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L’Europe et la construction de la modernité chinoise

L’Europe et la construction de la modernité chinoise
L’Harmattan 222 pages
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Avis de Xirong : "Des animateurs d’étapes pour un tour de la modernisation de la Chine"

Il s’agit du numéro 10 de la revue Europeana ;  le numéro a été dirigé par Félix Jun Ma qui en assure la préface. Cet universitaire donne également un texte intitulé "Guo Songtao : un diplomate chinois au carrefour de la tradition et de la modernité".  L’Europe est à l'origine de la civilisation moderne, et elle va acclimater puis imposer à la Chine cette modernité. En effet à partir de 1844 avec le traité de Huangpu, l’Empire du milieu est progressivement mis sous tutelle par plusieurs puissances.

De ce point de vue l’évolution des jésuites est très significative car leur retour en Chine en 1838 se fait souvent sur des vaisseaux militaires, ce que ne manque pas de souligner Tiangang Li. Un quartier de Shanghai, le Xujiahui (徐家汇) devient d’ailleurs la Rome chinoise et on y construit la cathédrale Saint-Ignace entre 1905 et 1910, elle peut contenir jusqu'à 2 500 fidèles. Ceci se fait sous la protection de la France qui a la charge de la protection des catholiques chinois ou européens dans le pays. Tant du côté des protestants que de leurs rivaux papistes « la religion chrétienne ne s’intègre pas à la culture chinoise et au contraire est associée à la politique et à l’économie des nations étrangères » (p. 25). Toutefois, après la parution de l’encyclique Rerum novarum en 1891 qui encourage le catholicisme social, la situation évolue peu à peu. La société chinoise et les responsables catholiques passent au niveau de l’interaction ; Tiangang Li ne manque pas de citer à cette occasion le prêtre catholique lazariste Vincent Lebbe qui jouera un rôle dans l’Affaire du Laoxidai (voir le texte de Fleur Chabaille).  Il apparaît toutefois qu’une partie seule de ces religieux manifestent leur opposition à l’agression japonaise, flagrante à partir de 1937.

En se donnant comme objectif d’évangéliser le peuple chinois, les missionnaires développent l’enseignement féminin comme le montre Martine Raibaud. Yi Zhang pointe le rôle primordial des deux vagues de missionnaires (celle des XVIIe et XVIIIe et celle des XIX et XXe siècle) dans les activités de traduction d’ouvrages et d’idées d’une langue européenne en chinois. Il présente l’action en la matière de Timothy Richard, un missionnaire baptiste gallois né en 1845 et mort en 1919. Ce dernier est arrivé en 1869 dans l’Empire du milieu, il a collaboré très activement à la Revue des Temps (万 国 公报 Wàn Guó Gong Bào). Ses articles présentaient des applications pratiques à la foi chrétienne et décrivaient le Christianisme comme une pensée utile pour les Chinois, vulgarisant au passage des concepts relevant de l'économie de marché et du droit international.           

 Fleur Chabaille montre combien la France par maladresse, soutien systématique aux demandes d’intervention en sa faveur de l’Église catholique, non respect des cimetières et appétit colonial sut cristalliser les oppositions chinoises contre elles en diverses occasions. On a le cas de l’Affaire de la Pagode de Ningbo à Shanghai en 1874 qui, comme l’Affaire de Laoxikai à Tianjin dans le début des années 1900, va se traduire par un boycott des produits français.

Vincent Lebbe (image absente de la revue)

Nous ajouterons personnellement que ce dernier conflit voit d’ailleurs des missionnaires catholiques comme le Belge Vincent Lebbe (né en 1877 à Gand) se désolidariser de l’action des représentants français et si l’occupation de quartier par les troupes françaises est comparée, dans des tracts en chinois, à l’invasion de la Belgique par les Allemands, il faut sûrement y voir là la patte de Vincent Lebbe. De plus ce boycott touche également le nombre de travailleurs chinois envoyés en France durant la Grande Guerre, deux fois plus s’engagent du côté anglais que du côté français. La particularité de la rétrocession des concessions françaises (plus au moins étendues à Shanghai, Tianjin, Hankou, Canton, Zhangjiang) est qu’elle se fait par le gouvernement de Vichy auprès du gouvernement collaborateur de Nanjing en 1943 et en février 1946 par un gouvernement issu de la Libération auprès du gouvernement nationaliste de Jiang Jieshi.

En 1968 les autorités de Pékin soutiennent le mouvement des étudiants et des ouvriers, ce qui ne manque pas d’offusquer le pouvoir gaulliste. Les années 1989 (avec la répression de la place Tiananmen) et les incidents autour des la préparation des Jeux olympiques de 2 008 sont la cause de nouvelles tensions entre la France et la Chine. La conclusion de Fleur Chabaille est très intéressante :  

« France et Chine aspirent toutes deux à une forme d’universalité ou d’universalisme dans leurs rapports internationaux. Cette ambition commune explique la richesse des échanges intellectuels et culturels entre les deux pays, mais aussi l’affrontement ponctuel de leur vision universaliste. D’où l’alternance, après la reconnaissance de la République populaire de Chine, entre des phases d’un rapprochement parfois encore plus étroit qu’avec d’autres pays occidentaux, notamment sous la présidence de Jacques Chirac, et des périodes de crise plus ou moins aigües » (page 211).    

Ce numéro, qui arrive alors qu’en Europe la récente modernisation de la Chine provoque diverses inquiétudes, contient également d’autres contributions intitulées : "Les efforts des premiers diplomates chinois pour pénétrer la société française : le cas de Ma Jianzhong et Chen Jitong", "Ist der Wedegang zum modernen die Entwicklung der Sittlichkeit oder die Entwicklung zur Modernität ? Implikation der Hegelshen Philosophie für die Modernisierung in Ostasdien" (La transition vers la modernité est-elle le développement de la moralité ou le développement de la modernité? Implication de la philosophie d’Hegel pour la modernisation en Asie de l'Est), "Liberté et communauté dans les deux premières versions chinoises du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau", "Écrire une histoire de la littérature chinoise contemporaine, ou une tentative de Song Chunfang" (un ouvrage édité directement en français en 1919).

Pour connaisseurs Aucune illustration

Xirong

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