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Un siècle de démocratisation inachevée: Partis et courants politiques en Turquie (1908-2008)

Un siècle de démocratisation inachevée:  Partis et courants politiques en Turquie (1908-2008)
L’Harmattan268 pages
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Avis de Adam Craponne : "En Turquie la démocratie est en galère"

Voici un ouvrage qui aurait pu être en lien avec l’actualité puisque le président Erdogan (chef de l’ AKP) entend profiter en cet été 2016 d’une tentative de coup d’état pour poursuivre une dérive autoritaire du pouvoir.  Ce travail est le fruit d’une thèse soutenue en 2012 à l’université Paris 8. Le gros problème est que, contrairement à ce que le titre le laisse croire, l’auteur ne fait l’historique que des partis créés avant le milieu des années 1990. Or le parti d’Erdogan  a l’immense désavantage d’avoir été porté sur ses fonds baptismaux (humour pour un parti qui se veut islamique) en 2002. Certes page 156, le lecteur très attentif peut lire que les rénovateurs du parti de la prospérité créé en 1983 et dissout en 1998 (date que nous avons dû aller chercher dans wikipédia) ont fondé l’AKP (sans date une fois de plus).

Par ailleurs en début d’ouvrage (page 24) et  fin d’ouvrage (chapitre XI et conclusion) l’AKP est bien évoqué pour son action très récente et situé dans un classement droite/gauche. En insistant sur le fait que c’est un parti de centre-droit, l’auteur n’a-t-il pas sous-estimé la montée progressive de la répression pourtant menée depuis au moins 1996 (prenant prétexte de l’existence du réseau Ergenekon). Par ailleurs en mettant le parti d’extrême-droite MHP dans le camp laïc alors que celui-ci vient d’applaudir  à la répression récente de l’été 2016 et apporter un soutien remarqué à Erdogan, ne pourrait-il pas pensé que sa classification est à revoir et que le critère à retenir en Turquie serait plutôt actuellement le caractère nationaliste nostalgique de l’empire ottoman qu’ont ou n’ont pas certains mouvements.

L’ouvrage est fort intéressant car il permet de comprendre qu’en Turquie depuis un siècle le parti le plus influent a été l’armée. On pourrait même se dire que mettre fin à sa puissance politique et économique est une tâche des plus utiles. Le problème est de savoir qui s’attelle à ce travail et pour quelles conséquences. Si Erdogan et son parti en tirent profit, il est certain que cela ne fera pas avancer pour autant la démocratie dans le pays.

D’ailleurs, au début de l’ouvrage page 26, l’auteur expliquait magistralement pourquoi son pays n’avait connu que des régimes plus ou moins autoritaires :

« Dans ces conditions, une question s’avère nécessaire à poser :

La Turquie est-elle un pays dirigé par un régime démocratique ? La Turquie n’a jamais expérimenté une démocratie avec tout ce que celle-ci implique. Actuellement, même si la Turquie est comptée parmi les Etats démocratiques, il est clair que ce n’est pas un pays qui a achevé son processus de démocratisation et qui a atteint un régime politique pouvant être qualifié de « démocratie ». Il y a plusieurs raisons à ceci : - Depuis les années 1960, la Turquie est restée comme un régime de dictature qui a vécu des interventions militaires ouvertes ou couvertes en moyenne tous les dix ans (1960, 1971, 1980, 1997, 2007). - Le droit à la vie en premier, tous les droits et libertés fondamentaux de l’homme ont constamment été violés. - Les exécutions sommaires, les disparitions, les tortures et les mauvais traitements ont toujours existé sous tous les gouvernements. - Le seul pays d’Europe qui a des milliers de détenus politiques dans ses prisons est la Turquie. - Les libertés fondamentales comme la liberté d’expression, la liberté d’association civile, syndicale et politique ne peuvent être librement utilisées et ne sont pas placées sous la garantie de la loi. - Le problème national kurde continue d’occuper la première place de l’ordre du jour en Turquie comme une question non résolue et qui de ce fait, entraîne le gaspillage des ressources et l’énergie du pays. Le combat du peuple kurde pour ses droits démocratiques nationaux comme le libre usage de sa langue, le développement de sa culture, arrivent en tête des sujets d’importance majeure dans la voie de démocratisation de la Turquie. - Malgré la confirmation du caractère laïque de la République au temps de Mustafa Kemal, la question de la laïcité a toujours été une source de tension dans la société turque et continue d’être un sujet important. Les millions d’Alévis vivant en Turquie constituent les premières victimes de la fausse application de la laïcité. »

Pour tous publics Aucune illustration

Adam Craponne

Note globale :

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