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Les Résistances dans le département de la Loire 1940-1944

Les Résistances dans le département de la Loire 1940-1944
De Borée 450 pages
1 critique de lecteur

Avis de Benjamin : "Si Lyon est la capitale de la Résistance, Saint-Étienne en est l’une de ses préfectures (Annette Kahn)"

Le département de la Loire propose depuis 1984 un musée de la Résistance à Estivareilles  qui est dans les anciens bâtiments de la Congrégation des sœurs Saint-Joseph. Après l’évacuation de Saint-Étienne par les Allemands le 19 août 1944, le Commandant Marey (chef de l'Armée Secrète de la Loire) décide d'arrêter une colonne allemande (comprenant aussi des Tatars et des miliciens), remonte de la Haute-Loire en direction de Lyon. Les maquisards du Wodli avait livré auparavant des combats de harcèlement et d'encerclement contre la colonne allemande. Ce maquis dans le massif du Meygal avait été rejoint par le jeune Théo Vial-Massat dans l'hiver 1942-1943, ce futur parlementaire communiste de la Loire en avait la direction à l'été 1944. Le 22 août ces huit à neuf cent Allemands acceptent une reddition à Estivareilles alors que les  maquisards, sous les ordres du commandant Marey, n’étaient en fait que cent cinquante.

Le commandant Marey, fin août 1944, à  Saint-Etienne

Par ailleurs on sait par la lecture de La Résistance dans le département de l’Ain 1940-1944 de Patrick Veyret, que fin 1941, Henri Petit (futur Henri Romans-Petit), né à Firminy et ancien engagé  volontaire de la Première Guerre mondiale, fait parti du réseau Espoir à Saint-Étienne. Lors de la fête de Noël 1942, un résistant Marcel Demia maraîcher-horticulteur de la commune d'Ambérieu-en-Bugey se rend dans la Loire pour rendre visite à ses parents. Les deux hommes se rencontrent et échangent divers propos ;  Henri Petit est invité à découvrir l'organisation de la Résistance dans le département de l'Ain. Ce dernier, officier de réserve, va devenir le chef des maquis de l'Ain, du Haut-Jura et de Haute-Savoie.

Dans l’introduction, l’auteur explique que la Résistance est d’abord une affaire urbaine dans la Loire. Ceci n’a rien de particulier à ce département et l’on sait que Guingouin eut sa première divergence avec l’appareil clandestin du PCF de la Haute-Vienne parce que celui-ci lui demandait de vivre dans la clandestinité à Limoges alors que lui estimait qu’il courait de bien moindres risques dans le milieu rural. Par ailleurs tant que la loi sur le STO n’est pas passée (à savoir avant septembre 1942), il n’y a peu de raisons de se cacher surtout en zone sud.             

Incontestablement les deux premières organisations à entrer en résistance sont les services secrets de l’armée de l’Armistice (contre les Allemands) et le PCF (contre le gouvernement de Vichy). On aurait pu d’ailleurs insister dans cet ouvrage sur le fait que ses premiers opposants le gouvernement de Vichy se les crée. Ainsi, pour avoir travaillé dans les archives départementales de la Loire, nous avions trouvé un couple d’instituteurs dont le mari militant communiste Claudius Buard est incarcéré peu après la signature du pacte germano-soviétique et dont l’épouse, née Claudine Grivolat, est une des premières à distribuer des papillons dénonçant le gouvernement de Vichy comme responsable des difficultés matérielles de vie et incapable d'obtenir le retour des prisonniers. On sait que Claudius Buard a été sénateur de la Loire de 1946 à 1948. Joseph Sanguedolce, futur maire PCF de Saint-Étienne, interné en Allemagne au Stalag VII-A jusqu'en 1941, est rapatrié à la demande des Houillères et crée très rapidement un mouvement de résistance parmi les mineurs. 

Voici, cité bien plus longuement que dans notre ouvrage, le contenu d'un tract distribué en 1941 dans la région de Saint-Étienne parodiant la célèbre affiche de propagande vichyste (visible ici  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9013953r.r=)

« LE MARECHAL A DIT:

Je prends la responsabilité de la collaboration qui ne manquera pas d'apporter à  la France plus de bien-être au sein de l'ordre nouveau.

LE MARECHAL A FAIT:

Nos cochons vont en Allemagne, notre électricité en Italie, notre vin alimente les moteurs du Reich et notre beurre graisse le pont arrière des camions de la wermacht.

LE MARECHAL A DIT:

Je sauvegarderai l'Empire français qui ne cesse de manifester sa fidélité à  la Métropole.

LE MARECHAL A FAIT:

Vichy-Métropole a déjà  livré l'Indochine aux Japonais et Darlan s'apprête à  livrer Bizerte, Casablanca et même Toulon à  nos "alliés allemands".

LE MARECHAL A DIT:

Grâce aux sacrifices de ma politique les prisonniers reviendront.

LE MARECHAL A FAIT:

J'ai déjà  fait rapatrier d'Italie 1 officier et 148 hommes de troupe. Il en reste encore en Allemagne un million et demi. Patience...

LE MARECHAL A DIT:

Tous les Français seront désormais sous ma protection et je serai avec eux dans les jours de malheur.

LE MARECHAL A FAIT:

Les Patriotes français sont fusillés par fournées de 50 ou de 100, mais néanmoins je proclame que les Allemands sont " corrects " et du reste parmi les fusillés, il y a peut être tout de même quelques coupables de sabotage

Il n'y a plus de pain: Vive Pétain! Il n'y a plus de pommes de terre: Vive Hitler! Il n'y a plus d'œufs: Vive Pucheu! Il n'y a plus de vin: Vive Benoit-Méchin! On vous prend pour des couillons: Vive la Légion! »

Rappelons que les juifs, et avec un certain niveau de responsabilités les  francs-maçons et militants syndicalistes de toute tendance sont sanctionnés d’une façon ou d’une autre (en dehors du licenciement,  il peut y avoir aussi le déplacement). Marlhes fut un village où se cacha chez des paysans le futur ministre communiste Charles Fiterman.

Pascal Chambon donne comme premiers résistants les trotskystes Louis Fouilleron et Antonia Lafond tous deux sont issus de l’enseignement primaire ; la seconde est institutrice à Savigneux, alors que le premier est déplacé par l’inspection académique de l’École primaire supérieure de Montbrison au lycée Ampère à Lyon (sûrement dans les classes primaires de cet établissement). Le premier participe à la diffusion du journal clandestin Le coq enchaîné fondé à Lyon par Georges Dunoir, Lucien Degoutte, Jean Fousseret et Louis Pradel (futur maire de cette ville). Dans ce mouvement  les francs-maçons sont très nombreux. Antonia Lafond, rapporta à un de nos amis, qu'avec Louis Fouilleron ils travaillaient l’un et l’autre avec un réseau anglais de l’Intelligence service qui larguait des armes par parachutages à très basse altitude dans des prés de la région de Montbrison (Grézieux -le -Fromental). L’assassinat des militants trotskystes Jean Reboul, Abraham Sadek, Pierre Salini, Pietro Tresso fin octobre 1943 sur ordre d’un chef d’un maquis FTP est signalé, sans que l’on ne sache si au moins l’un d’entre eux avait un lien avec la Loire.

Il rappelle aussi les papiers humoristiques de Jean Nocher (Gaston Charon) dans la Tribune républicaine de Saint-Étienne qui lui valent des menaces de licenciement de la part de Paul Marion secrétaire adjoint à l’information. En décembre 1941, Jean Nocher fonde le premier journal clandestin de la Loire, à savoir L'Espoir. Des libertaires ligériens diffusent L’Insurgé fondé à Lyon par Marie-Gabriel Fugère. Des militants de la CFTC et des religieux font connaître Témoignage chrétien. Par ailleurs, la sœur aînée du général de Gaulle suit son mari Alfred Caillaux un ingénieur d’origine belge, qui travaille dans la préfecture de la Loire. Elle reçoit des visites nombreuses.   

En septembre et octobre 1942 la répression touche les membres d’un réseau ; Nocher, Jean-Baptiste Cerruti (dénoncé comme chef d’un groupe de combat de l’organisation Libération), Charles Lutz et André Busch sont arrêtés. Sur l’air de Boum de Charles Trénet, dans la prison de Saint-Paul à Lyon, il écrit La chanson des terroristes de Saint-Paul (voir les paroles page 121).

La résistance roannaise avec Jean-Pierre Lévy et Pierre Bernheim est autonome par rapport à celle de Saint-Étienne. Robert Kahn et Fernand Bonis sont à la tête du réseau Libération de 1941 à 1943 pour la Loire ; le premier compte sur son frère Pierre pour la fabrication de faux papiers en très grande quantité.  Robert Kahn est arrêté par la Gestapo le 30 août 1943 à Saint-Étienne ; blessé il est hospitalisé à l'hôpital de Saint-Étienne. Lucie Aubrac organise son évasion de la maison de santé. Malheureusement, suite à une dénonciation, il est à nouveau arrêté à Lyon le 22 septembre 1943 et assassiné sur ordre de Klaus Barbie le 17 août 1944. Sa fille Annette Kahn raconte dans Why my father died puis dans l'édition française Robert et Jeanne l'histoire de ses parents.

Saint-Etienne

Jusqu’en novembre 1942 le département ne connaît pas l’occupation allemande (l’armée allemande n’avait qu’un bref séjour entre les 18 et 22 juin 1940). Le troisième chapitre évoque l’élargissement des bases de la Résistance qui s’en suit. Selon Richard Bouligaud, dans son mémoire de maîtrise La Milice française dans la Loire 1943-1944, la Gestapo de Saint-Étienne pouvait compter sur le soutien d’environ deux-cent-cinquante indicateurs pour le département. La milice de la Loire comptait sept-cent-quinze personnes. La figure de Jean de Mayol de Lupé reste attachée à la Loire car ce septième enfant d’un comte légitimiste est enterré dans le massif du Pilat, prélat d'un ordre militaire religieux, il a rejoint les rangs de la LVF dont il est l’aumônier. Ceci lui valut de faire la couverture d'une édition du journal de propagande nazie Signal.

Le quatrième chapitre porte sur diverses formes de résistance, dont le noyautage des administrations, le renseignement, l’aide aux prisonniers évadés, les filières et bien sûr le développement des maquis.  On parle beaucoup du réseau Charrette à cette occasion ; celui est dirigé par Michel Caillau, fils d’Agnès née de Gaulle. Il a connu Marcel Kahn comme interprète à l'Arbeitsamt du stalag VII 1 et celui-ci lui a fait de faux-papiers de porteur de maladie contagieuse. Il est de retour en France en mars 1942 et agit dans la région de Lyon. Le 23 février 1944 une lettre adressée à Michel Cailliau dit : « Roanne… Nous pensons arriver rapidement dans cette région à un effectif de plus de mille hommes ayant tous reçus une instruction militaire… Je suis entré en relation, sur sa demande, avec le chef de l’Armée Secrète, avec lequel j’ai établi un plan de travail… L’armement est mis en commun ainsi que les terrains de parachutage ».

Ceci nous amène au dernier chapitre intitulé "L’année de la Libération", les actions de guérilla et la répression des maquis et des résistants sédentaires ont largement évoquées. Même si la situation de la Loire est moins complexe que celle de l’Ain, on aurait aimé une carte du département avec mention de lieux importants du point de vue de la Résistance. Bien entendu un index des lieux et des noms de personnes sont indispensables pour ce type d’ouvrage et ils sont absents. Prenons l’exemple de Louis Fouilleron dont on donne la profession deux cent pages après en avoir parlé pour la première fois. Un grand merci pour la diversité et le nombre des illustrations.     

Le 1er septembre 1944, arrivée de l'armée de de Lattre à Saint-Etienne

 

 

 

Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations

Benjamin

Note globale :

Par - 465 avis déposés - lecteur régulier

465 critiques
30/10/16
Vendredi 16 décembre

Pascal Chambon
" Les résistances dans le département de la Loire (1940-1944) " à Lire à Saint-Étienne 5 rue Traversière - 42000 SAINT-ÉTIENNE
465 critiques
15/12/16
Exposition La BD prend le maquis ! au Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère, jusqu’au 22 mai 2017
465 critiques
29/12/16
Hommage aux hommes du maquis du groupe Ange Buckmaster au col des limites.

https://ambert2015.net/2016/07/24/hommage-aux-hommes-du-maquis-du-groupe-ange-buckmaster-au-col-des-limites/
465 critiques
17/01/17
Pour célébrer les 5 ans du musée de la Résistance les 28 et 29 janvier 2016, la Ville de Limoges a concocté un week-end riche en surprises. Entrée gratuite pour ce week-end là.

http://www.lepopulaire.fr/limoges/loisirs/art-litterature/2017/01/17/le-musee-de-la-resistance-ne-sinterdit-pas-lhumour-pour-feter-ses-5-ans-les-28-et-29-janvier_12244891.html
461 critiques
26/06/19
Un musée de la Résistance en Auvergne dévalisé la nuit du 18 juin
http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/le-musee-de-la-resistance-cambriole-la-nuit-du-18-juin-20190619
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