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Les Japy: Destinées d’une famille comtoise

Les Japy: Destinées d’une famille comtoise
Cabédita 160 pages
1 critique de lecteur

Avis de Adam Craponne : "Dans la famille Japy, je demande André dans les airs, Marguerite au septième ciel, Frédéric Japy avec les horloges, Gaston dans le jaune et Henry pour les casques Adrian"

Aujourd’hui le village de Beaucourt, situé dans le sud du Territoire de Belfort, compte guère plus de 5 000 habitants, il en avait 600 de plus en 1982 alors que son entreprise Japy venait de fermer. En 1986 ouvrait le musée Japy les locaux où se fabriquaient les horloges et montres.

De 1648 et jusqu’en 1793 Beaucourt est limitrophe du royaume de France et de la principauté luthérienne de Montbéliard qui est aux mains des ducs de Wurtemberg depuis 1407. L’affaire n’est pas expliquée dans l’ouvrage mais de mémoire il y avait eu un accord comme quoi les villageois protestants de Beaucourt étaient sujets du comte de Montbéliard (par ailleurs duc de Wurtemberg) alors que ceux catholiques dépendaient du seigneur de la Haute-Alsace. Ceci prolongeait une situation particulière héritée du Haut Moyen âge.

Par ailleurs, toujours selon nous en installant  en 1777 son atelier d’horlogerie dans ce village d’environ trois cent habitants, Frédéric Japy échappe aux réglementations des corporations existantes à Montbéliard. Ceci lui permet à la fois d’utiliser des machines, des enfants et des femmes (en plus de certains hommes); bref de produire à un coût réduit des produits alors de luxe. Frédéric Japy est si connu qu’il rencontre Napoléon  peu avant son décès en 1812, ce natif de Beaucourt. Frédéric Japy reste est une figure emblématique d’une industrialisation française précoce.

Républicaine puis bonapartiste la famille Japy est mêlée à la Conspiration de Belfort en janvier 1822 organisée par la Charbonnerie mais n’est pas inquiétée. Par la suite ces protestants soutiendront des mouvements conservateurs catholiques, notamment antidreyfusard (ajoutons d’ailleurs personnellement qu’un neveu d’Albert Dreyfus est renvoyé du lycée de Belfort par le proviseur qui se dit incapable d’assurer sa sécurité). Par ailleurs Pierre Biétry, leader du syndicat jaune, est financé par Gaston Japy qui décède en 1936 après avoir déclaré au Sénat que la semaine de quarante heures conduit les ouvriers à la paresse ainsi qu’à la débauche et l’économie française à la ruine. Toutefois Henry Japy maintient dans l’esprit paternaliste une ouverture d’esprit sociale.  

L’auteur nous évoque non seulement l’évolution du groupe Japy le destin d’une dizaine de personnes de cette famille. Comme notre titre y fait allusion Henry Japy pilota la fabrication de millions de casques pour nos poilus, André Japy  fut un célèbre pilote dans l’Entre-deux-guerres reliant en particulier Paris à de nombreuses capitales de "nos colonies" en 1935 et 1936.

 Le musée de Beaucourt avait consacré une exposition en 2016  à Marguerite Steinheil. La plus connue des Japy est passée dans l’histoire sous le nom de Marguerite Steinheil, elle est liée à la mort du président antidreyfusard Félix Faure. Elle est peut-être accusée à tort de l’avoir fait mourir de plaisir car Félix Faure souffrait de tachycardie, en tout cas la presse d’extrême-droite l’accusad’avoir agi pour le compte des juifs.

La presse la surnomme à cette occasion "la pompe funèbre", jeu de mots dont on perd une partie de la saveur si on ignore que Japy fabriquait des pompes et que c’est même le dernier domaine où le nom de Japy reste aujourd’hui (voir http://www.pompes-japy.fr/R-111-B1-0-actualites.html). Leur fabrication se fait d’ailleurs à Fesches-le-Châtel à quelques kilomètres au nord de Beaucourt et à peu de distance à l’est de Montbéliard, et un peu plus loin au sud de Belfort. Georges Clemenceau ajouta à propos de Félix Faure : « Il voulut être César, mais il ne fut que Pompée ». Elle fut aussi la maîtresse entre autre d'Aristide Briand et d'un roi du Cambodge.

Le rôle de Marguerite Steinheil, est encore plus obscur dans la mort de son mari le peintre Adolphe Steinheil, il s’agit là de l’Affaire de l’impasse Ronsin. Francis Péroz ne donne pas sur le sujet toutes les hypothèses dont la plus scabreuse (Marguerite faisant parfois , contre rétribution financière,  l’amour avec quelqu’un à côte de son mari consentant) ;  ceci est confirmé (et non pas dévoilé) par l’ouvrage de Christiane Peugeot (descendante à la fois des industriels protestants Japy et Peugeot) intitulé On a retrouvé le journal d’une cocotte de la Belle Époque, madame Steinheil ma grande tante (voir https://criminocorpus.hypotheses.org/12743 et http://www.estrepublicain.fr/insolite/2012/09/17/meg-plus-forte-que-dsk) qu’il n’a pas lu.

Cabédita est un des très rares éditeurs de livres d’historiens à avoir compris que les images n’ont pas un côté décoratif, à son habitude cette maison nous offre non seulement des documents variés mais de très bonne taille (ainsi le cliché de la machine à écrire Japy des années 1920 occupe les trois-quarts de la page 64).

Pour connaisseurs Beaucoup d'illustrations

Adam Craponne

Note globale :

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