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Souvenirs de 1914 à 1918 : L’Europe en guerre, la Suisse et la chocolaterie Suchard

Souvenirs de 1914 à 1918 : L’Europe en guerre, la Suisse et la chocolaterie Suchard
Alphil ; Presses universitaires suisses662 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Les bouillons Maggi, les conserves Lenzbourg et les chocolats Suchard c’est de la nourriture boche !"

Notre titre fait allusion aux tentatives de pillages à Paris de ces entreprises au moment de la mobilisation, sous prétexte qu’allemandes elles étaient à la fois des nids d’espions et qu’elles avaient pour objectif d’empoisonner les consommateurs français une fois la guerre déclarée. En fait Maggi trouvait son origine dans le canton suisse de Zürich et Lenzbourg dans celui voisin d’Argovie.

Les chocolats Suchard sont produits par une entreprise du canton de Neufchâtel qui au début de 1914 a quatre grandes usines à l’étranger : Lörrach au sud-ouest du Pays de Bade en Allemagne, Bludenz en Autriche, Paris (dans le XIe arrondissement 10 rue Mercœur) et à San Sebastien pour l’Espagne. Cette  marque est aussi présente, au moins par des représentants, en Angleterre, en Italie, au Canada...

Les Romands vivent très mal que leur sympathie pour la France ne soit pas partagée par leurs voisins alémaniques et que le commandement  de l’armée suisse ait été confiée à un germanophile, né à Hamburg en 1848 et mari de la fille de Bismarck le général Ulrich Wille. Il préconisait l'entrée en guerre de la Suisse aux côtés de l'Allemagne en juillet 1915. De plus en décembre 1915 il est révélé qu'un accord entre l'état-major général suisse et les puissances centrales, fait que les colonels Friedrich Moritz von Wattenwyl et Karl Egli, transmettent aux attachés militaires allemands et austro-hongrois les messages des puissances alliées qui sont décryptées par le service suisse du chiffre.

Afin de prévenir des actions plus violentes, un décret du 2 juillet 1915 interdit l'insulte visant un pays étranger. L'auteur rapporte d'ailleurs que la mère du psychologue Jean Piaget, ayant des liens familiaux avec les industriels Peugeot du Pays de Montbéliard, avait rapporté dans un journal de Neufchâtel nombre de rumeurs malveillantes vis-à-vis des soldats allemands. 

Dans le nord francophone et catholique du canton de Berne, la publication par Wilson des déclarations sur le principe des nationalités donnent une légitimité, à la revendication déjà ancienne de la création d’un canton du Jura, par amputation du canton de Berne (à majorité alémanique et protestante), alors portée par l’avocat Alfred Ribeaud né à Porrentruy en 1886.      

La Suisse mobilise 220 000 hommes au début de la guerre, le chiffre va en diminuant jusqu’à 38 000 hommes  à l’automne 1916 pour remonter à 100 000 pendant l’hiver 1916-17 puis redescendre au chiffre de 12 500 en raison entre autres de manifestations antimilitaristes dont certaines sont évoquées dans l’ouvrage "Souvenirs de 1914 à 1918 : L’Europe en guerre, la Suisse et la chocolaterie Suchard" . La majorité de ses troupes se trouvent d’ailleurs dans l’Ajoie (la partie nord du canton de Berne déjà évoquée) car c’est à Pfetterhouse (entre Belfort et Bâle, et à une demi-douzaine de kilomètres au nord de Porrentruy à vol d'oiseau) que commence la ligne du front franco-germanique.   

"Souvenirs de 1914 à 1918 : L’Europe en guerre, la Suisse et la chocolaterie Suchard" a été écrit par Willy Russ le patron des usines Suchard, il est le fils Carl Russ qui a épousé en 1868 l’héritière des chocolats Suchard. Carl Russ (né en 1829 en Rhénanie prussienne) et Willy Russ vivent dans le canton romand de Neufchâtel très marqué alors par la francophilie pour avoir été possession personnelle des rois de Prusse de 1707 à 1806 et de 1814 à 1848. L’attachement de Willy Russ à la victoire de l’Allemagne entraîne sa rupture avec la franc-maçonnerie du canton et peut-être son divorce avec son épouse anglaise en 1924.

Willy Russ tient un journal durant toute la Première Guerre mondiale, au début des années 1920 il en fournit un condensé et détruit l’original. Du fait qu’il circule en particulier en Allemagne ainsi qu’en France (il est par exemple à Paris en mars 1915) et entretient des correspondances avec les directeurs de ses usines à l’étranger, il dispose d’informations variées (ce qui ne veut pas obligatoirement dire objectives).  On s’aperçoit à la lecture de ce journal entre autre que l’espace aérien helvétique est régulièrement violé (par les aviateurs des deux camps) dans la région de Bâle ainsi que de l’Ajoie et que les Alliés exercent à partir de 1917 un chantage afin que les entreprises suisses de l’alimentaire n’exportent plus en Allemagne. L’auteur mentionne également des rencontres faites par des gens de sa connaissance avec des internés français en Suisse. Des grands blessés, des hommes de plus de 48 ans, ou des prisonniers restés plus de dix-huit mois en pays ennemi, séjournèrent dans des camps en Suisse pour des temps variables du milieu de la guerre à l’Armistice ce fut le cas pour 37 515 Français.

Les affaires de Suchard, malgré les problèmes pratiques, continuent à se développer ; en effet civils et militaires désirent consommer du chocolat. Depuis début 1914 le soldat français a droit journellement à sa ration de chocolat.

Guy de Pourtalès, qui a fait ses études secondaires à Neufchâtel, est un temps responsable de la propagande française à destination de la Suisse, le 11 novembre 1914 notre narrateur dîne  avec une de ses parentes, épouse d’un artiste-peintre. En effet Willy Russ évoque bien souvent le monde artistique.

On trouve à la date du 6 juillet 1918 le contenu de la reprise des buts de guerre d’une Allemagne victorieuse qui sont encore publiés dans certains journaux allemands, on voit que l’opinion publique en Allemagne est très loin d’être préparée à une fin de guerre dans le camp des perdants.    

L’ouvrage est assez largement illustré de documents variés, parmi lesquels on trouvera trente  affiches publicitaires Suchard pour la période 1890-1930 en plusieurs langues. Soixante-dix pages sont consacrées par des historiens à évoquer entre autre la famille et l’entreprise du narrateur. On apprécie aussi l'index des noms de lieux et noms de personnes.  

Pour connaisseurs Quelques illustrations

Octave

Note globale :

Par - 465 avis déposés - lecteur régulier

406 critiques
25/08/15
La Première Guerre mondiale en Suisse par la carte postale

http://14-18.ch/
406 critiques
25/08/15
La Madelon suisse s'appelle Gilberte de Courgenay

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gilberte_de_Courgenay
406 critiques
07/11/15
Juin 1915 – Il y a cent ans, le général à La Sagne Exposition au Musée régional de La Sagne jusqu'au dimanche 3 janvier 2016

http://www.mls1880.ch/prochaine_expo_temporaire/
406 critiques
07/11/15
Le général en question est Conrad Ulrich Sigmund Wille (5 avril 1848 à Hambourg – 31 janvier 1925 à Meilen) qui fut le général de l’armée suisse pendant la Première Guerre mondiale. Inspiré par les techniques prussiennes qu’il avait pu observer lors de ses études à Berlin, il essaya d’insuffler à l’armée suisse un esprit basé sur l’instruction, la discipline et la maîtrise technique.
519 critiques
08/03/16
Le 1er mars 1916: l’acquittement des colonels choque les «Welches»

http://www.24heures.ch/vivre/histoire/1er-mars-1916-acquittement-colonels-choque-welches/story/24897951
406 critiques
12/12/16
Conférence Géographies de la Première Guerre mondiale en ligne ici

http://www.canal-u.tv/video/ehess/geographies_de_la_premiere_guerre_mondiale.24971
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