Avis de Benjamin : "Seul l’homme peut être inhumain (Michel Charpentier)"
Le tableau Le radeau de la Méduse de Géricault a une dimension grandement historique, tant par le fait qu’il rapporte un évènement survenu en 1816 que par le message qu’il délivre lorsqu’il est exposé au Salon de 1819. Les personnages représentés sont nombreux et beaucoup de corps sont entremêlés dans cette œuvre d’art. Mettre en exergue dans cette BD, l’existence d’une femme est un très bon motif. Encore eut-il fallu que le tableau fusse reproduit sur une double-page afin que l’on puisse l’identifier.
Le récit proposé ici est romancé, ne serait-ce que par le physique jeune et pimpant attribué à l’héroïne. En fait elle avait servi comme cantinière dans les armées révolutionnaires puis impériales pendant une vingtaine d’années, comme le rapporte la cartographe Corréard, l'un des quinze rescapés du radeau de La Méduse. Elle embarque en compagnie de son mari, militaire de carrière.
Le tragique des situations successives est très bien rendu par le scénario et le dessin. Après l’échouage maladroit du navire (dû à l’incompétence de son commandant Hugues Duroy de Chaumaray) allant en direction du Sénégal, cent cinquante personnes se sont mises sur un radeau en pleine mer. Elles ont été trompées car très rapidement les cordages qui les reliaient aux chaloupes (afin de ramener le radeau vers les côtes) sont volontairement rompus sur ordre des officiers sur les chaloupes.
La folie gagne les passagers du radeau, ils se massacrent entre eux et les scènes de cannibalisme se succèdent. Le chirurgien Henri Savigny enseigne l’art de découper les chairs humaines et de les faire sécher. On est donc en présence de cannibalisme chez des Européens qui vont coloniser l’Afrique pour civiliser des nègres prétendument cannibales. Notons que le nègre mis en avant dans le tableau de Géricault (pour un message d’opposition à l’esclavage) est assez présent dans les actions présentées dans cet album. Au bout de treize jours, le radeau est repéré par le bateau l’Argus alors qu’il ne reste plus que 15 rescapés dessus. Cinq d’entre eux meurent encore dans les jours qui suivent
Le récit cadre évoque la présentation du tableau de Géricault au Salon. Un épilogue nous transporte au Salon de 1831 où en évoquant son tableau Scènes des barricades (connu aujourd’hui sous le titre La Liberté guidant le peuple), Delacroix laisse entendre que la femme du peuple, coiffée d'un bonnet phrygien et brandissant un drapeau tricolore, est un hommage à la femme du tableau du Radeau de la Méduse.
Pour tous publics Beaucoup d'illustrations