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Les personnels d’inspection

Les personnels d’inspection
Presses universitaires de Rennes 365 pages
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Avis de Adam Craponne : "Le loup inspecteur est un conte de Léonce Bourliaguet, inspecteur du primaire des années trente aux années cinquante en Corrèze"

On connaît généralement autour des inspecteurs de l’éducation nationale la thèse de Jean Ferrier, adaptée chez L’Harmattan en Les inspecteurs des écoles primaires 1835-1995, les études de Jean-François Condette, de Jacques Effroy et celles de Guy Caplat. Rappelons que pour la France les inspectrices de l’école maternelle ayant disparu en 1991, on a aujourd’hui des inspecteurs de l’éducation nationale ( pour l’enseignement primaire sur des parties de département , les questions d’orientation et pour l’enseignement technique), les inspecteurs pédagogiques régionaux ayant en charge une discipline dans l’enseignement secondaire (apparus en 1964) et les inspecteurs généraux.  Les anciens inspecteurs d’académie devenus des directeurs académiques et ils n’ont plus depuis très longtemps des missions d’inspection.

Jean-François Condette a dirigé l’ouvrage Les personnels d’inspection qui est sous-titré "Contrôler, évaluer, conseiller les enseignants : Retour sur une histoire, France-Europe (XVIIe-XXe siècle)".Ce titre propose une quinzaine de contributions, la moitié concerne la situation hexagonale et une autre moitié concerne successivement l’Allemagne, la Suisse, l’Irlande, l’Italie, la Belgique et l’Angleterre.

 Illustration, absente du livre, pour le conte Le loup inspecteur

Les auteurs, outre Jean-François Condettte (à qui on doit à la fois l'introduction, peut-être la conclusion et une contribution), sont Françoise Capacchi qui est inspectrice de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles, Pierre Caspard qui a dirigé durant trois décennies (1977-2010) le Service d’histoire de l’éducation de l’Institut national de la recherche pédagogique (INRP) situé à Rouen, Bruno Carlier qui est maître de conférences en histoire contemporaine à Lille, Stéphanie Dauphin docteure de l’université Paris-Sorbonne-Paris IV et membre du Centre d’histoire du XIXe siècle, Imelda Elliott qui est professeur des universités, spécialiste de civilisation irlandaise et du système éducatif irlandais, David Facci qui est secrétaire à la recherche pour l’ESPE de Lille, Jérôme Krop qui est maître de conférences en histoire contemporaine à Lille, Jean-Luc Le Cam qui est maître de conférences d’histoire moderne à l’université de Bretagne occidentale de Brest, Stéphane Lembré qui est maître de conférences en histoire contemporaine à Lille, Marie-Lise Lorthiois qui est conseillère pédagogique en arts visuels, Philippe Marchand qui est maître de conférences honoraire de l’université Charles-de-Gaulle à Lille, Joël Ravier qui est ingénieur de recherche au CNED de Lille, Sylvain Starck qui est maître de conférences en sciences de l’éducation à Lille et Yves Verneuil qui est agrégé d’histoire à Reims.

Pour la première partie concernant la France, les communications ont pour titre successivement : "L’inspecteur Lemoine et son inspection extraordinaire dans l’académie de Douai en 1813", "Clément-Désiré Férard et Léon Chauvin : Deux inspecteurs primaires autobiographes", "L’inspecteur primaire, l’instituteur et les conférences pédagogiques à travers le Carnet pour les décisions prises en conseil des maîtres de l’école de Charlieu dans la Loire (1908-1914) ", "Les inspecteurs primaires de la Seine (1870-1914) acteurs de la modernisation de l’enseignement primaire", "La venue de Monsieur l’Inspecteur général au collège et au lycée : contrôle ou conseils pédagogiques ? (1880-1914) ", "Les inspecteurs départementaux de l’enseignement technique dans le Nord de la France: Des inspecteurs comme les autres ? (1888-1945)", "Le métier d’inspecteur de l’Éducation nationale dans son exercice actuel (1970-2015) ", "Ébauche d’une histoire des inspecteurs pédagogiques régionaux (IPR) : Inspecter, conseiller et former les enseignants du secondaire (1964-2014)".

Dans le domaine étranger, on a les textes suivants : "L’inspection générale des écoles du Brunswick : Une institution entre restauration et révolution (1648-1680) ", "Tenir les maîtres en bride : Les parents, la famille et l’école. France et Suisse (1700-1850) ", "L’inspection scolaire en Irlande : Du contrôle des enseignants à l’audit à visée participative (1832-fin XXe siècle)", "L’organisation de l’administration scolaire dans l’Italie unifiée et l’inspection des enseignants (1848-1974)", "Évolution des rôles et fonctions de l’inspection en lien avec le pilotage du système éducatif en Fédération Wallonie Bruxelles (XIXe-XXIe siècle)" et "Reconfiguration de l’inspection scolaire en Angleterre et évolution des formes d’imputabilité (XXe-XXIe siècles)".

Alors qu’en 2017 de nouvelles modalités d’inspection des enseignants se mettent en place, avec disparition de la note chiffrée, il est intéressant de voir l’évolution des façons d’inspecter. Dans l’introduction, Jean-François Condette rappelle que les inspecteurs généraux ont été créés en 1802 en même temps que les lycées et que les premiers inspecteurs primaires datent de 1835 en prolongement de la loi Guizot de 1833 qui rend obligatoire une école primaire par commune.  La conclusion a pour titre "L’art de l’ubiquité ? Les mille et une facettes de l’inspection des enseignants". On retiendra que, d’une manière générale (quelque soit le pays), jusqu’au milieu du XXe siècle le contrôle des enseignants est local (fait en particulier par le curé ou le pasteur) et qu’ensuite il passe à un niveau régional ou national.

Il était bon de rappeler que l’enseignement technique dépend jusque dans les années 1920 du ministre du Commerce et de l’Artisanat, toutefois ajouterons-nous personnellement certaines écoles primaires supérieures (établissements relevant de l’Instruction publique) ont des classes techniques. Le recrutement des inspecteurs du technique est évoqué et on apprend de plus que celui du Nord (l’ancien ingénieur Benjamin Rebourg) est au nombre des otages emmenés au camp d’Holzminden (ville du duché de Brunswick) durant l’occupation de Lille et Denain (c’est dans cette dernière ville qu’il réside) par les Allemands entre 1914 et 1918.   

Nous relèveront ensuite simplement quelques informations intéressant l’enseignement primaire en France. Un premier texte s’intéresse aux inspections menées par l’inspecteur Lemoine pour le département du Nord dans l’académie de Douai. Si les inspections se font dans de nombreux collèges communaux, des établissements privés et même des écoles primaires, il n’y a pas de visite au lycée de Douai. Rappelons que si les collèges, comme les lycées, préparent au baccalauréat la différence est que les enseignants sont payés par la ville dans le premier cas et l’état dans la seconde situation. Il faut dire que l’une des tâches de notre inspecteur est de traquer ceux qui enseignent sans les titres ou sans compétence, chose qu’on ne trouve évidemment plus rarement dans les lycées pour les questions pédagogiques et jamais pour les diplômes.

Notre inspecteur s’occupe d’une affaire de mœurs. Dans la petite ville d’Estaires  (à moins de trente km à l’ouest de Lille) se joue un problème d’adultère, le directeur du collège ayant pour maîtresse une institutrice. Ici la chose fait déjà l’objet d’un scandale et c’est le genre de chose qui se traduit par un déplacement (comprendre "une mutation") des personnes incriminées durant au moins toute la IIIe république. Ceci nous rappelle une affaire au tournant du XXe siècle où l’inspecteur d’académie du Cher se rend au logis d’un inspecteur primaire à l’improviste pour vérifier s’il a des relations avec la directrice de l’École primaire supérieure (établissement préparant au brevet élémentaire et parfois au brevet supérieur). 

Le second texte évoque, à travers les actions des premier, second et troisième inspecteur primaire du département du Nord (à savoir Alexandre Carlier, Louis Joly et Laurent Dantec), les conditions de nomination et de travail des personnes qui exercent ce nouveau métier. Il apparaît que les relations politiques jouent beaucoup dans l’attribution de ce type de poste à des instituteurs.

La conférence pédagogique date en 1837, elle est généralisée en 1878 et jusque dans les années 1980 les instituteurs n’en devaient qu’une par an. Jusqu’à la fin de la IIIe République, en province elle était apprécié généralement comme une occasion de rencontrer les collègues du canton ou de deux cantons (selon nous, on a une allusion à cela page 120 dans L’instituteur au début du XXe siècle d’Ernest Pérochon) et suivie d’un repas en commun à midi. Le texte qui leur est consacré. Le texte qui leur est consacré s’appuie non seulement sur les comptes-rendus qui en étaient fait dans un ouvrage mais également sur deux textes littéraires fameux (celui de Léon Frapié intitulé L’institutrice de province et celui d’Antonin Lavergne qui a pour nom Jean Coste ou l’instituteur de village). Les thèmes traités et la question de la modification des pratiques pédagogiques qui devraient s’en suivre sont développés.      

La Seine ne recrute jamais plus d’environ 80 normaliens et normaliennes par an, ceci est notoirement insuffisant pour les besoins, aussi une tâche particulière revient aux inspecteurs primaires de ce département qui comprend Paris et des communes de banlieue. Aussi plus de la moitié des instituteurs de la Seine en 1914 sont soit des instituteurs de province qui rentrent avec le brevet supérieur, soit des remplaçants (ou anciens remplaçants) recrutés avec le brevet élémentaire. Les inspecteurs primaires de la Seine se renseignant sur ceux qui veulent par la suite se faire titulariser et offrent de nombreux jeudis de formation pour préparer ces non-titulaires au CAP. On apprend que jusqu’en 1886, l’inspecteur vient se rendre compte du fonctionnement global d’une école et ce n’est qu’après cette date (et encore progressivement) que les inspections deviennent individuelles. Auparavant c’est le directeur de l’école qui évalue ses adjoints et transmet cette évaluation à l’inspecteur. De l’analyse des rapports d’inspection, on retiendra qu’assez souvent on regrette que la mémorisation l’emporte sur la compréhension.

Au XXIe siècle, les inspections collectives d’école recommandées sont très rares. On relève l’idée que les inspecteurs du primaire ne sont plus des agents ministériels acteurs de certains choix (dans les années 1970, on évoquait la marotte de l’inspecteur) mais qu’ils sont aujourd’hui des courroies de transmission. On voit à travers cette focalisation sur l’enseignement primaire que les diverses approches permettent de mettre en exergue des faits remarquables. Les informations données sur l’inspection dans l’enseignement secondaire en France et sur les enseignements primaire et secondaire dans d’autres pays ne manquent pas également d’intérêt.  

Pour connaisseurs Peu d'illustrations

Adam Craponne

Note globale :

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