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CFDT 1964-2024: 60 ans après la déconfessionnalisation de la CFTC

CFDT 1964-2024: 60 ans après la déconfessionnalisation de la CFTC
Chronique sociale157 pages
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Avis de Benjamin : "La CFDT a soixante ans et toutes ses dents"

Ce livre est essentiellement le fruit de témoignages de militants en Auvergne-Rhône-Alpes mais n’en sont pas exclues pour autant des réflexions d’universitaires, d’ailleurs c’est au sein au sein de l’Université Lyon-2 que c’est tenu le colloque dont nous pouvons ici lire les actes.  Sonia Pacaud, secrétaire de l’Union régionale AURA (Auvergne-Rhône-Apes) CFDT, rappelle l’apport du professeur catholique Albert Lachièze-Rey du SGEN dans l’argumentation pour la transformation de la CFTC en une CFDT portée par des valeurs renouvelées.

Sophie Béroud, universitaire à Lyon II,  rappelle le développement qu’avait connu la CFTC dans la première partie des Trente Glorieuses, sous l’impulsion de la tendance Reconstruction. Les traditionnalistes perdent en 1960 Gaston Tessier, le dirigeant historique (premier secrétaire général de la confédération). C’est d’ailleurs son fils Jacques Tessier qui reconstruit une CFTC maintenue après la scission de 1964. D’ailleurs la CFTC renonce à contester à la CFDT le patrimoine historique, en échange pour la première de l'autorisation d'utiliser son sigle sans partage. En 1961 l’élection d’Eugène Descamps comme secrétaire général de la CFTC est le reflet de l’évolution des forces entre ceux qui veulent la transformation de leur syndicat et les traditionnalistes. Le changement de CFTC en CFDT est approuvé par 70% des congressistes en 1964.

Les militants du syndicalisme chrétien passés par la JOC jouèrent un rôle actif dans cette transformation, certains d’entre eux avaient modifié leur vision du monde en notamment montrant leur opposition à la Guerre d’Algérie. Georges Goubier adhère en 1954 à la CFTC et prend diverses responsabilités au sein de la fédération de la Loire, comme un nombre non négligeable de militants de la CFDT il adhère au PSU. On sait que la CFDT compta jusqu’à plus de 4 000 adhérents venus de ce dernier parti. Dans les années soixante-dix, la CFDT était un véritable laboratoire d’idées où s’étaient engagés des gens aussi divers que des militants de la Ligue communiste révolutionnaire tel le médecin André Grimaldi. Simon Daret signale le rôle actif, dans les années 1980, de la CFDT, dans un soutien en Pologne à Solidarnosc.  Des entreprises connues sont évoquées comme Berliet ou Michelin, à côté de services publics.                              

Vincent Porhel, maître de conférences à Lyon I, montre comment l’idée d’autogestion devint le porte-drapeau idéologique de la CFDT dans la petite vingtaine d’années qui suivirent sa création. L’inspiration venait de l’expérience du socialisme yougoslave. Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT de 1971 à 1988, en fera la promotion au lendemain de la scission avant de la renvoyer aux oubliettes à la fin de son mandat. « (L’autogestion) prévoit un passage de l’entreprise capitaliste à l’entreprise autogérée devant se dérouler en trois étapes : limitation de l’arbitraire patronal, dissociation de la propriété et de la gestion, enfin appropriation collective du capital. Les ressemblances entre les deux projets [celui de la Yougoslavie et celui de la CFDT] sont nombreuses, notamment la dénonciation de la "monarchie dans l’entreprise", la revendication de l’autogestion ouvrière, le passage des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) dans les mains des travailleurs, de nouveaux pouvoirs au CE et une gestion détachée du capital » (page 50). Rappelons qu’au milieu des années 1970, la CGT soutenait le Programme commun, porté par unee dimension très étatique.

Vincent Porhel poursuit ainsi : « Le congrès de 1985 – perçu comme un second recentrage – abandonne toute référence à la planification, à la socialisation des moyens de production donc à l’autogestion dans son ensemble. Dans le même temps, la confédération se déclare de plus en plus hostile aux mouvements sociaux et aux conflits du travail. Le syndicat tend alors à s’inscrire dans un "prophétisme syndical" visant à faire comprendre aux syndiqués que l’orientation confédérale vers la maîtrise des comptes sociaux leur profitera dans l’avenir. En 1988, la CFDT est devenue un syndicat monolithique dont la direction confédérale ne traduit plus la diversité des courants » (page 53).

Selon Gaby Bonnand, ancien secrétaire national du secteur protection sociale et questions économiques, le congrès de Lille (qui suit d’ailleurs la fuite de nombre d’adhérents après les grèves de 1995 contre le plan Juppé) permit de structurer le réformisme de la cette confédération selon trois axes. Ces derniers sont : la négociation comme démarche de transformation sociale et structurante d’un espace de démocratie sociale, le conflit des logiques plutôt que la vision marxiste de la lutte des classes, l’autonomie du syndicalisme (page 83). Parmi les autres contributions, on relèvera celle de Claude Roccati autour du progressif investissement de la CFDT dans la dimension sociale européenne (intérêt allant d’ailleurs de pair avec le recentrage idéologique) et celle d’Alexis Torchet qui regrette que l’histoire du SGEN-CFDT reste largement à écrire alors que ce dernier vient de se fondre dans la fédération  Éducation-formation-recherches publiques. 

Il ne faut pas oublier, selon nous que le SGEN, syndicat phare au niveau des idées en matière d’enseignement dans les années 1970, propositions dont s’inspira en grande partie le ministre Alain Savary de l’Éducation nationale au début du premier septennat de François Mitterrand, connut par la suite un régulier et inexorable déclin. Durant les années 1995-1996, il fut  largement déserté du fait d’un non-renouvellement d’adhésion à aucun syndicat, une fuite importante vers SUD et très marginalement vers la FSU et le SE-UNSA. Aux élections professionnelles de 2022, il n’atteignait d’ailleurs qu’un peu moins de 8% des suffrages, du fait du nombre très restreint de ses militants dans certains départements. Toutefois Alexis Torchet annonce,  dans son texte, un certain renouvellement militant et la publication d’un ouvrage qui évoquerait les actions du SGEN pour les années du XXIe siècle.

Mireille Depit conclut cet ouvrage en avançant que la CFDT n’a cessé de répondre aux évolutions de la société, qu’elle entend s’emparer de tous sujets concernant les citoyens et les citoyennes, s’impliquer dans les politiques publiques, lutter contre les discriminations, les idées délétères de l’extrême-droite… Elle dit compter sur un syndicalisme d’adhérents, revendiquant à ce jour 640 000 membres de la CFDT ; vu l’évolution globale du syndicaliste militant en syndicalisme de service et de délégation le développement de la CFDT ne sera pas un long chemin tranquille.   Notons que Flammarion annonce pour fin août 2025 un livre au titre S’engager signé de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT depuis le 21 juin 2023.  

Pour tous publics Beaucoup d'illustrations

Benjamin

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