Avis de Octave : "Makhnovchtchina, Makhnovchtchina, tes drapeaux sont noirs dans le vent"
Nestor Ivanovitch Makhno est un communiste libertaire né près de Zaporijjia. Il est mort, dans sa quarante-cinquième année, en exil à l’hôpital Tenon de Paris en 1934, vu sa mauvaise santé.
On apprécie beaucoup que soit évoquée notamment, dans le deuxième chapitre, la dimension culturelle du sud-est actuel de l’Ukraine. Ceci est l’occasion d’évoquer le royaume de Rus’ (dont la reine française Anne de Kiev est originaire) et les cosaques zaporogues. La ville de Zaporijjia porte d’ailleurs un nom qui est un hommage aux cosaques zaporogues. Ces derniers ont longtemps défié l'autorité des Russes, Polonais et Turcs.
« Ainsi naquit le mythe, composé à partir de légendes et de faits réels, d’une communauté libre et démocratique de chevaliers de la foi orthodoxe, protecteur du peuple contre le Tatar et l’oppresseur noble. De là à y voir la préfiguration d’une société collectiviste et égalitaire, il n’y a qu’un pas et il fut franchi dans la transmission du mythe. De génération en génération, la tradition paysanne rapportait dans ses doumys l’épopée cosaque. C’est ainsi que le fervent cosaque fit la Makhnovchtchina et l’exprima dans toute son ambiguïté, assurant une continuité de comportement tout en maintenant le mythe » (page 60).
« La Makhnovchtchina fut le cri du village ukrainien, un cri poussé par des milliers de poitrines naissant à la liberté, puissant et insolite comme celui du cheval sauvage pris au lasso qui, entendant l’appel de la steppe, rompt ses entraves et s’élance, naseaux au vent, pour galoper dans la tempête. Les paysans qui se soulevèrent, pour la plupart analphabètes, ne savaient que leurs peines et leurs misères. Ils n’avaient guère conscience d’appartenir à une nation et ignoraient tout des jeux de la politique, affaire des gens de la ville. Ils voulaient d’abord accéder à la dignité d’homme, ne plus voir les fruits de leur travail cueillis par les propriétaires et les commerçants. Ils se levèrent pour suivre celui qui leur était proche et qui parlait leur langage » (page 13).
Le premier et le troisième chapitre nous content l’aventure de l’armée révolutionnaire insurrectionnelle ukrainienne conduite par Makhno de 1918 à 1921, signalant au passage certaines de ses réalisations. Au départ elle combat des forces conservatrices ukrainiennes de Pavlo Skoropadsky (de famille cosaque, ancien général décoré de l'armée impériale russe), celles républicaines de Symon Petlioura ou celles des Russes blancs de Dénikine. Il a passé dans un premier temps une sorte de pacte de non-agression avec les bolchéviks mais en août 1921, après plusieurs mois de combats acharnés contre les bolchéviques, les derniers partisans de Makhno quittent l'Ukraine et franchissent la frontière roumaine.
Dans la conclusion, il est relevé des liens entre les buts des Zapatistes et ceux des libertaires ukrainiens. Sont aussi présentées en particulier les dernières années chaotiques de vie de notre militant anarchiste en région parisienne. Il dialogue difficilement avec les anarchistes français et doit répondre à des dénigrements faisant notamment passer les pogroms commis par d’autres forces en Ukraine comme étant également une action des troupes libertaires. La pensée de Makhno est par contre bien reçue par certains secteurs espagnols et on sait le rôle important que les anarchistes espagnols eurent dans la Guerre civile qui secoua leur pays entre 1936 et 1939.
Les soixante-dix dernières pages proposent la reproduction en entier de Nestor Makhno et la question juive, un samizdat publié en 1982 en URSS. Il s’agit là d’un ajout évident par rapport à l’édition de ce titre en 1981. On sait aujourd’hui que son auteur Vladimir Litvinov est décédé en 1985.
Pour tous publics Aucune illustration
