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L’album Christophe : Fenouillard-Camembert-Cosinus

L’album Christophe : Fenouillard-Camembert-Cosinus
Armand Colin 268 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "À TOUT À LURE"

"L’album Christophe : Fenouillard-Camembert-Cosinus" ouvre sur un avant-propos de Martin Veyron qui rappelle comment il a découvert, alors qu’il était enfant, comme premier album de Christophe, à savoir " Les facéties du sapeur Camembert" et ensuite "La famille Fenouillard". Pascal Ory poursuit par une préface où est évoquée la riche personnalité de Georges Colomb, dit "Christophe".

 Contrairement à ce que croit ce dernier, la ville Vesoul est sortie considérablement grandie d’une chanson de Jacques Brel. On compte 136 versions de la chanson enregistrées sur support physique (vinyles, K7, CD, VHS, DVD, film 35 mm) par des artistes de la scène française et internationale et le contenu de cette chanson n’a rien de péjoratif pour la préfecture de la Haute-Saône. Depuis l’année 2000 a lieu en octobre un festival Jacques Brel de la chanson à Vesoul. Lure, toujours sous-préfecture de la Haute-Saône (Gray ne l’est plus depuis 1926), vit naître Georges Colomb en 1856, et cette ville alors de 3 300 habitants comptait un collège (ce type d’établissement préparait alors au baccalauréat comme le lycée) dont le directeur était le père du futur Christophe. Albert-Xavier-Émile Mathiez, le grand historien de la Révolution française succède d’ailleurs à Georges Colomb sur les mêmes bancs du collège vingt ans plus tard.  

Contrairement à ce que croit Pascal Ory, la Haute-Saône était loin d’être dans les plus méconnus des départements ne serait-ce que parce que l’armée de terre y comptait plusieurs régiments et que la base aérienne de Luxeuil-les-Bains a toujours fourni de nombreux emplois et a accueilli l’escadrille américaine La Fayette. Les médiévistes, par ailleurs n’ignorent pas l’importance du monastère de Luxeuil.

  

Heureusement Pascal Ory fait autre chose que disserter sur la Haute-Saône et il nous trace à la fois la genèse des trois œuvres puis qui les remit en valeur au milieu des Trente glorieuses. "La Famille Fenouillard", "Les Facéties du Sapeur Camember" et "L'Idée fixe du Savant Cosinus" ont été publiées autour des années 1890 dans le journal pour enfants "Le Petit Français illustré". Pour être précis, on est là toujours dans l’histoire illustrée, avec un assez copieux texte dessous chaque image et non dans la BD avec des bulles. Le genre d’humour tient globalement un peu de la loufoquerie et on peut y voir des racines de celui des "Shadocks".      

Le succès de "La Famille Fenouillard" incite Christophe d’autres récits, suivent donc "Les Facéties du sapeur Camember", "L'Idée fixe du savant Cosinus" et "Les Malices de Plick et Plock". Le ressort de "La Famille Fenouillard" est de nous montrer les réactions inattendues d’une famille de bourgeois de province face à des univers nouveaux pour eux. Les membres de ce groupe voyagent dans des lieux aussi exotiques pour eux que par exemple le Japon et le Far-West. Si Pascal Ory ne le dit pas, par contre on peut apprendre dans l’ouvrage "Lure au fil des siècles" que les deux filles Fenouillard ont les traits des enfants du sous-préfet Auguste Destremeau de Lure qui exerça sous le Second Empire (le tennisman et député Bernard Destremeau est un de ses descendants).   

Parmi les remarques prétextées par des situations comiques dans "La Famille Fenouillard", on retiendra :  

« La perfide Albion qui a brûlé Jeanne d’Arc sur le rocher de Sainte-Hélène. »

« Sachez, mes filles, que nous sommes des atomes jetés dans le gouffre sans fond de l'infini.»

« On les y retrouva amaigris mais heureux, ayant trouvé une méthode simple pour l'addition des nombres à un chiffre basée sur le principe de la spirale logarithmique. »

« Quand la borne est franchie il n'est plus de limites. »

Le sapeur Camember est un soldat illettré servant dans le génie militaire (sic) sous le Second Empire, là encore l’ouvrage "Lure au fil des siècles" nous apprend qu’un soldat retraité habitant Lure servit de modèle à Christophe pour le moral. L’ouvrage "Georges Colomb dit Christophe : enfant de Lure et père du sapeur Camembert" de Paul-René Machin (préfacé par Edgard Faure) complète en précisant que du point de vue physique, c’est le suisse de l’église de Lure qui retint l’attention de Christophe. Avec "Les Facéties du sapeur Camember", on est dans l’ordre du gag en une page, avec la chute apparaissant à la sixième et dernière vignette (on a deux bandes de trois images).

Conscient de ses manques culturels, le sapeur Camembert essaie d’offrir un vernis culturel à l’oral, ce qui par exemple donne :

 « Serai-je-t-y assez heureux si vous me feriez celui de me demander un service que je serais rudement satisfaisant d'vous obtempérer ? » 

« Nonobstant, m'sieur l'major, que la discipline mélétaire elle n'est pas subséquente de la chose, j'voudrais vous serrer la pince. »

Non seulement la mauvaise compréhension des ordres que notre personnage reçoit est prétexte à gag, mais les supérieurs de Camember sont moqués dans certains raisonnements qu’ils peuvent lui tenir. Ayant creusé un trou pour mettre des déchets, notre sapeur se voit conseiller par son sergent de creuser un second trou pour mettre la terre du premier, puis puni par le même sergent pour ne pas avoir creusé un trou assez grand pour mettre la terre du premier trou et celle du deuxième réunis dans ce deuxième trou.

"L'Idée fixe du savant Cosinus" met en scène Pancrace Eusèbe Zéphyrin Brioché, qui est la caricature d’un scientifique de la seconde moitié du XIXe siècle. Le savant Cosinus, cousin de M. Fenouillard, entend bien lui aussi faire le tour du monde et pour cela se lance dans la fabrication de divers moyens de transport originaux les plus farfelus, sans parvenir à dépasser la zone des fortifications  de Paris. En parallèle, on peut suivre ponctuellement le voyage lointain qu’effectue Mme Belazor et Mitouflet (ils passent en particulier à Marseille, en Algérie, dans le Sahara, aux mots Altaï et de l’Himalaya ainsi que chez les Papous). On retiendra ici ce conseil :

« Silence ! C’est un journaliste, des gens qu’il faut aussi ménager parce que leur plume a une bien mauvaise langue.  »

Pour tous publics Beaucoup d'illustrations

Benjamin

Note globale :

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751 critiques
28/11/15
751 critiques
08/03/21
Pascal Ory, un historien de la bande dessinée élu à l’Académie française
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