Avis de Adam Craponne : "Le zazou refuse l'ordre nouveau qui lui est imposé"
Le récit démarre le 13 juillet 1940 dans un commerce parisien nommé le Café Éva. Cet établissement est le lieu habituel de rendez-vous de jeunes gens venant généralement de terminer leurs études secondaires. Du fait de l’arrivée des Allemands dans la capitale, ils ne sont plus vus depuis un mois. Un des personnages évoque le maréchal Pétain comme le Connétable du Déclain, si l’expression mérite d’être connue des lecteurs, il est un peu tôt pour qu’elle s’impose en ce début de l’été 1940. En effet l’ensemble des Français sont alors dans un profond respect envers leur nouveau chef de l’État, à l’exception de quelques individus.
Par ailleurs les surprises continuent avec des faits abracabrantesques comme ainsi « Que dire quand telle amie lui confie que dans l’école privée où elle poursuit ses études, le gouvernement du Maréchal ayant aboli la loi de séparation de l’Église et de l’État, les enseignantes qui l’année d’avant étaient habillées en civil doivent désormais revêtir leurs longues robes de religieuses et leurs bonnets tuyautés » (page 57).
La manifestation du 11 novembre1940 est évoquées et alors que l’on sait que la LVF est créée le 8 juillet 1941 (comme presque personne ne l'ignore, pour combattre en Russie), on peut lire page 141 au sujet de cette manifestation de l’automne 1940: « Alors que le cortège passe devant un lical de la LVF, certains lancent des slogans désobligeants, des insultes, font des blagues. C’est la moindre des choses, répètent à l’unisson les titis parisiens, transformant la LVF en "LFV", c’est-à-dire en "Lamentable Foutaise Vichyste". C’est en somme une célébration populaire et joyeuse ».
On apprend aussi à juste titre que c’est Mandel, en tant que ministre de l’Intérieur du gouvernement Reynaud, qui fait fermer les dancings sur l’ensemble du territoire national, une mesure que les gouvernements de Vichy maintiendront.
L’univers musical de cette jeunesse branchée (avant l’heure) est régulièrement évoquée. La question d’une interdiction du jazz américain et le blanchiment francophone qu’en fait Charles Delaunay sont abordés. «Pour faire passer la pilule aux autorités occupantes, il explique que la musique New Orleans est d’origine française et que les premiers blues sont issus du folklore créole» (page 56). Des extraits de l’opinion de la presse collaborationniste, sur le jazz, le swing ou les zazous, sont par ailleurs fournis.
Les allusions à des titres de films, des noms d’artistes, et de paroles de chansons, sont légions. Au-delà d’un récit retraçant tant bien que mal des évènements ayant marqué L’Occupation, c’est bien l’évocation de ce riche univers culturel des zazous qui constitue l’intérêt de l’ouvrage. La multiplication des références pourrait pourtant lasser certains lecteurs de ce roman. Une compilation de cinquante-deux titres musicaux est proposée en deux CD par les éditions EPM afin de découvrir un univers qui ne manque pas de charme. On pourrait y retrouver des chansons de Treinet et Montand en plus des musiques jazz et swing.
Pour connaisseurs