Avis de Xirong : "Une Wonder woman franchoulliarde"
Pour qui connaît les évènements de mai 1968, la fille de Wonder parle tout de suite ; pour les autres on peut regretter que les sources d’inspiration de ce récit ne soient pas explicitées. La Reprise du travail aux usines Wonder, est un film de 10 minutes tourné en mai 1968, devant l'usine de Saint-Ouen, par Pierre Bonneau et Jacques Willemont. Cette production est considérée comme le film-phare autour du Mouvement de mai 1968. On peut y voir une jeune ouvrière qui crie, pleure et injurie (en particulier les secrétaires de l’entreprise), en annonçant qu'elle ne reprendra pas le travail :
« Mais vous ne pouvez pas savoir comment c'est là-dedans. On est noir jusque-là, on baigne dans la crasse, y'a même pas un lavabo pour se laver. On n'a pas le droit d'aller pisser quand on veut. Non, je ne rentrerai pas, je ne mettrai plus les pieds dans cette taule, c'est trop dégueulasse ! »
Après la signature des Accords de Grenelle, un militant CGT et le responsable de la cellule locale du PCF Pierre Guyot (d’une famille de communistes connus) incitent à la reprise du travail, vantant les grands acquis obtenus. L’étudiant gauchiste justifie la révolte, plaide pour la poursuite du mouvement, se moque de la formule de Thorez datée de 1936 qui dit qu’« il faut savoir arrêter une grève » ; le chef du personnel appelle à rentrer dans l’usine…
On peut voir le film La Reprise du travail aux usines Wonder ici https://www.youtube.com/watch?v=ht1RkTMY0h4
En 1996, dans le film Reprise d’Hervé Le Roux l’objectif est d’interviewer les protagonistes afin de retrouver cette femme. En fait, elle ne travailla que très peu de temps dans cette usine et personne ne garda le moindre contact avec elle. En effet elle était dans l’atelier le plus dur de l’usine et on y embauchait les personnes sans qualification qui ne restaient pas longtemps sur cette tâche, partant très généralement vers une autre entreprise. Les archives avaient brûlé et de mémoire il me semble que si dans ce dernier film le prénom est avancé le nom de famille a été oublié.
Dans la BD c’est Renée la collègue de travail de l’héroïne qui a plutôt l’apparence de la femme du film. Renée, pendant la période de grève, fréquente le milieu intellectuel favorable au Mouvement de mai 68 et découvre sinon l’amour au moins une certaine liberté sexuelle.
Page 30, on relève le dialogue suivant : « Le cul, c'est le seul truc qu'on a de gratuit, nous, les pauvres! Et toi tu craches dessus! ». Ce qui est rehaussé page 127 par :
« Qu’est-ce-que tu as branlé tout ce temps ?
J’ai branlé plein de trucs, Michel.
Attends… Tu l’as fait. »
Un exemplaire de La Cause du peuple, créé le 1er mai 1968 par Roland Castro, est présenté page 36 ; deux affiches connues sont page 35 et quelques slogans apparaissent dans les pages 30, 40 et 50. Cornélius Castoriadis serait, selon nous, celui qui déclare page 58 :
« Toute société est structurellement portée à réquisitionner l’individu, même sous couvert d’en prendre soin. »
Ce n’est que vers la fin de l’ouvrage qu’apparaît un des moments du film, après selon le slogan "Sous les pavés, la plage" l’héroïne part pour le bord de mer et une autre vie. Qui sait si ce ne serait pas pour l’Ardèche ? Quand au personnage de la réalité, il nous est interdit de savoir ce qu’elle est devenue. C’est d’ailleurs un soulagement, car on aurait pu la trouver au Front national dans les années 1990… On note des évolutions significatives dans les cadrages et les couleurs en fonction des sentiments du personnage principal.
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