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Mémoires sur la cour de Louis XIV 1673-1681

Mémoires sur la cour de Louis XIV 1673-1681
Perrin283 pages
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Avis de Adam Craponne : "Primo le manuscrit de Primi se trouve à la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence"

Cet ouvrage avait connu une première édition en 1988 chez Perrin et il fut réédité en 1992 ; il connaît là une publication sous une forme bon marché.  Primi Visconti est un gentilhomme piémontais qui est arrivé au château de Versailles en 1673, et épousa la fille d’un libraire parisien.

Pendant près de dix ans il fut le témoin des agissements des principaux acteurs de la cour de Louis XIV. Il ne s’intéresse pas seulement la politique étrangère intérieure menée au nom du Roi-Soleil mais également à divers sujets comme le système hydraulique et l’ensemble des aménagements du parc du château de Versailles, à l’architecture dans Paris en observant par exemple la colossale  construction de l’Observatoire, aux remèdes prescrits par les médecins de la cour… 

Primi Visconti rapporte ainsi une journée de Louis XIV de l’année 1673:

« Dans les actes de sa vie, le Roi est très réglé ; il se lève toujours à huit heures, reste au Conseil de dix heures jusqu’à midi et demie, moment où il va à la messe toujours en famille avec la Reine. Grâce à une volonté continuelle et intense de présider à toutes les affaires, il est devenu habile. Chaque question est pour ainsi dire digérée quand elle lui parvient, ayant été préparée d’avance par les intéressés, puis par les commis et en dernier lieu par les ministres qui en font le rapport ; mais il a un talent merveilleux et souvent arrive à éclaircir ce que ni les ministres ni les commis n’ont su débrouiller.

À une heure de l’après-midi, après avoir entendu la messe, il visite les favorites jusqu’à deux heures, heure à laquelle il dîne toujours avec la Reine et en public. Dans la suite de la journée, il va à la chasse ou à la promenade ; le plus souvent, il tient encore un conseil. Depuis la tombée de la nuit jusqu’à dix heures, il converse avec les dames, ou joue, ou va à la comédie ou aux bals. À onze heures, après le souper, il descend de nouveau à l’appartement des favorites. Il couche toujours avec la Reine. Il a réparti les heures du jour et de la nuit entre ses affaires, ses plaisirs, ses dévotions et ses devoirs, de telle sorte que l’on sait par les courtisans à quoi il est occupé et où on peut lui faire sa cour. »

Jean-Baptiste Primi Visconti évoque le rôle de Le Nôtre et de François Francine (ici présenté comme "Francini") :

« Pour le jardin avec ses fontaines, c’est une chose merveilleuse. Un certain Le Nôtre en est le dessinateur, et il faut d’autant plus s’en étonner qu’il a tracé le tout sans école, et seulement de son propre génie, car il n’était auparavant qu’un simple jardinier. Le fontainier est un certain Francini, fils d’un Florentin, homme gros de corps, mais encore plus d’esprit. Il coûte beaucoup au Roi, parce que, pour exécuter les plans de Le Nôtre, il est fort ignorant. Rien que pour les aqueducs, il est cause que l’on a mis sous terre du plomb pour plus de sept millions de valeurs, et il n’y a pas de mine au monde comparable à celle de Versailles. La dépense pour faire venir l’eau des étangs est pire. On a construit des moulins à vent ; mais, rien que pour un petit jet d’eau sur un terre-plein devant l’appartement du Roi, on est obligé d’entretenir cent cinquante chevaux pour élever l’eau, ce qui est véritablement grand de la part du roi, mais le fontainier fait une bien sotte figure. »

Primi Visconti présente de façon acide un des médecins de Louis XIV :

« Le Roi connaissait l’ignorance de son médecin [Antoine d’Aquin], cependant, il ne lui refusait pas les grâces qu’il sollicitait. C’est un petit homme sans conversation et pour lui le faire fuir, il suffit de lui parler latin. Mme de Montespan le supportait parce que son principal talent consistait en un remède secret pour calmer les maux de tête dont cette dame souffrait beaucoup ; le remède était d’ailleurs imaginaire, car il ne procurait à cette dame que peu de soulagement.»

Il nous parle d’un des médicaments prônés par un autre docteur :

« C’est un plaisir d’entendre La Feuillade ; il est fougueux et impatient et comme il veut obtenir sur-le-champ ce qu’il désire, il est en mouvement perpétuel et ressemble à une âme en peine. Ce fut la même chose lorsqu’il fut malade ; il voulait guérir aussitôt. Il mit immédiatement en crédit un médecin anglais dont le remède consistait en de bonnes doses de vin préparées avec du quiquina. On laissait tremper pendant deux jours une demi-once de cette drogue dans une peinte de vin et on prenait un verre de liquide toutes les deux ou trois heures le premier jour et ensuite deux fois par jour si la fièvre était tierce ou quarte. Bref, en opérant ainsi ce médecin faisait des miracles et il gagna des trésors.»

Primi Visconti prend un ton léger, piquant, complice et parfois scabreux. Le style de la gouvernance et de la vie de cour à Versailles sont décrits en détail par Jean-Baptiste. Louis XIV souhaitait consolider unemonarchie absolue où le pouvoir personnel du roi signifiait qu'il devait contrôler toutes les questions essentielles. Les mémoires de Jean-Baptiste montre un  Louis XIV qui domine ses ministres et mène une politique globalement fort habile. Évidemment les rapports que le Roi-Soleil entretient avec les Français se limitent à la fréquentation de la noblesse. L’auteur sait illustrer un des principaux objectifs de Louis XIV, à savoir le renforcement de l'État. Primi Visconti garde son regard critique pour l’état global du pays et juge qu’une grande misère existe dans un pays grevé par les impôts destinés à financer en particulier les guerres du souverain. L’auteur rapporte d’ailleurs un propos de Louis XIV qui en 1679 souligne que la noblesse se doit de servir dans ses armées :

« Je connais la maison de Châteaumorand, mais non le marquis ; certainement c’était quelqu’un de peu, car il ne venait pas à la Cour et n’allait pas à la guerre ».

Jean-François Solnon propose une introduction à ces écrits où il annonce en particulier que Primi Visconti  a un certain goût pour rapporter les histoires galantes.  

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Adam Craponne

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