Avis de Benjamin : "Notre père gardez-vous à droite, notre père gardez-vous à gauche"
En 1983 l’auteur faisait paraître Martin Luther : Un temps, une vie, un message pour le cinquième centenaire de la naissance du personnage. En 2016 Marc Lienhard écrit cette fois pour le cinq centième anniversaire en 2017 la publication des 95 thèses, selon la légende sur la porte de l’église de Wittemberg, qui a déclenché le mouvement de la Réforme protestante. L’auteur émet des doutes sur le fait que ces écrits aient pu être placardés sur la porte d’un lieu de culte mais avance qu’il est certain que Luther, après les avoir adressées à certaines de ses connaissances, fut surpris qu’elles soient ensuite imprimées en grande quantité et largement diffusées par d’autres. Voici les dix premières :
- « En disant : Faites pénitence, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ a voulu que la vie entière des fidèles fût une pénitence.
- Cette parole ne peut pas s'entendre du sacrement de la pénitence, tel qu'il est administré par le prêtre, c'est à dire de la confession et de la satisfaction.
- Toutefois elle ne signifie pas non plus la seule pénitence intérieure ; celle-ci est nulle, si elle ne produit pas au dehors toutes sortes de mortifications de la chair.
- C'est pourquoi la peine dure aussi longtemps que dure la haine de soi-même, la vraie pénitence intérieure, c'est à dire jusqu'à l'entrée dans le royaume des cieux.
- Le pape ne veut et ne peut remettre d'autres peines que celles qu'il a imposées lui-même de sa propre autorité ou par l'autorité des canons.
- Le pape ne peut remettre aucune peine autrement qu'en déclarant et en confirmant que Dieu l'a remise ; à moins qu'il ne s'agisse des cas à lui réservés. Celui qui méprise son pouvoir dans ces cas particuliers reste dans son péché.
- Dieu ne remet la coulpe à personne sans l'humilier, l'abaisser devant un prêtre, son représentant.
- Les canons pénitentiels ne s'appliquent qu'aux vivants ; et d'après eux, rien ne doit être imposé aux morts.
- Voilà pourquoi le pape agit selon le Saint-Esprit en exceptant toujours dans ses décrets l'article de la mort et celui de la nécessité.
- Les prêtres qui, à l'article de la mort, réservent pour le Purgatoire les canons pénitentiels, agissent mal et d'une façon inintelligente. »
Marc Lienhard, est issu d’une famille alsacienne passée au luthéranisme au cours du XVIe siècle ; il est non seulement un ancien pasteur mais aussi un ex-professeur d’histoire du christianisme moderne et contemporain de l’université de Strasbourg aussi son ouvrage n’est pas une simple biographie et il sait vulgariser à bon escient les questions théologiques qui font débat dans les propos de Martin Luther. Dans un avant-propos, l’auteur écrit d’ailleurs :
« Le présent volume veut contribuer au débat. Sur la base d'une lecture attentitve des textes, et dans la ligne des recherches récentes sur le réformateur, trop peu connues dans l'espace francophone, il veut promouvoir une meilleure connaissance de Luther. Notre présentation fait place aussi à l'homme et à sa vie, mais ce n'est pas une biographie au sens étroit du terme. Notre but est autre. Nous voulons, d'une part, présenter la théologie de Luther et, d'autre part, sa place dans l'histoire.
On pourrait se contenter d'un exposé de type dogmatique. Nous pensons qu'il ne faut pas en rester là. Même si nous présentons aussi des thèmes théologiques traités par Luther, notre attention se focalise d'abord sur ses sources. Tout novateur qu’il a été, il a été tributaire de la tradition chrétienne, de la Bible d’abord, mais aussi des Pères de l’Église, du monachisme et de la mystique. » (pages 9-10)
Marc Lienhard n’hésite pas dans un chapitre intitulé "Les sujets qui fâchent" à rappeler que « Luther a fini par identifier le pape à l’Antéchrist » (page 455), que sa position par rapport à la Guerre des paysans fut de soutenir la répression menée par les princes allemands. Il écrit :
« Relevons la diabolisation des paysans, du moins ceux qui se sont soulevés. Ils sont pour lui les instruments du diable. » (page 474)
« (à propos du texte où Martin Luther écrit que Dieu a volontairement mis un glaive dans les mains de l’autorité et que la plèbe doit être gouvernée par la force) N’est-ce pas là justifier les régimes forts, réduire le peuple à une masse informe dont il faut craindre et dompter les soubresauts et les revendications, plutôt que de l’éduquer et de la faire participer à l’exercice du pouvoir ? » (page 476)
Par ailleurs il montre que Luther, vraisemblablement déçu que les juifs n’adhèrent pas à son message qui renouvelle la pensée chrétienne, tient après 1530 des propos prônant les pires violences à l’encontre des israélites. L’autre ennemi de la chrétienté est évidemment le Turc qui par sa proximité géographique est le soldat avancé de l’islam en Europe centrale (après la bataille de Mohács en 1526, les Turcs occupent quasiment toute la Hongrie et sont aux portes de Vienne). On retiendra que globalement :
« Luther est convaincu d’être entré dans la fin des temps. Des ennemis qu’il faut combattre avec vigueur cherchent, avant l’arrivée du Christ, à détruire la foi et la chrétienté. En plus du pape, des juifs, des sectaires, c’est-à-dire des illuministes et des anabaptistes, il y a les Turcs. » (page 487)
Pour connaisseurs Plan autre
http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Documentation-catholique/Eglise-dans-le-monde/Martin-Luther-et-Nicolas-de-Flue-commemores-par-les-Eglises-suisses-2017-03-17-1200832607
Conférence. Mardi 6 février 2018 à 18h
à Orléans - Cercil-Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv