Ecrire un avis

Suger de Saint-Denis

Suger de Saint-Denis
Picard190 pages
1 critique de lecteur

Avis de Grégoire : "Saint Denis transforme le temps en espace"

En premier lieu, une longue introduction rappelle le contexte historique de cette époque passionnante qu’est la fin du XIe et début du XIIe siècle. En particulier, la première croisade et l’effervescence intellectuelle que connaissent ces décennies (on a par exemple la description des matières enseignées aux futurs lettrés).

Biographie historique

La première partie du livre concerne la biographie de Suger, qui connut la guerre (ce qui le marquera pour toute sa vie), la politique (jusqu’à la régence de Louis VII, parti en croisade, qu’il tenta de dissuader de répudier sa femme Aliénor d’Aquitaine), et bien sûr la vie religieuse, monastique à travers son rôle d’abbé de St Denis. Nous ne revenons pas ici sur l’ensemble des évènements politiques ayant marqué la vie de Suger. Intellectuel hors pair, connaissant parfaitement la théologie autant que les écrits antiques, Suger rédigea un certain nombre d’écrits dont les chroniques de Louis VI dit le gros, qu’il rencontra dans sa jeunesse à l’école de Saint Denis de l’Estrée.

Françoise Gasparri axe la vie de Suger autour de trois grands axes : exalter son abbaye et la royauté, rapprocher les trois dynasties et faire de St Denis le protecteur des rois de France. L’abbaye mérovingienne, depuis reconstruite sous Charlemagne, était en effet le tombeau de plusieurs rois mérovingiens, dont Dagobert (639) qui l’avait fortement enrichie. Philippe 1er, père de Louis VI, s’étant fait enterrer ailleurs, Suger travailla à redonner à cette abbaye et à son saint patron (Denis, envoyé évangéliser les gaules, est le premier évêque de Lutèce/Paris et le patron des gaules) leur symbole de royauté et de continuité dans les différentes lignées de rois de France.

Théologie de la lumière

La deuxième partie concerne les travaux réalisés dans la cathédrale de St Denis par Suger. Prolongeant d’abord le travail de l’abbé précédent, l’abbé Adam, Suger ne se limita pas à l’agrandissement du bâtiment. Son objectif a été de le transformer en éclat du royaume céleste “préfigurant la réalité de l’éternité”. En effet, contrairement à Bernard de Clairvaux qui appelait à l'extrême pauvreté matérielle, Suger considère que la beauté des biens terrestres doit être mise au service d’une meilleure compréhension de la liturgie céleste. Il inaugure ainsi la théologie de la lumière (inspirée notamment du philosophe grec Pseudo Denys l’aréopage). Cette révolution théologique est le socle de l’architecture dite gothique, incompréhensible sans elle. Chaque objet précieux, sculpture, vitrail, est le moyen pour le visiteur de s’élever, et de transformer le sens littéral ou symbolique des écritures, par processus anagogique, en connaissance de la réalité divine. Les trois dimensions de la cathédrale sont également conceptualisées : la longueur représente notamment le temps, et la hauteur est symbole de transcendance.

Pour concrétiser le cheminement du visiteur du temporel vers le spirituel, Suger fait par exemple représenter sur la façade et l’avant-nef les scènes bibliques “historiques”. L'avancée jusqu’à l'hôtel est une élévation dans la compréhension de ces textes, une transformation du “temps” (évènements historiques, terrestres) en “espace” (royaume de Dieu, métaphysique). L’espace du choeur représente le point culminant; on y trouve notamment des vitraux liés deux à deux représentant des scènes de l’ancien et du nouveau testament qu’il préfigure. Malgré de nombreuses indications écrites (tituli), ce type de représentation n’était, de l’aveu de Suger lui-même, compréhensible que par des lettrés. On trouve aussi une classification verticale des symboles : plus on s’éloigne du sol, plus le processus anagogique est à l’oeuvre et plus les sujets représentés font appel à des notions théologiques complexes. La royauté terrestre, avec les tombeaux des rois, est elle-même une préfiguration de la royauté divine.

Françoise Gasparri raconte aussi, à travers les écrits de Suger, les différents miracles qui permirent de reconstruire la cathédrale (découverte d’une carrière de pierres, intervention de personnages mystérieux offrant bétail, bijoux, etc). On assiste également à l’inauguration spectaculaire de l’édifice, par des dizaines d’évêques et suivant une série de protocoles là encore riches de symboles.

Plusieurs photographies pleines pages, en couleur, illustrent les propos (photos de la cathédrale et manuscrits de Suger).

 

coup de coeur !

Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations Plan autre

Grégoire

Note globale :

Par - 52 avis déposés - lecteur/trice régulier/ère

Connectez-vous pour laisser un commentaire
Vous aussi, participez en commentant vos lectures historiques facilement et gratuitement !

Livres liés

> Dans la catégorie Bas moyen âge (1000-1492) :