Avis de Octave : "Cachez ce tocsin que je saurais voir"
L’ouvrage est composé de deux parties. La première prend la forme d’un album de fiction. Elle propose une illustration généralement page droite et à quatre moments dramatiquement intenses sur une double-page. Dans tous les cas le texte varie entre une trentaine et une quarantaine de mots par double-page.
La vie d’Ernest nous est racontée depuis ses trois ans, jusqu’à ses vingt-deux ans. On est alors forcément dans l’esprit des auteurs à l’été 1919 (l’illustration est un indice supplémentaire), ceci veut dire qu’il est né en 1897. Il appartient à la classe 1917 en conséquence, ce groupe a été mobilisé en janvier 1916 et est renvoyé dans ses foyers en octobre 1919. Il est donc impossible comme le dit le récit que dès la déclaration de guerre notre personnage parte sur le front (comme le récit laisse à penser). Il aurait d’ailleurs alors plus ou moins 17 ans. Même à la fin de la guerre, ne sont appelés que les hommes de 19 ans. Donc pour un récit historique, toute la chronologie est fausse pour le destin du héros. Il est à noter que c’est dans Le Progrès de l’Oise (authentique journal qui paraît de 1840 à 1940) qu’il apprend la déclaration de guerre, notre personnage est donc picard.
Rappelons que l’extrémité occidentale de l’Oise est occupée, ce qui d’ailleurs valu à Clemenceau la formule à l’été 1915 : « Les Allemands sont à Noyon » (voir http://crdp.ac-amiens.fr/cddpoise/oise14_18/exposition_annee_15/5_panneau_v3.pdf) pour indiquer l’insouciance du gouvernement Viviani et de Joffre. Jamais une lettre de Jasmine (prénom d’ailleurs fort incongru pour une métropolitaine née vers 1900) la fiancée (puis épouse) n’est présentée, on a raté là une belle occasion de faire sentir aux enfants qu’une douzaine de départements sont totalement ou partiellement occupés par les Allemands. Certes pour pouvoir l’épouser en temps de guerre, la future mariée devait être dans la partie de l’Oise restée aux mains de l’armée française, mais on aurait pu glisser que le front ne passait pas très loin du village, voire même que le héros se battait près de là où il habitait à l’été 1914. Cela n’était pas obligatoire, mais dans ce cas on aurait gagné à choisir de situer le village d’origine du héros au sud de la Loire où la guerre est lointaine. D’ailleurs le mariage à situer chronologiquement fin 1914 arrive bien tôt pour que soit accordé une permission. D’autre part le héros saute dès sa mobilisation dans une tranchée, avec tenue bleu horizon et casque Adrian, ce qui simplifie notoirement le contenu du conflit (et la Bataille de la Marne dans tout ça !). Par la suite, il ne connaît ni les gaz, ni les chars.
Sinon, le graphisme sobre et très significatif, traité par le papier mâché pour les personnages et la numérisation pour les décors est très remarquable. La trêve de Noël 1914 (l’année n’est malheureusement pas précisé) met en scène uniquement des Français (avec une belle tenue de lycéen du Second Empire) autour d’un ballon alors que le texte parle de match entre soldats des deux nations ennemies. On pourrait encore chicaner en rappelant qu’en 1914 vraiment très peu de Français (contrairement aux Anglais) savent jouer au football et que les très rares trêves entre Français et Allemands se font plus dans le chant et la nourriture. Bref on le voit, le livre est globalement plus intéressant à utiliser avec des élèves de CM 2 (qui ont étudié cette période) dans le cadre d’un "Chercher l’erreur" qu’avec des élèves des deux classes précédentes pour lequel il semble avoir été conçu.
La partie documentaire permet de corriger certains manques et c’est là que l’on trouve de véritables informations sur la Grande Guerre.
Accessible jeunesse Beaucoup d'illustrations
