Avis de Ernest : "Passées les bornes, il n’y a plus de limites"
Stéphane Boissellier, dans une sorte d’introduction à ce livre qui prolonge Reconnaître et délimiter l’espace localement au Moyen Âge (paru en 2016), écrit que « le but de ce volume (…) est d’examiner les processus de délimitation des espaces à diverses échelles, locales et supra-locales, et selon les perspectives objective et subjective » (page 9). La cadre d’étude est aussi bien l’Occident médiéval que l’Orient byzantin. Les principautés constituèrent la base de l’existence politique de la France, à partir de la signature en 877 par Charles le Chauve (alors devenu empereur) du capitulaire de Quierzy qui institue l’hérédité des fiefs. L’ouvrage est composé de trois parties intitulées : Frontières politico-administratives (diocèses, « principautés » seigneuriales), « Grandes » frontières d’États, confins culturels et militaires, Ouvertures et perspectives d’ensemble.
Dans le premier tiers du livre, on ouvre avec un texte de Régis Le Gall-Tanguy sur la formation des espaces diocésains en Léon, Cornouaille et Trégor du Ve au XIIIe siècle. L’auteur pense que l’émigration de population d’outre-Manche pesa beaucoup dans la création de nouvelles limites dans une région qui resta en marge des royautés mérovingiennes et carolingiennes et que ce n’est qu’au cours du Moyen Âge que se fixèrent les limites entre diocèses. On passe ensuite à l’Empire byzantin et l’auteur de cette étude explique que dans la composition des limites d’un évêché entre des évaluations de la population, des données de géographie physique (plus de diocèses dans des régions montagneuses qu’en plaines) et une situation au centre ou au limite de l’Empire (dans des provinces suspectibles d’être envahies, le nombre d’évêques est moins important).
Le troisième texte s’intéresse à une partie du Forez au carrefour de nombreuses influences comtales. On passe ensuite à des conflits territoriaux en Espagne, liés à des problèmes de légitimité, entre les royaumes de Léon et de Castille. L’étude suivante s’intéresse aux régions de Catalogne où règnent la servitude et aux circonstances qui font qu’elle disparaît localement.
Vestiges du Danevirke (illustration absente de l'ouvrage)
La deuxième partie interroge les frontières qui ont une certaine dimension culturelle. Un texte porte sur les monts Cimiens en Étrurie pour l’Antiquité, un autre sur le rôle du Danube comme limite de l’Empire romain d’Orient jusqu’au début du VIIe siècle et les problèmes liés à l’implantation de barbares dans cette partie de l’Europe, le suivant sur le rôle de l’Église dans l’assimilation de ces mêmes barbares. La contribution de Luc Bourgeois permet d’en savoir plus sur certaines fortifications que l’on trouve évoquées dans des ouvrages généraux sur le Haut Moyen Âge : le Danevirke (au nord d’Hamburg, construit par les Danois pour se protéger des Francs), la levée d’Offa (actuellement proche des limites entre l’Angleterre et le Pays de Galles), le Wansdyke (dans le Somerset) et les levées entre les Bulgares et les Byzantins (légèrement en nord de la frontière bulgaro-turque d’aujourd’hui). Les questions liées à la reconquête chrétienne en Catalogne sont exposées par Flocel Sabaté tandis que Charles Garcia réfléchit sur l’univers de la frontière orientale du royaume espagnol du Léon au XIIe siècle.
La troisième partie est composée d’un seul texte qui s’intitule "Limite et frontières : que sait-on de plus ?", l’auteure Nacima Baron y mène une réflexion autour des six clés d’entrée dans l’analyse des frontières. Pour elle la zone frontalière est un univers complexe qui se différencie de chacun des territoires qu’elle borne, elle a un rôle structurant en autre par le fait qu’elle définit l’altérité et est un lieu de perpétuelle circulation porteur de projets politiques et religieux.
Réservé aux spécialistes Quelques illustrations