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L’histoire politisée? Réformes et conséquences

L’histoire politisée? Réformes et conséquences
Rocher239 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "Après avoir forcé Lavisse, l’histoire se casse devant les élèves. Comment la leur faire rattraper?"

Alors que les articles de presse et les textes sur internet se succèdent, il était bon qu’une sérieuse étude permette au public non enseignant d’une part et aux enseignants de toute discipline (y compris l’histoire-géographie) de trouver des pistes de réflexion, autour de la discipline qui  France a dans la longue durée toujours suscité des polémiques.

Malheureusement, pour un livre qui fait très souvent allusion à des manuels les références de ceux-ci sont difficiles à trouver, voire quasi impossible à moins d’avoir chez soi une collection envahissante de manuels d’histoire. Il est fait usage d’abréviations, et en mauvais pédagogie la page explicative n’est pas située au début de l’ouvrage. De plus aucune référence concise citée n’est donnée en exemple pour l’expliciter. À quoi correspond par exemple Na 3 2 p.20 ? On finit par le comprendre, grâce à la phrase :

« Les manuels sont cités avec une abréviation du nom de l’éditeur ou avec le nom du directeur ; suivie du numéro de la classe, puis des références des documents et des pages citées. (…) Nathan : Na, Magnard : Ma. »

Maintenant que j’ai Nathan 3 e document 2 page 20, la question est de savoir ce qu’on en fait. Je vais à la bibliographie. Je trouve aux pages 331-333, "Manuels cités dans ce livre", classés par ordre chronologique de publication  et page 334 "Manuels de collège publiés en 2016". Je trouve donc dans cette dernière page la solution. Pas très pratique surtout avec l’idée de mettre soit l’éditeur, soit le directeur de collection.

Oui mais si je tombe à la page 122 sur Belin, 2de, p. 111 et 113 en allant aux pages 331-333, je ne trouve rien. À la limite aujourd’hui, en passant beaucoup de temps je peux certes avoir une chance de trouver mais a-t-on le droit de m’imposer ce pensum et dans 10 ans y arriveras-tu étudiant en master quand tu rédigeras ton mémoire? Bref l’auteur dans le présent n’offre aucun moyen de vérifier ses affirmations et pour  le futur ne fournit pas un outil efficace sur lequel on pourra s’appuyer afin de mesurer une évolution des manuels.

En matière de connaissances et de remarques générales sur le contenu des manuels d’histoire en France ("des origines à nos jours") il y a peu à dire de regrettable dans cet ouvrage. Juste des choses à la marge comme à la page 59 où Vincent Bradé semble ignorer que sous la IIIe république de nombreux livres proposaient, pour les dernières classes de l’école primaire une histoire et une géographie du département. Adolphe Jouanne avait fini par couvrir l’ensemble des départements et on avait même des ouvrages autour d’une partie d’un département comme en 1921 de l’inspecteur primaire Souché Loudun et les pays Loudunais et Mirebelais.          

Vincent Badré a donné des conférences ou interviews dans des milieux catholiques engagés contre la loi Taubira et a écrit sur le site internet Boulevard Voltaire en 2014. On trouve là un article fort intéressant http://www.bvoltaire.fr/vincentbadre/lecole-le-discours-moralisateur-inutile,49046. Plus gênant, pour ceux qui défendent le service public, est qu'il ait choisi de s'exprimer ici http://www.liberte-scolaire.com/pourquoi-ce-blog/ à cette page http://www.liberte-scolaire.com/articles/tribunes-libres-et-interviews/les-nouveaux-concours-denseignement-c%e2%80%99est-le-retour-des-iufm-mais-en-pire/#comments

Depuis on lui colle parfois une étiquette d’historien d’une "vague brune", c’est-à-dire de complaisance avec  certains aspects des idéologies d’extrême-droite. Rien ne resort de tel dans cet ouvrage.  D'ailleurs, s'il évite au maximum les jugements de valeur dans ces nombreuses vraisemblablement pertinentes remarques sur les manuels, l'auteur laisse entendre quand même clairement qu'il préfère la série des ouvrages de Carnat et Joyeux pour le cours d'histoire en seconde, première et terminale chez Le Robert (élaborée par des professeurs venant du site Le café pédagogique) aux ouvrages de Dimitri Casali aux éditions La Martinière. Ceci lève toute ambiguïté de connivence de notre auteur avec des gens venant de SOS éducation. Ceci dit semble percer un intérêt de Vincent Badré pour l'histoire de la chrétienté et en particulier pour le rôle des chrétiens d'orient dans l'Histoire semble percer et le christianisme social.

Vincent Badré enseigne l’histoire-géographie depuis quinze ans en banlieue parisienne, comme il l’explique dans l’article sur le site de Boulevard Voltaire, il doit faire face à des remarques du type :

« Mais, Monsieur, pourquoi la mort d’un Palestinien ou l’esclavage d’un noir pèsent-ils bien moins lourd dans les médias et les programmes d’histoire que le génocide des juifs ? »

L’auteur entend montrer que des choix idéologiques apparaissent dans  les manuels et les instructions officielles.  La manière par exemple dont on entend parler de la colonisation a évolué et fait débat aujourd’hui bien plus qu’auparavant. Mais attention Gaston Clémendot et  Hervé en 1904 écrivaient dans leur manuel (certes interdit aux élèves par décision ministérielle):  « Nous n’avons pas plus le droit de nous établir de force chez les Arabes ou les Chinois que les Arabes ou les Chinois chez nous…Les expéditions coloniales ne rapportent rien au peuple français : elles coûtent aux contribuables…Il n’est pas juste que les paysans et les ouvriers qui sont pauvres, soient tenus de payer les frais de ces expéditions destinées à faire fructifier au loin l’argent des riches capitalistes ». Le choix des personnages historiques à mettre en avant, voire d’évoquer des anonymes (appartenant à certaines catégories sociales ou de genre) est assez souvent porteur d’un discours  largement préfabriqué. Cela influe en profondeur la représentation du passé délivrée aux jeunes.

Il relativise les changements récents de contenu des programmes de collège :

« Les cours de 6e de mon enfance évoquaient déjà les dieux égyptiens. On les retrouve en classe de 6e en 2008 avec l’examen d’un monument des «Premiers États, premières écritures» de l’Orient ancien et en 2016 quand il faut étudier les "mythes polythéistes" en lien avec des cours de français qui demandent de comparer la Genèse dans la Bible avec d’autres récits de création. Tous les débats furieux qui entourent chaque nouveau programme portent donc sur des accents, des tendances, des insistances plus ou moins fortes».

L’auteur propose de faire réfléchir et dialoguer à partir de documents, avec la pleine conscience que des manques de bases culturelles de l’élève peuvent rendre vains les apports de l’apprenant. Il prône la diversification des points de vue car « il faut penser des adhésions au récit national qui soient à géométrie variable » (page 264). Dans un chapitre intitulé "Comment trouver une histoire commune", il donne des pistes fort intéressantes qui permettraient de réorienter les programmes. Certaines de ses inflexions sont applicables  quelques soient les programmes, à condition de sortir de temps en temps du manuel en usage, de renouveler l’approche de ce que demandent d’étudier les instructions officielles dans cette seconde moitié des années 2010.  

Il faudra en conséquence faire appel chez l'élève moins à l’adhésion à un discours qu'au développement de l’esprit critique puisque les professeurs auront plus de marge dans leurs choix :

« La solution de polémiques sur l’enseignement de l’histoire se trouve peut-être dans une pensée de liberté. Liberté de choisir un exemple historique plutôt qu’un autre, un jugement positif sur un personnage ou sur ses adversaires et une pédagogie plutôt qu’une autre. Si l’idée d’un récit national unique et figé est une utopie irréalisable, la possibilité de construire plusieurs récits proches les uns des autres, réalistes, ouverts et joyeux est tout à fait réelle. C’est un travail qui commence ». (page 284)   

Posera plus de questions, et suscitera des opposisions, le discours tenu autour de l'éducation civique et morale ainsi que sur la question du genre telle qu'elle est présentée.

Pour connaisseurs Aucune illustration

Benjamin

Note globale :

Par - 462 avis déposés - lecteur régulier

318 critiques
29/08/16
Pour retrouver la confiance dans notre patrie, (Fillon) (...) propose surtout de revoir l'enseignement de l'Histoire à l'école primaire, ce afin que les maîtres ne soient plus obligés d'apprendre aux enfants à comprendre que le passé est source d'interrogations. Faire douter de notre Histoire : cette instruction est honteuse ! a-t-il lancé.

http://www.lepoint.fr/politique/fillon-propose-de-revoir-l-enseignement-de-l-histoire-en-primaire-28-08-2016-2064308_20.php
734 critiques
04/10/16
Wikipedia: Le genre est un concept utilisé en sciences sociales pour désigner les différences non biologiques entre les femmes et les hommes. (...) Le concept de genre permet donc de penser les relations entre femmes et hommes en termes de rapports sociaux.

Selon Vincent Badré la théorie du genre est l'idée selon laquelle l’adhésion à un genre « masculin » ou « féminin » est essentiellement le résultat d’un choix, suivant la phrase de Simone de Beauvoir « On ne naît pas femme, on le devient ».
Voir Théorie du Genre : Le Pape, Najat Vallaud Belkacem et les manuels de collège
http://www.histoirefabriquee.com/theorie-du-genre-le-pape-najat-vallaud-belkacem-et-les-manuels-de-college/
Question
:

Question : Une femme pompier choisit-elle d’être un homme ? Un homme qui choisit de devenir danseur choisit-il de devenir femme ? À moins que l’une choisisse d’être lesbienne et l’autre d’être homosexuel…
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