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Oujda ou Une enfance marocaine : Journal de ma mère

Oujda ou Une enfance marocaine : Journal de ma mère
L’Harmattan225 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Toutes les lois religieuses authentiques sont tolérantes, que ce soit l'Islam ou d'autres"

Notre titre reprend une phrase d'Abd-el-Kader citée page 63 (en compagnie d'une autre plus longue) dans cet ouvrage.

Le livre Oujda ou Une enfance marocaine a déjà un avantage, à savoir nous donner des nouvelles et des informations sur le passé de Christian Nucci, ce qui pourraitt apporter des renseignements à la notice de wikipédia. Celle-ci est d’ailleurs très malveillante et mériterait sûrement d’être refaite au moins pour la partie de la vie de notre personnage qui précède son arrivée en métropole. En effet Christian Nucci fut élève puis professeur au lycée d’Oujda. Il est probable qu’il ait été ce qu’on appelle PEGC mais détaché en lycée au Maroc. Rappelons que Christian Nucci a été mêlé à un des premiers scandales financiers de l’ère mitterrandienne, à savoir l’Affaire du Carrefour du développement.

L’auteur Jacques Gayet est né à Oujda en 1943, ville qui comptait plus d’un quart d’Européens sur les 100 000 habitants et il a quitté l’Afrique du nord en 1955 pour devenir élève chez les maristes à Toulon où il avait de la famille. Pour raconter son enfance, il s’appuie sur le carnet de souvenirs qu’a constitué sa mère quasiment au jour le jour autour de la vie de ses enfants et sur les souvenirs d’une cousine à lui.  

Son grand-père Paternel avait quitté l’Isère pour le Maroc, peu après la fin de la Grande Guerre, et s’était installé à Oujda comme notaire (voir la présentation de notre auteur qu’il fait dans Carnets marocains d’un mondain, 1920-1925 paru chez HORIZON). Est d’ailleurs présenté sur trois pages un poème, écrit en 1922, de ce grand-père au sujet des jardins d’Oudja (pages 107 à 109).

Son père, escrimeur amateur de bon niveau toute sa vie et alpiniste dans sa jeunesse, est avocat. Est impressionnant le récit de la manifestation de haine des Européens à son égard lorsqu’il se fait le défenseur de Marocains ayant commis à Oujda des attentats pour protester contre l’exil de Mohammed V et son remplacement par un sultan marionnette des Français (pages 118-119).  

L’auteur évoque de façon intéressante l’environnement économique comme les plantations d’alfa (et leur traitement sur place), les mines de charbon ou la première exploitation agricole installée par les colons à Berkane. On a également une description vivante des petits métiers de la rue, souvent tenus par des enfants marocains non scolarisés.

Page 61, il laisse croire que toutes les écoles, dépendant de l’inspection académique, ne dispensaient qu’un enseignement en français, alors que dans toute l’Afrique du nord il était proposé des écoles franco-arabes. En fait depuis 1946 une minorité de natifs pouvaient suivre le cursus prévu pour les enfants d’Européens, semblable à celui ayant cours en métropole (information donnée dans l'ouvrage). Certes l’auteur évoque les écoles franco-arabes dans la note 29 page 62, mais il ne faut pas la rater.    

On peut regretter que l’auteur prenne une fois pour vérité d’évangile ce qu’il a vécu et généralise ce qui n’a pas à être. Il est évident que certains instituteurs se contentaient de suivre pas à pas les manuels français ce qui entraînait des anachronismes dans leurs leçons (voir page 61) mais ce n’était pas le cas de tous les instituteurs publics en particulier ceux, en nombre non négligeable se réclamant de la pédagogie Freinet au Maroc. De plus, comme en Tunisie et même en Algérie, il y avait des livres de lecture (comme Notre premier tour du Maroc) et d’histoire dite "de France et du Maroc".

Notons que l’auteur dit avoir appris à lire avec la méthode Boscher bien connue et que ses lectures de distraction ont été les livres de la Comtesse de Ségur. Il nous parle aussi de ses loisirs d’enfant et des fêtes rattachées à la religion musulmane et au catholicisme. Par ailleurs, il apporte (pages 147 et 148) la phonétique et le sens des sept phrases incantatoires que psalmodie le muezzin de l’époque (aujourd’hui on a une voix enregistrée). Un épisode de la guerre menée par les Romains contre Jugurtha roi des Numides est raconté pages 168 à 169. La dimension culturelle globale de cet ouvrage est beaucoup plus dense que l’on pouvait s’attendre et c’est une des bonnes surprises de son contenu.

 

Pour tous publics Aucune illustration

Adam Craponne

Note globale :

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