Avis de Patricia : "Que des besogneux !"
En fait ce contenu est paru en 2022, sous le titre Petit dictionnaire des sales boulots chez Vendémiaire. Ce sont soixante-quinze métiers qui sont présentés en six ensembles. La première partie traite des "Sales boulots". On trouve là les ramoneurs (enfants vu la taille réduite nécessaire pour se glisser dans un conduit de cheminées), les écumeurs des berges ou charognards d’égouts et rivières qui dans les grandes villes remuent la vase pour y trouver des objets jetés ou perdus (et parfois des cadavres d’animaux dont ils récupèrent la peau), les chiffonniers (dont personnellement certains ont fait encore la rencontre au début des années soixante, d’après des souvenirs familiaux).
Pour le lecteur de livres d’histoire ou d’archives, c’est parfois l’occasion de découvrir un métier qu’il rencontrera dans des recherches ultérieures. C’est le cas avec le gadourd, plus connu il est vrai sous le nom de vidangeur qui ramassaient les ordures et en particulier les excréments humains séchés dans les rues. Pour ce chapitre, on retiendra d'abord ceci autour des charognard des eaux boueuses: « On désigne aussi celui qui exerce cette activité sous le nom de moineau des boues. Ce sont des chiffonniers marins que l’on retrouve surtout en Angleterre, au XIXe siècle. Ils sont chargés de nettoyer la Tamise, qui est une "soupe monstrueuse", selon l’expression de l’époque, et recyclent ce qui peut l’être. Le fait de travailler dans de telles conditions en fait de véritables intouchables. Ils sont insultés, tenus à l’écart de la société ».
Le second volet traite des métiers en rapport avec la religion comme moine copiste mais aussi les castrats qui gagnent leur place ici du fait que les papes interdisent jusqu’en 1798 dans les États pontificaux aux femmes de chanter dans les théâtres. Il y a aussi ici mention du muet funèbre, un poste qu’Olivier Twist occupa quelques temps et qui consistait à rester devant un logis et accompagner le corbillard jusqu’au cimetière, cela avec une mine de circonstance et sans un mot.
On fournit des explications sur les circonstances de la fin des métiers exposés. Ainsi il n’est pas été inutile de préciser qu’en France Louis XVI en 1777 demande que les apothicaires prennent le nom de pharmaciens les apothicaires ce que l’on comprend en lisant que ce souverain « remplace le Jardin des Apothicaires par le Collège de Pharmacie ». Cette décision sépara les corporations d'apothicaires et d'épiciers tout en interdisant aux médecins de fabriquer des médicaments. Nicolas Méra nous avait informé auparavant que, suite à l’Affaire des poisons sous le règne de Louis XIV, « l’édit royal du 31 août 1682 oblige les apothicaires à tenir registre des quantités de substances achetées, des noms et demeures des marchands, et limite leur périmètre de vente (page 85). Comme pour tous les autres métiers présentés, en fin de page on trouvera les références sur lesquelles s’appuie notre auteur, comme parfois celles-ci renvoient à des documents d’archives ou à des revues de recherches historiques (par exemple ici Le Bulletin de la Société d’histoire de la pharmacie n°28 de 1920).
Ce métier trouve sa place parmi ceux liés à la santé et aux sciences reconnues ou prétendues. Il y a là en conséquence l’alchimiste et le phrénologue qui consiste à étudier les formes du cerveau pour identifier caractères et prédispositions. La morphopsychologie trouva là, complèterons-nous personnellement, un prolongement avec comme fondateur Louis Corman, dans les années 1930, fondateur du service de psychiatrie de l'enfant à l’hôpital Saint-Jacques de Nantes.
On n’a pas pu mettre là les officiers de santé qui œuvrèrent quasiment durant tout le XIXe siècle et dont le personnage le plus célèbre relève du domaine de la fiction puisqu’il s’agit du mari de Madame Bovary. En effet si leur métier a bien disparu mais il n’avait pas de caractère trop insolite.
La quatrième division concerne les professions demandant un gros effort physique tel galérien, hercheur (dans la mine) ou chaufournier (en charge des fours à chaux), mais aussi des métiers des professions stigmatisantes comme nain de cour ou bourreau.
En prolongement on a une partie autour des métiers à risque où l’on nous expliquera notamment en quoi celui du chapelier en relève. « Pour raffermir le feutre qui vient garnir leurs chapeaux, les fabricants utilisaient une lotion à base de mercure (…) Lorsque Lewis Carroll publie Alice au Pays des Merveilles, en 1865, il introduit le personnage du Chapelier Fou- signe que le fléau est courant à l’époque (page 173).
On termine avec un groupe de métiers appelé "Heures supplémentaires" car ils se font à des moments précis et assez courts, comme l’allumeur de réverbère, falot (une profession qui disparaît justement avec l’apparition de l’éclairage public), aboyeur (un même nom pour deux activités différents où l’utilisation de la voix s’impose) mais aussi claqueur (pour soutenir un spectacle). On apprécie également ici nombre de petits récits qui montrent combien, par une courte plaisanterie, un bouffon peut se mettre en danger.
Ma citation préférée pour l'ensemble de cet ouvrage, car porteuse de grands progrès en matière d’anatomie et par ricochet en médecine, est : « Au XVIII e siècle, la demande de cadavres s'envole, et leur tarif avec. On en vient à marchander avec les vivants le droit de disposer de leur dépouille. À Édimbourg en 1828, alors centre important d'étude anatomique, William Burke et William Hare forment le premier gang de « meurtriers anatomiques », assassinant seize personnes pour vendre leurs corps aux universités locales. Par un drôle de retournement de situation, après sa condamnation, William Burke est pendu, son corps disséqué, et sa peau sert à relier un petit carnet visible encore aujourd'hui dans un musée d'Édimbourg. Dans cette économie souterraine, les cadavres n'ont pas tous la même valeur. Les noyés et les étouffés, avec des organes relativement intacts, sont préférés aux décapités ou aux pendus. On a généralement recours aux corps de criminels ou de vagabonds pour ne pas attirer l'attention. Même les dépouilles des condamnés à mort, exposées pour l'exemple, disparaissent en un éclair » (pages 43-44).
coup de coeur !Pour tous publics Aucune illustration