il s’agit de « passer de la quête des reflets à l’enquête sur les faits ». C’est évidemment vrai (et joliment dit): on ne doit pas chercher le palais de tel héros ou le tombeau de tel autre. Il faut cependant avouer que la recherche est quand même aujourd’hui bien engagée, et heureusement, dans cette direction de la « réalité ».

Au moment de la publication d’Archéologues sur les pas d’Homère avait lieu l’exposition « L’Europe au temps d’Ulysse. Dieux et héros de l’âge du bronze » (et de l’âge du Fer, en fait) qui présentait des objets de toute l’Europe entre 2000 et 750 av. et dont certains articles du catalogue évoquent les liens entre l’épopée et l’archéologie : à lire aussi.

Pour tous publics Quelques illustrations Plan autre

MaCavall

Note globale :

Par - 8 avis déposés - lectrice régulière

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