Tintin au pays des Soviets

Norbert Wallez, né en octobre 1882 et décédé en 1952 est un prêtre catholique belge qui dirigea la quotidien Le Vingtième siècle de 1924 à 1933. Antisémite et admirateur du fascisme, il est un ami de Léon Degrelle et sera condamné en 1947 pour collaboration. En 1927 Hergé commence à travailler au supplément hebdomadaire pour les enfants du Vingtième siècle et Norbert Wallez lui commande une bande dessinée dont le héros ferait un reportage en URSS. L'abbé fournit à Hergé le pamphlet, paru en 1928, de Joseph Douillet Moscou sans voiles. Son auteur a été consul de Belgique en Russie et a vécu dans ce pays de 1891 à 1926 ; il a passé là ses neuf derniers mois en prison. Plus tard il fondera le Centre International de Lutte Contre le Communisme (CILACC), et décèdera en 1954. Joseph Douillet a été le témoin des préparatifs d’accueil de la délégation des Trade-Unions et de l’organisation de son périple, Hergé met en scène certains épisodes de ce voyage. Ce dernier s'inspire très fortement de l’ouvrage en question, ce qui fait de cette aventure un brûlot anticommuniste.

L'abbé Norbert Wallez n’est pas à confondre avec l’abbé Gosset, aumônier des étudiants chinois à Louvain qui, craignant justement qu’Hergé ne tombe dans le même niveau caricatural dans l’album des aventures de Tintin en Chine annoncé, mit notre auteur de BD au contact d’étudiants chinois résidant en Belgique. L’abbé Gosset  ainsi que l’abbé Neut (secrétaire d’un ancien ministre de Sun Yat-Sen devenu moine catholique à l’abbaye Saint-André de Bruges) vont amener Hergé pour Tintin et le lotus bleu vers un souci de recherche documentaire qui ne le quittera plus et l’amènera à une évolution de ses points de vue sur de nombreux sujets.  

L’album Les Aventures de Tintin, reporter du Petit Vingtième au pays des Soviets est donc paru à partir de janvier 1929 dans le supplément  du Vingtième siècle. Les Aventures de Tintin, reporter du Petit Vingtième au pays des Soviets se trouveront sous forme d'album en 1930. Les cases de ce livre n’avaient jamais été colorisées, comme ce fut les cas pour les autres premiers albums dans les années 1950. Hergé considérait cette œuvre comme un sorte de péché de jeunesse, tant dans la forme que dans le fond ; il n’avait accepté sa réédition en noir et blanc seulement en 1973 devant la multiplication des éditions pirates. Par ailleurs s’étant formellement opposé à une reprise des aventures de Tintin par un autre auteur, il faut voir dans cette mise en couleur un moyen de proposer quelque chose de nouveau dans l’univers de Tintin. Michel Bareau a travaillé sur ordinateur pendant plus d’un an afin de produire cette version colorisée, il a été directeur artistique des Studios Hergé, et ancien directeur artistique de Casterman.

Il est à noter qu’au début du récit, Tintin apparaît les cheveux collés sur le front ; toutefois à la planche 8 naît le Tintin avec sa houppette en raison de sa rapide conduite d’une voiture décapotable. Par ailleurs cet album sort alors que l’on célèbrera en 2017 le centenaire des deux révolutions russes de 1917.