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Diane de Poitiers

Diane de Poitiers
Perrin381 pages
1 critique de lecteur

Avis de Kingsale : "Pris à son propre piège"

Dans son livre, Didier Le Fur part du principe qu'une grande partie de ce qui a été écrit avant lui sur Diane de Poitiers relève du roman, car, dit-il, on ne sait rien sur de nombreuses périodes de sa vie qui est une succession de trous noirs. Le texte est littéralement truffé de nous ne savons rien, on ignore tout, elle est invisible, elle redevient mystérieuse, qui rendent la lecture très pénible. En outre, il consacre moins de temps à sa biographie (Ce que l'on peut savoir, 156 pages) qu'à la critique du "roman" (Il était une fois, 52 pages, La construction du roman, 115 pages). Et encore, cette biographie en lambeaux est-elle pleine de développements sur l'histoire du royaume qui nous éloignent du personnage de Diane proprement dit.

Evidemment, son raisonnement se retourne contre lui, car il lui devient très difficile dans ces conditions de dresser un portrait de Diane. Comme de surcroît il attaque durement ses collègues, il devrait se montrer irréprochable. Or le livre est émaillé d'erreurs, de vocabulaire (beau-fils à la place de gendre), d'histoire des familles (les Brézé ne sont pas une branche des La Varenne, par contre ils descendent de l'importante famille des vicomtes de Thouars), ou d'histoire des fiefs (ce n'est pas Jacques de Brézé qui a acquis les fiefs du Bec Crespin, de Mauny, de Plasnes et du Torpt en Normandie, mais son père, ni ceux de la Varenne et de Brissac en Anjou, dans la famille depuis des générations, quant aux Clayes, ce n'est pas en Anjou mais dans les Yvelines).

Après avoir insisté sur les lacunes de l'histoire de Diane, il devrait avoir à coeur de nous donner toutes les informations disponibles : il n'en est rien ! Ainsi, les événements de 1662 (siège de Rouen, bataille de Dreux) sont expédiés en quelques lignes pages 196-197, alors que Patricia Thompson, qui utilise d'autres sources dont le livre de comptes de Diane à Chantilly, y consacre trois pages et met en valeur le rôle important de la grande sénéchale (Cahiers d'Aubigné, 2002). Surtout, il esquisse à peine le rôle de mécène joué par Diane et son influence sur les arts plastiques. Pour un peu, il ferait passer pour pure coïncidence le nombre de tableaux sur le mythe de Diane, avec ou sans Actéon, ou le nombre de bâtiments affichant ses emblèmes. Il lui suffisait pourtant de faire le tour des musées et des bibliothèques pour recenser les oeuvres qu'on lui doit, à commencer par la célébrissime tenture de Diane, ou de se documenter sur place à propos de l'activité en vérité débordante de Diane dans le domaine de l'architecture. Il cite bien sûr Chenonceau et Anet mais il y avait beaucoup plus à dire sur ces deux châteaux et les grands artistes qu'elle y a fait travailler, au premier rang desquels Primatice et peut-être Jean Goujon (on manque encore de preuves sur ses contributions). Et il oublie que Diane, avec ou sans son mari, a marqué de son empreinte le Bec Crespin, Mauny (qui a accueilli si souvent François 1er et Henri II), Chaumont-sur-Loire, Beynes (où Diane a édifié de nouveaux bâtiments) et Sahurs, refuge secret ignoré de la plupart des historiens, dont la chapelle a gardé tout le décor de l'époque de Diane. Sa présence au Louvre, avec cette floraison de croissants de lune et de H + D, n'est pas non plus évoquée, ni celle à Fontainebleau (oratoire de Diane dans la chapelle de la Trinité, décor de la salle de bal et de deux chambres des bains). Il en va de même pour les châteaux de la famille (chambre de Diane à Ancy-le-Franc) ou ceux des courtisans amis. Et si elle n'a le plus souvent jamais mis les pieds dans les nombreuses "maisons de Diane" qui parsèment la France (La Rochelle, Orléans, Clermont-Ferrand, Montélimar, Etampes, etc.), le phénomène mérite d'être mentionné et qu'on s'interroge sur sa signification.

Les rapports de Diane avec les écrivains sont eux décrits avec force détails, mais il manque à cette relation des noms importants comme ceux de Pontus de Tyard, cofondateur de la Pléiade, de Gabriele Simeoni et de Jacques de Vintimille. Les deux premiers ont pourtant écrit des livres pour Diane qui sont bien connus.

On aurait aimé que Didier Le Fur nous explique ce qu'il apporte de plus par rapport au portrait vivant et documenté de Diane dressé par Ivan Cloulas en 1997. Eh bien, il n'en parle pas dans le texte et le cite juste dans sa bibliographie ! De même, l'éminente contribution de Françoise Bardon, Diane de Poitiers et le mythe de Diane, de 1963, est complètement passée sous silence, alors que c'est à Diane que l'on doit le développement sans précédent de l'art allégorique, dans ce qu'on appelle maintenant une "politique d'image".

 

Pour tous publics Peu d'illustrations Plan autre

Note globale :

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