Avis de Benjamin : "Une laïcité combative peut-elle porter un projet de concorde ?"
L’ouvrage est sous-titré Propositions philosophiques et pédagogiques. Il s’agit d’un livre posthume de Pierre Hayat est décédé le 1er mars 2025 et que ce titre est paru environ cinquante jours plus tard. Il professeur agrégé et docteur en philosophie. Il a connu un engagement syndical enseignant à la CGT et a été engagé au sein de l’association des professeurs de philosophie (APPEP). Il a donné plusieurs textes à Respublica https://www.gaucherepublicaine.org/
L’ouvrage est composé de trois parties respectivement intitulées : Le principe de laïcité entre droit, histoire et philosophie, Questionnements laïques et Pour un enseignement philosophique de la laïcité. Les chapitres se succèdent suivant cet ordre : Éléments d’une saisine philosophique du principe de laïcité, Genèse et raisons de la loi du 15 mars 2004, De la liberté de conscience, Liberté de croire ou de ne pas croire ?, La fraternité sous l’angle de la laïcité, Raison laïque : troisième dimension, La désécularisation contre la laïcité, La laïcité républicaine, La ressource spinoziste, Laïcité et émancipation, La neutralité laïque, Dialogue pédagogique sur la charte de la laïcité à l’école. Si trois chapitres sont inédits, les autres avaient connu une publication sur Respublica ou dans des revues mais aussi dans un ouvrage.
Cet ouvrage est le produit d’une pensée très élaborée et enrichie par diverses pistes il est fort difficile d’en produire une synthèse. On retiendra toutefois que l’auteur entend combattre ce qu’il perçoit comme des dévoiements de la laïcité. Pour lui la laïcité n’est pas essentiellement un outil d’apaisement social (il récuse le fait que la loi de 1905 fut une loi de compromis) mais elle serait au contraire une action combative et émancipatrice. Il écrit que « la laïcité exprime une volonté de liberté, d’égalité et de fraternité qui conteste une vision totalitaire du politique […]. La fraternité est indispensable au principe de laïcité. Elle conforte l’humanisme universaliste qui l’irrigue. Elle contribue à faire valoir le combat politique comme une pratique d’émancipation collective ».
Selon lui, la laïcité s’appuie sur une rationalité critique, éthique et politique. « Les communautarismes religieux entrent ainsi en consonance avec l’individualisme consumériste qui réclame des ‘droits pour soi’ et fait part bruyamment à tous de ‘ses choix‘ au mépris de l’intérêt général ». Il reconnaît la sécularisation ambiante mais ceci va avec une pression des religions dans l’ensemble de l’univers sociétal.
Il craint que l’antiracisme ne soit dévoyé par le communautarisme, qui capitule devant des idéologies oppressives et obscurantistes au prétexte de l’égale dignité de toute culture et par haine de l’universel ». Il avance que l’affaire des foulards de Creil en 1989, découle de l’affirmation, dans la loi d’orientation Jospin du 10 juillet 1989 qui disait que les élèves disposaient de la liberté d’expression. Pierre Hayat Rappelle diverses étapes qui mèneront à l’adoption de la loi du 15 mars 2004 sur la présence chez les élèves de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Pour notre auteur cette loi « n’aurait pas vu le jour sans les interventions d’intellectuels, d’associations laïques et féministes ». Il approuve totalement ce texte qu’il situe dans le prolongement de l’article 31 de la loi de Séparation prévoyant des sanctions cotre ceux qui entendent faire pression sur un individu afin qu’il pratique ou au contraire d’abstient de pratiquer un culte précis.
Pour notre auteur, l’école est ainsi le lieu par excellence de l’apprentissage de la citoyenneté. « L’école offre aux élèves qui la fréquentent un lieu privilégié où la liberté d’examen peut se construire. En contrepartie, elle demande à ne pas se figer de manière démonstrative dans une identité d’appartenance ». D’ailleurs Ferdinand Buisson déclarait que « le premier devoir d’une République, c’est de faire des républicains ». Mais le républicain de la Belle Époque partage-t-il beaucoup de points communs avec le républicain du XXIe siècle, ajouterons-nous de notre propre chef.
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