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Physiologie du goût

Physiologie du goût
Champs / Flammarion 399 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "Je ne suis pas difficile, je me contente du meilleur (Winston Churchill)"

Hervé This, physico-chimiste chercheur en gastronomie moléculaire, est interviewé (à l’occasion de cette réédition de 2017) en début d’ouvrage, il souligne que si toutes les idées émises par Brillat-Savarin n’ont pas trouvé de confirmation scientifique par contre tous les lecteurs apprécieront chez l’auteur «  tout son art littéraire, toute son intelligence, sa sensibilité, au service du plus grand des services qu’il pouvait nous rendre : encourager notre gourmandise » (page VIII).

En 1981, c’est Jean-François Revel qui avait préfacé l’ouvrage et il relève que pour lui est le plus intéressant le chapitre qui explique comment on est passé de l’auberge au restaurant vers le fin du XVIIIe siècle. Jean-François Revel note aussi que, depuis les Romains, aucun écrivain n’avait disserté sur la nourriture avant  Brillat-Savarin. Nous rappellerons que Talleyrand, s’était vanté d’avoir sauvé la France, au Congrès de Vienne en 1815, du démantèlement, grâce à la qualité de ses dîners. Ceux-ci étaient composés de quarante-huit plats et le champagne coulait à flots. Le brie était encore un fromage avec du goût, si bien que le ministre des Affaires étrangères pouvait déclarer que le brie de Meaux était le roi des fromages et le fromage des rois.   

Brillat-Savarin né à Belley en 1755 et mort en 1826 à Paris, il fut avocat et magistrat de profession, il est donc le représentant d’une classe sociale qui ne fréquente pas a priori les cuisines, se contentant d’être présente dans la salle à manger et au restaurant. Il fit des études variées comme il le raconte dans cet ouvrage :

« En 1776, j'habitais Dijon; j'y faisais un cours de droit en la faculté; un cours de chimie sous M. Guyton de Morveau, pour lors avocat-général, et un cours de médecine domestique sous M. Maret, secrétaire perpétuel de l'Académie, et père de M. le duc de Bassano. »

Girondin, il s’est exilé en Suisse, à Londres puis aux USA entre 1793 et 1796. Ceci l’amène à rencontre des cuisiniers exilés (qui travaillaient avant 1789 chez des familles nobles) et à lui-même populariser certaines recettes :

« En passant à Boston, j'appris au restaurateur Julien à faire des œufs brouillés au fromage. Ce mets, nouveau pour les Américains, fit tellement fureur, qu'il se crut obligé de me remercier, en m'en voyant, à New-York, le derrière d'un de ces jolis petits chevreuils qu'on tire en hiver du Canada, et qui fut trouvé exquis par le comité choisi que je convoquai en cette occasion. »

Notons qu’en 1800 il est présent au procès de l’Affaire du courrier de Lyon en tant que commissaire du gouvernement.

Le livre Physiologie du goût fut publié en 1825 deux mois avant la mort de Brillat-Savarin. On est plutôt sur le mode badin face à une suite d’anecdotes ou de réflexions  en rapport avec le vécu du narrateur. Le début du livre propose vingt aphorismes :

« I. L'Univers n'est rien que par la vie, et tout ce qui vit se nourrit.

II. Les animaux se repaissent ; l'homme mange ; l'homme d'esprit seul sait manger.

III. La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent.

IV. Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es.

V. Le Créateur, en obligeant l'homme à manger pour vivre, l'y invite par l'appétit, et l'en récompense par le plaisir.

VI. La gourmandise est un acte de notre jugement, par lequel nous accordons la préférence aux choses qui sont agréables au goût sur celles qui n'ont pas cette qualité.

VII. Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours ; il peut s'associer à d'autres plaisirs, et reste le dernier pour nous consoler de leur perte.

VIII. La table est le seul endroit où l'on ne s'ennuie jamais pendant la première heure.

IX. La découverte d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile.

X. Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent ne savent ni boire ni manger.

XI. L'ordre des comestibles est des plus substantiels aux plus légers.

XII. L'ordre des boissons est des plus tempérées aux plus fumeuses et aux plus parfumées.

XIII. Prétendre qu'il ne faut pas changer de vins est une hérésie ; la langue se sature ; et, après le troisième verre, le meilleur vin n'éveille plus qu'une sensation obtuse.

XIV. Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil.

XV. On devient cuisinier, mais on naît rôtisseur.

XVI. La qualité la plus indispensable du cuisinier est l'exactitude : elle doit être aussi celle du convié.

XVII. Attendre trop longtemps un convive retardataire est un manque d'égards pour tous ceux qui sont présents.

XVIII. Celui qui reçoit ses amis et ne donne aucun soin personnel au repas qui leur est préparé, n'est pas digne d'avoir des amis.

XIX. La maîtresse de la maison doit toujours s'assurer que le café est excellent ; et le maître, que les liqueurs sont de premier choix.

XX. Convier quelqu'un, c'est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu'il est sous notre toit. »

Illutration absente du livre

On notera la justesse de nombre de propos comme :

« La fécule produit plus vite et plus sûrement son effet quand elle est unie au sucre: le sucre et la graisse contiennent l'hydrogène, principe qui leur est commun; l'un et l'autre sont inflammables. Avec cet amalgame, elle est d'autant plus active qu'elle flatte plus le goût et qu'on ne mange guère les entremets sucrés que quand l'appétit naturel est déjà satisfait, et qu'il ne reste plus alors que cet autre appétit de luxe qu'on est obligé de solliciter par tout ce que l'art a de plus raffiné et le changement de plus tentatif.

La fécule n'est pas moins incrassante quand elle est charroyée par les boissons, comme dans la bière et autres de la même espèce. Les peuples qui en boivent habituellement sont aussi ceux où on trouve les ventres les plus merveilleux, et quelques familles parisiennes qui, en 1817, burent de la bière par économie, parce que le vin était fort cher, en ont été récompensées par un embonpoint dont elles ne savent plus que faire. »

« On est convenu d'appeler chocolat le mélange qui résulte de l'amande du cacao grillée avec le sucre et la cannelle: telle est la définition classique du chocolat. Le sucre en fait partie intégrante; car avec du cacao tout seul, on ne fait que de la pâte de cacao et non du chocolat. Quant au sucre, à la cannelle et au cacao, on joint l'arôme délicieux de la vanille, on atteint le nec plus ultra de la perfection à laquelle cette préparation peut être portée.

C'est à ce petit nombre de substances que le goût et l'expérience ont réduit les nombreux ingrédients qu'on avait tenté d'associer au cacao, tels que le poivre, le piment, l'anis, le gingembre, l'aciole et autres, dont on a successivement fait l'essai. »

« La gourmandise est ennemie des excès; tout homme qui s'indigère ou s'enivre court risque d'être rayé des contrôles.

La gourmandise comprend aussi la friandise, qui n'est autre que la même préférence appliquée aux mets légers, délicats, de peu de volume, aux confitures, aux pâtisseries, etc. C'est une modification introduite en faveur des femmes et des hommes qui leur ressemblent. »

« Au moral, c'est une résignation implicite aux ordres du Créateur, qui, nous ayant ordonné de manger pour vivre, nous y invite par l'appétit, nous soutient par la saveur, et nous en récompense par le plaisir. »

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

Note globale :

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