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Les nouvelles politiques scolaires

Les nouvelles politiques scolaires
Presses universitaires de Rennes202 pages
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Avis de Ernest : "On ne doit pas élever les enfants d’après l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après un état meilleur, possible dans l’avenir (Kant)"

Pierre-Yves Bernard est maître de conférences émérite en sciences de l'éducation et chercheur au Centre de recherche en éducation de Nantes. Christophe Michaut est professeur des universités en sciences de l'éducation et chercheur au Centre de recherche en éducation de Nantes (CREN - Nantes Université). Julia Resnik est professeur à la School of Education de l'Université hébraïque de Jérusalem.

 

Il s’agit là des contributions proposées lors de la journée scientifique du 2 octobre 2020, tenue à l’université de Nantes en hommage à Yves Dutercq (1955 – 2020), devenu codirecteur du Centre de recherches en éducation de Nantes entre 2010 et 2017. Yves Dutercq a participé en 1998 à la création de la revue Éducation et sociétés dont il était le rédacteur en chef adjoint. On relève particulièrement qu’en 2013, il publiait avec Xavière Lanéelle (CREN, Université de Nantes) dans les pages de la revue Sociologie un article "La dispute autour des évaluations des élèves dans l’enseignement français du premier degré" où il s’inquiétait, comme de nombreux professeurs des écoles, d’une diffusion de la logique marchande à l’école.

 

L’ouvrage est divisé en trois parties: La lutte contre le décrochage scolaire : un révélateur des nouvelles orientations des politiques éducatives, Les politiques d’orientation, La quantification de l’éducation. La première division de l’ouvrage offre quatre articles:  Le décrochage scolaire, un marqueur des politiques publiques,  Les politiques de lutte contre le décrochage. Une comparaison France-Québec, Prévenir le décrochage. Ce que la mesure nous dit de l’action publique, Traductions territoriales des politiques de lutte contre le décrochage scolaire. Inégalités et effet Matthieu. L’effet Matthieu est la tendance à maintenir une domination, les meilleurs tendent à accroître leur avance, tandis que les moins bons accentuent leur retard.

 

Ceci permet de souligner trois évolutions structurelles pour ce premier quart de XXIe siècle : « nouvelle conception de la démocratisation scolaire  fondée sur l’individualisation et l’inclusion, évaluation à partir d’indicateurs quantifiables et responsabilisation des acteurs, y compris les élèves eux-mêmes » (page 12). Une des questions est de savoir comment est défini le décrochage scolaire, en France on a pris la norme construite aux USA, à savoir de ne pas avoir terminé ses études secondaires. La lutte contre le décrochage scolaire a renvoyé en France tant au problème de l’insertion professionnelle des jeunes qu’à une solution pour résoudre le malaise des banlieues.

 

Dans un établissement scolaire précis « une part importante d’élèves de milieux défavorisé et/ou de faible niveau scolaire augmente le risque individuel dedécrochage scolaire. Ce résultat milite en faveur du développement de la mixité sociale, que ce soit à travers des politiques de logement ou celles encadrant les règles de recrutement des établissements. L’autre aspect important des effets établissement réside dans l’effet du climat d’établissement sur les résultats des élèves, et en particulier sur le risque de décrochage scolaire. De là l’accent mis sur les politiques d’établissement développant un climat sécurisant, des règles de vie scolaire explicites et perçues comme juste par les élèves, des relations de confiance entre enseignants et élèves » (page 17).

 

Dans la seconde partie, on voit se confirmer que les politiques d’orientation sont portées par l’évolution du marché du travail et à l’insertion des jeunes. Les liens entre éducation et marché du travail ont été définies en trois dimensions : réemploi des connaissances et compétences acquises à l’école dans une profession,  le diplôme sert de filtre à l’employeur, socialisation et développement personnel de compétences non académiques produisent une richesse chez chaque individu. Toutefois il y a une remise en cause de la valeur des diplômes et des connaissances professionnelles (face à l’évolution des métiers), cela redistribue les cartes. Par ailleurs les paliers d’orientation se sont multipliés avec l’allongement de la scolarité.

 

«  La conciliation difficile entre le travail comme moyen de vivre et le travail comme moyen de se réaliser est transversale aux contextes, reposant sur une évolution d’ampleur du rapport au travail. Dans ce paysage, le rapport à la précarité et à l’emploi stable joue indéniablement un grand rôle, en ajoutant ses propres épreuves. Mais il se pourrait aussi que des logiques plus larges d’engagement, revisitées par l’urgence écologique, la sensibilité aux inégalités et à la pauvreté, en jouent également un pour une "alter-élite" à la recherche de métiers correspondant à des modes de production supposés moins destructeurs pour l’équilibre des sociétés. Du côté des jeunes de LP, ce même désir de se réapproprier des critères de réussite hors de la logique étroite que leur a imposé l’institution ouvre plutôt à un répertoire lié à un imaginaire social de l’installation à son compte pour échapper à terme aux contraintes du salariat » (page 111).      

 

La dernière partie permet de percevoir une mise en place de la marchandisation de l’éducation. « Dans la société du XXIe siècle, conçue en tant que société de la connaissance, la réussite de tous les élèves n’est plus considérée seulement comme un mandat de justice sociale mais devient aussi une condition sine qua non des États pour réussir une économie mondialisée. Les dispositifs et outils permettant de mettre en place ce nouveau pilotage par les résultats sont nombreux et variés mais toujours ancrés autour de concepts clés tels que la performance, l’efficience et l’accountability : évaluation du système éducatif, du ministère de l’éducation et évaluation des établissements scolaires au moyen des indicateurs, évaluation des enseignants et leur responsabilisation, standards éducatifs, tests régionaux, provinciaux ou nationaux standardisés, enquêtes internationales, choix de l’école par les parents, autonomie d’établissements, concurrence entre les établissements, lutte contre les décrochage, etc » (page 24).

 

Au sujet de la situation au Québec, un auteur décrit une situation qui se retrouve largement en France. « Les outils managériaux de responsabilisation et la quantification digitalisée des réalités éducatives sont donc des outils qui posent des enjeux considérables pour l’école et sa gestion aujourd’hui. Si tout le monde – en particulier les enseignants  – sont en général en faveur des finalités de ces politiques (la réussite de tous, la diminution du décrochage, etc.), la mise en place de leurs outils par les acteurs peuvent dériver vers des formes d’imposition des problèmes et des solutions, des tendances à la perte de professionnalisme enseignant, des limitations – discutables  – de leur autonomie et réflexivité et un risque de standardisation et de technisation dépendante des pratiques éducatives » (page 165).

 

« En France, la structuration des discours tant réformiste que managérial a lieu traditionnellement dans des organismes officiels. Les promoteurs de la managérialisation sont des statisticiens du Plan au départ, puis ceux de la DEEP, la Société française de l’ évaluation, l’Inspection générale des finances ainsi que des syndicats comme la Confédération française du travail et le Syndicat des personnels de direction [SNPDEN]  par la suite. (…) En France, le managérialisme s’incorpore de manière artificielle au système existant sans produire une transformation profonde, mais a plutôt servi à resserrer l’emprise bureaucratique. (…) En France, la bureaucratie d’État maintient un contrôle direct sur l’évaluation et son interprétation » (page 154).     

 

Voici le  sommaire de l’ouvrage :

  • Avant-propos. En mémoire d’Yves Dutercq
  • Introduction. Décrochage, orientation et quantification à l’ère de l’évaluation

La lutte contre le décrochage scolaire : un révélateur des nouvelles orientations des politiques éducatives

  • Le décrochage scolaire, un marqueur des politiques publiques
  • Les politiques de lutte contre le décrochage. Une comparaison France-Québec
  • Prévenir le décrochage. Ce que la mesure nous dit de l’action publique
  • Traductions territoriales des politiques de lutte contre le décrochage scolaire. Inégalités et effet Matthieu

Les politiques d’orientation

  • La sociologie de l’orientation à la croisée des chemins juvéniles
  • Comment conjuguer sélection des élites et justice sociale ?
  • Les classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques face au défi de la démocratisation
  • Logique cumulative ou logique compensatoire ? L’encastrement des choix d’études supérieures dans des réseaux familiaux et amicaux

La quantification de l’éducation

  • La managérialisation des politiques éducatives en France et en Israël
  • Accountability et quantification de l’éducation. Dérives et enjeux
  • Conclusion. Yves Dutercq : quarante années d’accompagnement des politiques d’éducation françaises et internationales
coup de coeur !

Pour connaisseurs Aucune illustration

Ernest

Note globale :

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