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Les poissons morts

Les poissons morts
Lienart 183 pages
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Avis de Adam Craponne : "Son père indiquait la direction des batteries en déplaçant les aiguilles de l'horloge du clocher"

Pierre Mac Orlan donne en 1936 Propos d'infanterie qui regroupe les textes proposés ici sous le titre d’un des récits à savoir Les Poissons morts. L’idée des poissons morts évoque la multitude de poissons, le ventre à l’air, qu'il a vu suivre le cours de la Moselle, en septembre 1914, suite à une grenade allemande arrivée dans le fleuve.  Ce récit inspire donc le titre de son livre, composé également du texte La fin et Devant la Meuse.

Le roman Les Poissons morts est paru en 1917, il côtoie ici le texte du reportage intitulé La fin qui a été publié dans L’Intransigeant en deux parties fin 1918 et avril 1919 mais aussi un article d’une revue sortie en 1935 Devant la Meuse. Les lieux d’action et de temps sont différents, le premier texte touche la frontière lorraine, la Picardie et l’Artois au commencement de la Grande Guerre, le second évoque les débuts de l’occupation française de la Rhénanie après la signature de l’Armistice, le troisième parle de l’Ardenne belge à la limite de la Belgique et du Luxembourg pour l’année 1934. Le point commun est la dimension militaire. Le dernier texte évoque par exemple, sur la même page 164, à la fois les chasseurs ardennais de l’Entre-deux-guerres, le combat à Rossignol  à l’été 1914 « où toute une division d’infanterie coloniale française fut anéantie par les mitrailleuses allemandes  », le courage de Joseph Berta  (personnage central du roman Waterloo d’Erckmann et Chatrian).  Dans ce texte, on trouve quelques belgicismes comme "piotte" qui désigne un soldat belge de la Première Guerre mondiale (page 164).  

Du texte Les Poissons morts, on retiendra quelques extraits, dont un autour d’un jeune garçon qui suit les soldats. Ce sujet ne relève pas que de la propagande, mais d’après nos propres recherches on avait affaire souvent, comme ici, à des enfants de l’Assistance publique ou à défaut de famille très nombreuse, début 1915 des consignes très strictes les excluent des régiments. Quant à la jeune fille fusillée, dans un village d'Alsace-Lorraine, elle pourrait être très bien la victime collatérale d’une dénonciation mensongère, de la part d’un villageois, à l’encontre de son père. Des situations malveillantes aboutirent parfois un peu plus heureusement à des emprisonnements, comme on le voit dans Prisonniers au château d’If et aux îles du Frioul.

« — Et la gosse que les chasseurs ont fusillé à .... Son père indiquait la direction des batteries en déplaçant les aiguilles de l'horloge du clocher ; on l'a prise comme elle montait l'escalier pour prévenir son dab. Le commandant l'a fait arrêter. Elle gueulait : "Laissez-moi, m'sieur, laissez-moi. Je ne sais rien, m'sieur". On l’a fusillée. Elle était tout ce qu'il y a d'gentille. »

« Ainsi, le "Petit Père Cayatte" fut adopté par le 5 e bataillon du N e régiment d'infanterie et par ainsi s'attacha à sa fortune. Le tailleur de la C. H. R. lui confectionna une tunique dans une capote; on lui donna un équipement à peu près neuf, un bidon, une musette ; on l'arma d'un mousqueton de mitrailleur et d'une baïonnette courte. Avec son képi cassé, il nous rappelait l'allure des très jeunes chasseurs de Neuville. Notre gosse, ainsi paré, éblouissait et rendait le régiment sympathique durant les manœuvres, au cantonnement de repos. »

« L'aînée des porchères s'appelle Fanny. Elle porte avec grâce des charges trop lourdes. Cette petite fille aux mains de servante penche une jolie tête de princesse un peu hautaine. Elle roule toute la matinée des brouettes de fumier, refuse les services des soldats et semble absolument étrangère dans cette vie qui est la sienne et que son imagination ne dépasse pas. En fumant une cigarette, à la porte de l'écurie où la liaison cantonne, je la regarde et j'admire cette gamine du Nord si déplacée dans ce cadre et dont l'avenir me paraît plutôt sombre. Il est difficile de conserver impunément des gestes royaux dans le métier fabuleux de servante de ferme et pour favoriser l'aimable hasard des amours d'un prince et d'une bergère authentique, il n'est encore que le cabinet de toilette et le salon d'une appareilleuse patentée. »

On apprend que le département de Seine-et-Marne est propriétaire de collections sur l’auteur et que l’on peut visiter le musée et la maison de Mac Orlan à Saint-Cyr-sur-Morin, où d’ailleurs on vit des soldats allemands avant la victoire de la Première bataille de la Marne. David B offre une dizaine d’illustrations pleine page dans un esprit quelque peu cocasse qui sensibilise bien aux conditions particulières de vie au front.    

Pour tous publics Quelques illustrations

Adam Craponne

Note globale :

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