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Le chardon et le bleuet

Le chardon et le bleuet
Rouergue 428 pages
1 critique de lecteur

Avis de Alexandre : "Une Écossaise avant tout témoin de l’évolution des esprits en zone libre"

L’ouvrage est sous-titré Une Écossaise dans la France occupée, ce qui donne une idée de son contenu. Il est paru en version originale en 1962 sous le nom de Divided loyalties : A Scotswoman in Occupied France, ce qui donne une autre infirmation sur l’atmosphère du livre.

En fait il s’agit, non d’un journal au sens propre, mais d’un récit chronologique. L’introduction évoque la jeunesse de la narratrice (née en 1905), passée en Écosse, ainsi que sa perception globale des Français de l’époque, soulignant l’empreinte du catholicisme en particulier.  Elle a grandi auprès de gouvernantes suisses francophones car ses parents tenaient à ce qu’elle parle français comme eux-mêmes. Toutefois après plusieurs années d’étude dont certaines à Vienne, elle avait perdu beaucoup de son niveau de français lorsqu’à Edimbourg elle rencontra l’ingénieur et physicien François Teissier du Cros ; elle l'épousa à la fin de 1930.  

Dans cette famille, on relève le nom des ethnologues Germaine Teissier de Cros, épouse Dieterlen, née en 1903 ainsi que Odette Teissier du Cros conservatrice au Musée des Arts et traditions populaires et fondatrice du musée cévenol au Vigan. Les Teissier du Cros sont des filateurs de soie originaires du hameau du Cros près de Valleraugue (une commune du Gard à la limite de la Lozère). C’est dans cette dernière commune et à Saint-Hippolyte-du-Fort (au sud-est de Valleraugue) qu’elle passe les années de l’Occupation. En 2014 une association Les Amis du Janet a été constituée à Saint-Hippolyte-du-Fort pour promouvoir sa mémoire.

Le récit démarre en fait en 1938 avec les Accords de Munich qui dépècent la Tchécoslovaquie et se clôt fin août 1944 avec la libération de Paris. Elle est séparée de son époux durant quasiment toute la guerre car ce dernier est fait prisonnier et lorsqu’il est libéré comme technicien, il est à Meaux en zone occupée alors qu’elle réside dans les Cévennes en zone sud jusqu’à la mi-novembre 1942. Après cette date tout deux sont dans la capitale.   

Elle évoque souvent son jeune enfant André Teissier du Cros né en 1937 à Montluçon, il aura une brillante carrière comme ingénieur et économiste ; on lui doit de nombreux écrits dans des revues et la réalisation de livres. Son autre fils Henri, né quatre ans avant André, est scolarisé à l’école primaire du village, elle y rappelle entre autre les travaux réalisés en rapport direct avec le maréchal Pétain (page 197). Elle accouche fin juin 1942 à Montpellier d’un petit Nicolas.   

Le livre de Janet Teissier du Cros raconte son expérience de femme britannique en zone libre où au départ le nom de Pétain est entouré de prestige (page 139) et que « Laval est un fin renard. Il va mener les Allemands par le bout de nez » (page 138). Elle définit l’alternative qui se dessine :

« Et c’est ainsi qu’à partir de là, la France ne divisa en deux parties. D’un côté il y avait ceux qui préfèrent l’injustice au désordre et acceptent sans doute d’être qualifiés de "réalistes" ; de l’autre côté se trouvaient ceux qui préfèrent le désordre à l’injustice et qui croient en des valeurs intangibles. Pétain satisfaisait les "réalistes"  parce que son absence d’héroïsme rassurait et qu’il semblait éprouver de la compassion pour l’homme de la rue – à condition qu’il fût aryen. » (page 145) 

Elle vivait dans une petite maison avec ses jeunes enfants, et luttait comme tous pour obtenir assez de nourriture pour la famille. Les présentations par les médias de l’époque de la manœuvre de Dunkerque et l'attaque de la flotte française à Mers-el-Kebir en 1940 font qu’elle resent une certaine hostilité de villageois envers l’Écossaise  de naissance qu’elle est.

Dans cette région des Cévennes, la narratrice a l’occasion de croiser divers réfugiés et entre des Belges et des juifs. Près de trente notices biographiques sont présentes en fin d’ouvrage. Parmi les personnes rencontrées durant cette époque on relève le pasteur Marc Boegner qui intervint pour protéger des juifs, les parents de Claude Lévi-Strauss, Emmanuel Passemard (1876-1945) paléontologue et préhistorien fort connu devenu conservateur du muséum d’histoire naturelle de Nîmes (à la faveur de l’Occupation) qui fut chef de la Milice dans cette ville, la mère du philosophe Ludwig Wittgenstein, l’architecte Vladimir Scobeltzine (dit Vladimir Scob) père de l’actrice Édith Scob née en 1937...

Pour tous publics Aucune illustration

Alexandre

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Par - 401 avis déposés - lecteur régulier

734 critiques
08/02/18
Protestants et Juifs en France, des affinités électives au sauvetage durant la Shoah.
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