Avis de Adam Craponne : "Tu veux ma photo pour ton canard ?"
Toutefois les journaux français offrent des primes aux auteurs de clichés montrant un univers guerrier. Aussi les soldats leur envoient-ils en grand nombre des photographies dont ils ne maîtrisent pas du tout la légende qui en sera faite. Ainsi des prisonniers allemands ravis de manger du pain français, se voient présenter comme lui préférant leur habituel pain K.K. (jeu de mots évident).
Par ailleurs nombre de sous-officiers et officiers se constituent des albums souvenirs, notre propre grand-oncle en particulier. Un chapitre est d'ailleurs consacré aux conditions dans lesquelles sont prises les photographies sur le front. Motivation, matériel, lieux, sujets sont abordés de façon générale.
Parmi les clichés les plus intéressants, on remarque la sensualité féminine captée par des permissionnaires et reproduite page 100. On a d'ailleurs là deux femmes avec des robes d'une longueur de la Belle Époque à côté de deux autres avec des jupes à peine au-dessous du genou. Il faut se rappeler que travaillant en usine pour certaines, les femmes se mettent d'elles-mêmes à raccourcir leurs habits afin d'éviter des accidents.
Deux photographies de Clemenceau (pages 98 et 228) auraient gagné là comme d'autres à une précision sur le lieu. Tant par le contenu que par le décor, certains lecteurs identifieront d'eux-mêmes la petite partie de l'Alsace libérée en août 1914 et restée dans le giron français jusqu'à la fin du conflit (région allant de Thann à la frontière suisse en passant par Masevaux). Si l'historien de la Grande Guerre le devine, il faut aussi penser aux béotiens.
Les clichés présentés appartiennent à divers fonds, souvent réunis par des collectionneurs qui ont méconnu leur auteur. Cependant d'autres photographies apparaissent avec le nom de celui qui les a prises. L'auteure de "14-18 insolite : albums-photos de soldats au repos" fait en plus l'effort de nous évoquer la vie de certains comme l'artiste verrier Auguste Heiligenstein, Louis Billet (né à Vichy en 1891), le médecin militaire François Massot (né à Cahors en 1892), le capitaine Pétain (un Vosgien né en 1883), le futur colonel Jean Pochard, le lieutenant Marcel Simian (né à Marseille en 1883). On peut regretter que rien ne soit dit de certains alors que pour ceux d'entre eux qui étaient officiers, la consultation de leur dossier aux archives militaires de Vincennes, aurait été des plus aisés et des plus intéressants.
On peut estimer à deux cent le nombre de clichés présents, tous pris par des Français. Le texte est d'un rapport égal en surface avec celui des illustrations. Il interroge de façon perspicace par son contenu. On est étonné de l'excellente connaissance qu'a l'auteur de multiples aspects du conflit en Europe occidentale. Il n'hésite pas à évoquer des sujets tabous durant le conflit comme la sexualité des poilus, y compris dans sa forme homosexuelle.
"14-18 La guerre en images" de Carl Keyser constitue un très intéressant complément à cet ouvrage, en particulier pour les lecteurs belges.
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