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Germaine de Staël

Germaine de Staël
Perrin652 pages
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Avis de Ernest : "Tous les Saint-barthois, entre 1784 et 1878, sont suédois. La faute à qui donc? La faute à l’ennemie de Napoléon!"

Louise Necker naît à Paris le 22 avril 1766  (soit juste deux mois après que le duché de Lorraine et de Bar ne soit rattaché à la France) de deux parents nés l’une en Suisse et l’autre à Genève qui est alors un allié de la Confédération helvétique ; sa mère, fille d'un pasteur calviniste, est une ancienne préceptrice et son père est Jacques Necker (né en 1732), alors employé à la banque Vernet il aura des responsabilités équivalentes à celles d’un ministre des finances sous Louis XVI.

« Tandis que Turgot, en butte à une opposition de plus en plus véhémente, s'apprête à quitter son poste, Necker se prépare à l'y remplacer. L'opinion publique, soigneusement dirigée par ses amis, l'y appelle. Le salon de Mme Necker n'est plus un Parnasse, mais l'antichambre d'un ministre en puissance et Louise y voit passer tous ceux qui travaillent dans l'ombre à l'élévation de son père.»  (page 37).

Ghislain de Diesbach a reconstitué en 1983 la vie de la fille puis celle du père en 1987 ; cela fait juste deux cent ans qu’elle est morte aussi le titre Madame de Staël a-t-il été réédité en compagnie de Necker.   

Louise Necker devient Germaine de Staël (prenant ainsi son troisième prénom en laissant tomber le second par lequel elle se faisait jusqu’alors nommée) en 1786 en épousant à Paris, dans la chapelle luthérienne de l'ambassade de Suède,. le baron Erik Magnus de Staël-Holstein nommé par le roi de Suède en 1783 chargé d'affaires à la Cour de France et deux ans plus tard ambassadeur de Suède en France. Ce dernier titre avait été obtenu non sans peine car Gustave III n’entendait le délivrer que si la France lui cédait aux Antilles Tobago (française depuis 1713 après être passée aux mains de quatre autres pays et avec certains allers-retours) en fait avec l’appui de Jacques Necker et de Marie-Antoinette c’est l’île de Saint-Bathélemy qui passe pour un siècle dans l’escarcelle suédoise. Marie-Antoinette hâte et favorise ce mariage car trois ans plus tôt (à son retour de la Guerre d’indépendance des USA) Axel de Fersen avait écrit à Jacques Necker pour demander la main de sa fille Louise (page 70). 

Madame Germaine de Staël a plusieurs enfants :

  • Gustavine de Staël (1787-1789) dont Gustave III le roi de Suède est le parrain
  • Gustava Hedvig, née en1789, morte en bas âge
  • Ludvig August, se faisant appelé Auguste en français (1790-1827) ; il serait le fils biologique de Louis-Marie comte de Narbonne-Lara  fils de Françoise de Chalus épouse de Gabriel de Chalus et fils illégitime du roi Louis XV. Tombé amoureux de Mme de Récamier lorsqu’elle séjourne à Coppet, il épousera Adélaïde Vernet issue de la famille de banquiers genevois qui employa Jacques Necker à Paris à la fin du règne de Louis XV
  • Albert de Staël (1792-1813), enseigne de cavalerie dans l’armée suédoise (Bernadotte est alors roi de Suède), envoyé en exil en Poméranie suédoise, il est tué en duel à Doberan village balnéaire dans le Mecklembourg ceci suite à une querelle autour d’une partie de cartes
  • Albertine de Staël (1797-1838), ayant pour père biologique peut-être Benjamin Constant,  épouse en 1816 de Victor de Broglie (d’ailleurs secrétaire du comte Louis Marie de Narbonne-Lara en 1813 au congrès de Prague qui suit l’armistice de Pleiswitz). Albertine de Staël sera la mère d’Albert de Broglie président du conseil sous Mac-Mahon
  •  Louis-Alphonse Rocca (1812-1842) avec Albert de Rocca de vingt-deux ans son cadet et mort en janvier 1818 (né genevois et devenu français en 1798 après l’annexion de la ville par le Directoire) qu’elle n’épousera qu’en 1816 ; ce garçon handicapé sera élevé par Albertine sa sœur aînée

 

Les débuts littéraires de Mme de Staël nous ramènent à la date de 1788 avec les Lettres sur les écrits et le caractère de Jean-Jacques Rousseau. Germaine, étant l’épouse de l’ambassadeur de Suède, reste à Versailles quand elle n’est pas à Paris. Au début de la période révolutionnaire Necker joue un rôle important mais il est détesté à la fois par l’entourage du comte d’Artois qui craignent en lui un nouveau Cromwell et par les clubs populaires, ce dernier démissionne  le 4 septembre 1790 de ses fonctions de Premier ministre des finances et rejoint Coppet où il possède un château situé dans le Pays de Vaud alors sujet du canton de Berne en Suisse. Il y décède en 1804.

En l’automne 1790, Fersen espère obtenir le poste d’ambassadeur de Suède avec un appui de Marie-Antoinette « Fersen et [le baron] Taube, qui savent que la reine n’hésiterait pas à le faire travaillent de concert à la chute de Staël » (page 123). Germaine quitte Paris pour Coppet en octobre 1790 et ne revient qu’en janvier 1791 à Paris mais n’y reste que quatre mois. Au moment de la Fuite à Varennes le baron de Staël, étant ambassadeur de Suède, est soupçonné d’avoir aidé Fersen dans la Fuite à Varennes de fin juin. Gustave III prône une union des monarques pour mettre fin aux désordres en France, aussi rappelle-t-il son ambassadeur en février 1792 laissant  Germaine qui était revenue à Paris en août 1791. Cette dernière quitte non sans mal la capitale après les Massacres de septembre 1792 où sont exécutées des personnes emprisonnées pour activités contre-révolutionnaires (prêtres réfractaires et nobles dans la majorité des cas). Ses idées l’ont portée vers l’installation d'une monarchie constitutionnelle qui n’est plus au goût du jour.

Germaine de Staël était bien moins belle que la page de couverture ne le laisserait supposer

 Germaine publie en août 1793 des Réflexions sur le procès de la Reine. Elle revient à Paris fin mai 1795 en compagnie de Benjamin Constant qui fut l’homme auquel elle fut le plus attachée. Un journal s’interroge :

« Que vient donc faire à Paris Mme de Staël ? Rejoindre son mari serait trop simple ; contempler les travaux de son père, trop bête ; s’affliger sur notre sort, trop insultant » (page 196)

On est dans la période de la Convention thermidorienne qui a débuté fin juillet 1794 avec la chute de Robespierre et se termine fin octobre 1795 avec la période du Directoire. On s’est orienté progressivement vers une république bourgeoise libérale et modérée appuyée sur un régime censitaire  on compte 30 000 % électeurs. Germaine tient jusqu’en 1803 (avec des absences comme d’octobre 1798 à avril 1799 ou à l’été 1800 pour rejoindre Coppet)  un brillant salon. Sous le Consulat, elle perd progressivement ses illusions.  « En fait, Mme de Staël veut parler et être écoutée. Bonaparte veut parler et être obéi » (page 263). Outre son roman Delphine paru en 1802, dont le contenu exaspère Bonaparte (pages 291-292)  elle donne  divers essais durant cette dizaine d’années. Elle est exilée par Napoléon Bonaparte quelques mois après la lecture qu’il en a fait. Elle avait compté en novembre 1799 pour établir un régime libéral tant du point de vue économique que politique (donc avec la plus grande liberté pour la presse et la littérature).

En Suisse elle rédige en particulier le roman Corinne ou l'Italie et son célèbre De l'Allemagne paru  en Londres en 1813, après que tous les exemplaires imprimés en France par Mame (Nicolle est l’éditeur) n’aient été saisis par la censure impériale sur ordre non de Portalis directeur de l’Imprimerie et de la Librairie mais du ministre de la Police à savoir Savary  qui a fait du zèle (Napoléon recommandait quelques coupes dont un passage exaltant les qualités de l’Angleterre). On peut y comprendre que le génie intellectuel créatif en Europe, devant s’affirmer au XIXe siècle, est déjà d’origine allemande qu’après l’effondrement de l’Empire français, l’Allemagne foncuèrement pacifique rayonnera et que derrière les portraits d’Attila et Charles Quint on peut voir en filigrane celui de l’Empereur des Français. Cette saisie explique un des derniers voyages de notre personnage.  Le 23 mai 1812, elle part clandestinement pour Vienne, passe ensuite en Russie et Suède pour arriver enfin à Londres, où elle demeure jusqu’en mai 1814 après avoir veiller à la publication de son dernier ouvrage.

Germaine est une femme à hommes et il est toujours étonnant de découvrir qui fut à un moment donné son amant. Coppet tient lieu de véritable maison de rendez-vous, lors de son plus long exil de près de dix ans en l’occurrence dans ce château (1805 à 1814). On va le comprendre à travers ce qui suit et la notoriété du Prince Auguste de Prusse, neveu de Frédéric II, prendra ses racines là. Il est prisonnier d’État  en 1806-1807 il est d’abord interné à Soissons mais comme il jouit cependant d’une certaine liberté il se rend à Coppet au cours de l’été 1807 où il rencontra Madame de Récamier, une grande séductrice pour qui il fut peut-être le seul amour. Elle voulut divorcer mais y renonça,  déclarant ne pas vouloir abandonner son mari qui venait de faire faillite et à qui elle avait dû une situation brillante entretenue par un salon. Défavorable à Napoléon, comme  Madame Récamier ne tarde pas à subir le même sort que Germaine de Staël, Germaine de Staël, elle avait eu par ordre de la police impériale l'obligation de s'éloigner de Paris.

En 1804, le père de Prosper de Barante étant préfet de Genève, Prosper de Barante avait rencontré Germaine de Staël et s’était épris d’elle au point de vouloir l’épouser, à la fureur de son père. Finalement Prosper de Barante à Coppet est tombé amoureux également de Juliette Récamier. Il devient sous-préfet de Bressuire de 1807 à 1809 (page 447), il profitera de ce séjour pour améliorer le texte des Souvenirs des Guerres de Vendée de la marquise de La Rochejaquelein, sera préfet de Vendée de 1809 à 1813 et préfet de Loire-Inférieure de 1813 au 20 mars 1815, son Tableau de la littérature au XVIIIe siècle lui valut les éloges de Mme de Staël.

Pour connaisseurs Aucune illustration

Ernest

Note globale :

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318 critiques
10/08/17
Exposition Germaine de Staël et Benjamin Constant. L'esprit de liberté. Fondation Martin Bodmer, Cologny (Genève), du 20 mai au 1er octobre 2017
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