[Tribune libre] 10e Festival international du film de La Roche-sur-Yon – par Alain Chiron

du 14 au 20 octobre à La Roche-sur-Yon

par Alain Chiron

Le 10 e Festival international du film de La Roche-sur-Yon s’est tenu du 14 au 20 octobre à La Roche-sur-Yon. Avec des prix d’entrée toujours aussi absolument compétitifs, il a pu réunir plus de 27 000 spectateurs.

Pour les cinéphiles amateurs de récit historique, il a été un régal, comme à l’accoutumée. En effet, outre des productions entrées dans le patrimoine comme Le dernier empereur et 1900 (avec Gérard Depardieu et Robert de Niro) de Bernardo Bertolucci décédé en novembre 2018, ont été proposés des œuvres très récentes voire même des avant-premières qui ont ravi les personnes s’intéressant à des faits relevant d’un passé plus ou moins lointain.

Dès le premier jour, a été projeté Adults in the room, ce film s’inspire de l’ouvrage de Yanis Varioufakis. Ce dernier était ministre des finances dans le premier gouvernement de Tsípras ; il en démissionne au bout de cinq mois et demi juste avant que Tsípras accepte un nouvel accord de redressement de la dette, sensiblement identique à celui qui avait entraîné par un rejet populaire l’élection des députés soutenant Tsípras et repoussé par les électeurs hellènes lors d’un référendum. La machine implacable qui vise, derrière le ministre des finances allemand de l’époque (mais avec l’appui de nombreux autres dirigeants ou responsables européens), à ne trouver de solution que dans la vente de propriétés de l’État et la baisse de salaires et de retraites, est bien décrit. C’est un vrai thriller politique qui nous est proposé.

Adults in the room

Le lendemain était offerte la présentation de Reconstructing Utøya qui propose à quatre témoins, âgés à l’époque de quatorze à dix-neuf ans, de raconter la façon dont ils ont vécu un drame puis de diriger des acteurs amateurs sur une scène de théâtre afin que soient mis en scène, dans un décor très symbolique, les évènements qu’ils rapportent. Utøya est une petite île, au milieu d’un lac, située à l’est de la Norvège, elle est la propriété du mouvement de jeunesse socialiste du pays. Ce dernier, comme pour tous les étés, organisait une université d’;été en 2011. Se faisant passer pour un policier, un homme de 32 ans tire sur les participants et en tue 77. Le meurtrier Anders Behring Breivik était un militant d’extrême-droite qui a été jugé responsable. Ceci a d’ailleurs satisfait Anders Behring Breivik, qui craignait qu’;une appréciation de schizophrénie fasse oublier son idéologie raciste et xénophobe. Ce film a reçu le Prix Trajectoires BNP Paribas.

Reconstructing Utøya

Le mercredi a permis de découvrir Martin Eden qui nous emmène dans une Italie qui semble être celle du début des Trente Glorieuses. Il s’agit de la transposition du roman, en partie autobiographique de Jack London, qui se déroulait en Californie à la Belle Époque. Le film de Pietro Marcello, avec Luca Marinelli en acteur principal, est une odyssée napolitaine qui met en scène un marin qui se décide à devenir écrivain. Son Pygmalion est Elena, une jeune bourgeoise blonde érudite mais assez ignorante de la vie des gens qui vivent modestement ou survivent difficilement ; l’histoire d’amour qui naît entre eux connaîtra bien des aléas dus en grande partie à leur origine sociale différente.

Bien que situé dans une période imprécise du XVIe ou XVIIe siècle, le chef d’œuvre des films à dimension historique est pour nous Judy and Punch, un film réalisé par Mirrah Foulkes avec dans les deux rôles principaux Mia Wasikowska et Damon Herriman. En fait il s’agit là de l’adaptation cinématographique d’un spectacle de marionnettes traditionnel mettant en vedette M. Punch et son épouse Judy. Cette histoire a émergé au lendemain de la chute de Richard Cromwell, fils du chef puritain Oliver Cromwell. Charles II occupe alors le trône d’;Angleterre et d’;Écosse. Le spectacle était à l’origine destiné aux adultes, mais au cours des siècles le récit s’est progressivement aseptisé afin de devenir abordable aux enfants. L’action du film se déroule dans un village anglais où un couple de marionnettistes, mari et femme, Punch et Judy se querellent du fait de l’alcoolisme du premier. Punch, par un hasard de circonstances, dû en grande partie à son ébriété, tue par accident leur bébé ; il l’avoue à Judy et, devant les reproches incessants de celle-ci, Punch la bat jusqu’à ce qu’elle paraisse morte. Le contexte de chasse aux sorciers et sorcières va lui permettre de faire porter ses deux crimes sur deux personnes innocentes. Toutefois Judy, recueillie par des exclus vivant dans les bois, va réapparaître…

Judy and Punch

Seules les bêtes a eu la chance d’être projeté quatre fois, dont une en présence de la productrice, le réalisateur et un des comédiens. Il s’agit de la mise en fiction d’un phénomène d’histoire immédiate que certains magazines d’investigation de télévision francophone avaient déjà parlé. Quoique le scénario soit complexe, ce film de Dominik Moll est basé sur les actions dans des pays africains de personnes qui s’emparent, sur les réseaux sociaux, de photographies et vidéos de femmes européennes. Toutefois le récit démarre en Lozère où le lendemain d’;une tempête de neige, on retrouve une voiture sans passager. Dans ce milieu où subsistent quelques fermes isolées, un drame s’est joué. Nombre de personnes, habitant à l’origine dans le sud du Massif central, dans l’Hérault et en Côte d’Ivoire vont se retrouver embarqués, « à l’insu de leur plein gré », dans une même histoire. L’enchevêtrement scénaristique de petits secrets individuels apporte de nombreuses touches d’humour noir, d’où l’âme humaine ne resort pas grandi.

Seules les bêtes

Signalons enfin un film très original La vérité qui reconstitue de façon la riche carrière cinématographique d’une actrice. Le récit n’est absolument pas en lien avec la vie artistique ou personnelle de Catherine Deneuve, comme on a pu le lire et le dire du fait que cette dernière a le rôle principal. On pouvait retrouver d’ailleurs Catherine Deneuve, dans le cadre du festival dans Palais Royal. Ceci en raison du fait que l’invité principal de cette manifestation était Lambert Wilson. Outre Reconstructing Utøya ont été primés les films suivants : Vitalena Varela (avec une action de nos jours dans la communauté capverdienne de Lisbonne), Collective (un film roumain qui raconte les conséquences d’un incendie dans une boîte de nuit de Bucarest), Hellhole (autour de destins individuels après les attentats terroristes de 2016), X&Y (film suédois autour des rôles des hommes et des femmes), le court-métrage Cavalcade, Abominable (dessin animé américain pour enfants sur le thème du Yéti, avec une action à Shanghai et dans l’Himalaya).

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