Ecrire un avis

Engagés volontaires à la Légion étrangère pour la durée de la guerre (EVDG) : 1870-71, 1914-18, 1939-45

Engagés volontaires à la Légion étrangère pour la durée de la guerre (EVDG) : 1870-71, 1914-18, 1939-45
Jacques Grancher320 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Tiens, voilà du boudin !"

L’étranger engagé volontaire qui n’est pas français sert généralement dans la légion, bien qu’il y ait des exceptions la plus célèbre étant Guillaume Apollinaire né à Rome et de nationalité russe jusqu’en mars 1916. On a d’ailleurs trace d’un refus de la légion de l’engager au début de la guerre alors que l’armée française l’accepte quelques mois après. Un mystère que l’étude de son dossier d’officier par nous même n’a pas permis de résoudre et n’a guère été non plus expliqué par la consultation par d’autres de son dossier de demande de naturalisation.

Parmi ces engagés volontaires présents à la Légion, il faut distinguer ceux qui résidaient en France au moment de la déclaration de guerre de ceux qui sont venus d’outre-mer et ont dû compter sur leurs propres deniers et ceux des comités patriotiques français de leur pays pour se rendre par bateau dans l’hexagone ou une des colonies françaises. En effet jusqu’à l’arrivée du gouvernement Clemenceau, l’Etat français ne donne pas les moyens à ses ambassades de financer ces voyages. D’autre part au milieu de ceux-ci, il serait bon de savoir lesquels ont déjà servi dans l’armée de leur pays, ainsi Yipao Ma, un officier sorti de l’école militaire de Nankin, signe à 23 ans son engagement à Hanoï en 1917, il est blessé à la tête en mars 1918, gazé en juin et décède en septembre 1918 à Jaulzy dans l’Oise comme un dossier du Secrétariat chargé des Anciens combattants et Victimes de guerre nous l’apprend.

Le deuxième chapitre de l’ouvrage « Engagés volontaires pour la durée de la guerre à la Légion étrangère » s’ouvre par un poème d’Alan Seeger (de nationalité américaine) intitulé « J’ai rendez-vous avec la mort », une annexe en dit plus sur lui et donne un autre de ses textes intitulé « L’Aisne 1914-15″ où il évoque le plateau de Craonne. Après avoir rappelé les caractéristiques générales du conflit, l’auteur donne des pistes d’explication aux raisons de l’engagement aux côtés de la France. Il cite des extraits d’appels et en particulier celui rédigé en hébreu et français destiné à la communauté juive étrangère page 86) et celui pour les Arméniens.

Cet ouvrage donne une liste d’engagés par nationalités du 21 août 1914 au 1er avril 1915, sans qu’on sache malheureusement comment elle a été établie, à la page suivantes il parle de plus de cinquante nationalités. Si l’on sait que le monde compte en 1914 cinquante-trois pays au total on aimerait avoir le détail de ce qu’il appelle des nationalités. De plus les chiffres donnés pour la période précitée ne font mention d’aucun ressortissant d’Amérique latine or, par les travaux de Michaël Bourlet, Olivier Compagnon et Manuel Rodriguez, on sait que du Rio Grande à la Terre de feu, l’Argentine et le Brésil sont les deux pays qui comptent le plus d’engagés dans cet espace géographique. Ce sont de mille à deux mille volontaires selon Manuel Rodriguez qui sont venus de cet ensemble géographique, ce à quoi il faut ajouter les ressortissants de ces pays sur le sol français en 1914 qui ont pu prendre l’uniforme comme Vicente Almandos Almonacid. Ce pilote argentin (non cité dans cet ouvrage) est surnommé le « roi du bombardement de nuit » ; il s’engage en août 1914 dans la Légion étrangère section aviation où il obtient son brevet de pilote militaire en septembre 1915.

On poursuit en prenant connaissance des actions des régiments de la Légion étrangère et le cas particuliers des Italiens dont Lazare Ponticelli. Ce dernier appartient à la Légion garibaldienne, dissoute le 5 mars 1915 du fait de l’entrée en guerre de l’Italie ; un portrait du chef de cette unité Giuseppe (Peppino) Garibaldi est fait en annexe. L’auteur cite des journaux de marche et des récits de témoins. Les deux dernières pages de ce chapitre évoque la présence de la Légion en Russie de l’été 1918 à l’été 1919, ils sont présents à Arkhangelsk, port de la Mer blanche.

L’auteur fait l’impasse sur certains aspects connus et premièrement la difficile coexistence entre ces volontaires et des légionnaires issus des milieux délinquants. Secondairement des propos antisémites à l’égard des volontaires juifs (pour leur très grande majorité venus en France à la Belle Époque en provenance de régions de l’empire russe) sont exprimés par de nombreux sous-officiers de la légion. Ceci débouche sur une rixe en juin 1915 au sein du 2e régiment de marche du 1er étranger. À la suite de quoi vingt-sept légionnaires passent en conseil de guerre, on compte onze Israélites et neuf Arméniens. Sur ces vingt-sept il y a neuf fusillés dont quatre juifs, les autres sont condamnés aux travaux forcés dont Pierre Kirev à qui on doit un témoignage nous aide considérablement à reconstituer les faits. Philippe-E. Landau dans » Les Juifs de France et la Grande Guerre » précise qu’en conséquence en 1916 les légionnaires d’origine russe (israélites dans leur majorité) sont autorisés à rejoindre les unités russes qui viennent d’arriver en France.

Enfin Blaise Cendrars, ancien légionnaire au 1er régiment de marche, évoque également le fait que des sous-officiers entre autre (mais pas seulement) reprochaient alors aux volontaires d’être là pour s’assurer de quoi manger. Dans La Main coupée, il écrit : « il y avait chez nous des étrangers qui s’étaient engagés par amour de la France beaucoup plus que par haine pour l’Allemagne (…). Tous n’avaient donc pas obéi à des sordides intérêts d’ordre alimentaire ou de basse police, et tout le monde fut ulcéré des paroles du lieutenant ». Comme on l’a compris, l’ouvrage de Jean-Paul Mahuaut est plus là pour donner une image extrêmement positive d’une arme dans laquelle il a servi que pour évoquer certains disfonctionnements. L’auteur n’ignore pas d’ailleurs certaines de ces tensions puisqu’il cite Jean Raybaz écrivant : « Ces hommes accourus de toutes parts pour défendre la liberté se battent à raison d’un sou par jour, d’un paquet de caporal ou d’un litre de pinard supplémentaire tous les dix jours. Ils ne vendent pas leur sang, ils le donnent ». Pour information cette phrase est tirée de Le 1er Mystérieux. Souvenirs de Guerre d’un Légionnaire Suisse.

Dès qu’il sort des archives de la Légion, l’auteur travaille sur des textes de seconde main et si ces derniers ne sont pas explicites sur leurs sources, Jean-Paul Mahuaut n’a pas fait l’effort d’aller plus loin. De plus reproduire un article de la presse régionale des années 1970 sans le moindre commentaire, peut entraîner des confusions regrettables. Ce texte évoque comme le plus jeune engagé volontaire de Marseille le caporal Souren d’origine arménienne, c’est incontestablement le cas pour ce légionnaire. Toutefois cet article risque de laisser croire que ce fut le plus jeune mort pour la France de la cité phocéenne (le caporal Souren n’a pas encore 18 ans), alors qu’au niveau national le plus jeune homme décédé sous l’uniforme est Désiré Blanco, lui aussi originaire de Marseille mais de famille italienne. Il s’était embarqué clandestinement alors qu’il avait à peine 13 ans et il est mort une semaine après le 8 mai 1915 à Gallipoli. Pour les conflits de 1870 et 1939, les objectifs restent les mêmes à savoir expliquer les raisons de la guerre et les particularités de la guerre puis faire connaître les actions de chaque unité de légionnaires.

Dans cette partie l’auteur s’autorise à reproduire un témoignage de Pierre Deltcheff qui montre avec quel manque de reconnaissance les autorités vichyssoises s’occupèrent des anciens légionnaires. L’on voit également que durant la période 1939-1940 se côtoient des anciens combattants dans la légion de causes bien contraires comme d’anciens partisans blancs russes et des républicains espagnols des années précédentes. Les choix iconographiques sont intéressants (mis-à-part cet article de journal des années 1970 dont nous avons évoqué le contenu), même si certains auraient gagné à être reproduits à une taille plus importante. On y voit Peppino Garibaldi, Alan Seeger et Blaise Cendras par exemple.

Octave

Note globale :

Par - 462 avis déposés - lecteur régulier

745 critiques
14/04/15
"cent ans après jour pour jour, la correspondance de guerre de mon grand-père, Paul Gusdorf (le père du philosophe Georges Gusdorf)", un légionnaire allemand durant la Première Guerre mondiale.

http://lettresdepaulgusdorf14-18.blogspot.fr/
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Vous aussi, participez en commentant vos lectures historiques facilement et gratuitement !

Livres liés

> Suggestions de lectures sur le même thème :
> Autres ouvrages dans la même catégorie :