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Vous reviendrez à Berlin-sur-Meuse

Vous reviendrez à Berlin-sur-Meuse
L’Harmattan 242 pages
1 critique de lecteur

Avis de Zaynab : "Prenez donc connaissance, mon cher Carolopolitain, d’un numéro illustré de la Gazette des Ardennes"

Durant la Première Guerre mondiale le département des Ardennes  est le seul département à être totalement occupé et de plus il l’est durant quatre années entières. On peut voir ici http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/feldztggazarden1918/0001?sid=9a1a756717d637281809da3d9ddc4ddd

ou là http://gallica.bnf.fr/services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&query=%28gallica%20all%20%22Gazette%20des%20Ardennes%22%29&suggest=0#resultat-id-2

le contenu de la Gazette des Ardennes qui paraît, du 1er novembre 1914 au 8 novembre 1918, quatre fois par semaine avec son édition illustrée disponible trois fois par mois.  Elle est imprimée à Charleville (la rédaction a repris les locaux du journal anticlérical le Petit Ardennais) et est surnommée, par les populations françaises de la région occupée "le journal des menteurs". Les autorités allemandes recrutent un journaliste alsacien René Prévot  (donc né allemand) pour diriger ce titre, ce dernier avait fréquenté le lycée de Belfort dans les années 1890 puis avait poursuivi des études en allemand au lycée de Mulhouse. Il avait été le correspondant parisien d’un journal bavarois à la Belle Époque. Ce journal trouve petit à petit des correspondants locaux, propose des feuilletons et publie la liste des prisonniers français en Allemagne. Il est à noter que certains journalistes ardennais se replient à Paris et naît alors L'Ardennais de Paris & de la banlieue.  Un personnage du roman cite d’ailleurs les écrits où Henri Domelier, directeur avant l'été 1914 au journal la Dépêche des Ardennes, qui se fait inventeur de la formule " Berlin-sur-Meuse"; il avait refusé en octobre 1914 d'être journaliste à la Gazette des Ardennes.

Philippe Pintaux, dans l’ouvrage Vous reviendrez à Berlin-sur-Meuse (sous-titré Charleville sous l’occupation allemande 1914/1918) raconte la vie de Berthe, en s’inspirant de ce qu’il connaît de celle de sa grand-mère qui vécut dans les Ardennes durant toute la Première Guerre mondiale. La photo de couverture a été prise au printemps 1918 par un photographe professionnel à l'occasion de la communion d'un des fils de cette dernière. Comme il l’explique dans un article du Dauphiné libéré :

« Ma grand-mère n’a jamais été Résistante mais dans le livre elle l’est. Car j’avais besoin d’aborder ce point historique. »

Berthe et ses trois jeunes enfants disent au revoir à leur père mobilisé à l’été 1914 dans une scène que l’auteur a su rendre encore plus émouvante en y glissant habilement une note d’humour. Ils ne se reverront qu’au début 1919. Bientôt notre héroïne apprend que deux villages ardennais Clavy-Warby et Saulces-Monclin ont été victimes des atrocités allemandes comme nombre de villages de la Belgique voisine (les faits sont authentiques).

Peu avant la fin de l’année 1914, elle rencontre Guillaume II qui part dans des attaques contre  les juifs et francs-maçons français qui gouverneraient la France du début du XXe siècle. Il n’est pas inutile de rappeler que le dernier kaiser détestait les juifs, contrairement à ses parents. Si la franc-maçonnerie allemande avait été toujours protégée par les Hohenzollern et comptait un grand nombre de membres de la noblesse, par  contre la franc-maçonnerie française était plus populaire, on peut imaginer que Guillaume II n’appréciait guère chez cette dernière les membres et les idées anticléricales et sociales qu’ils développaient. L’empereur habitait juste en face de la gare à la villa Corneau.

Dans les sujets de préoccupation des populations civiles il y a évidemment la question de la nourriture, toutefois les réquisitions se font aussi à d’autres niveaux comme tout ce qui est métal, donc les cloches en 1916 (page 107). Philippe Pintaux montre bien que des relations personnelles peuvent se nouer entre occupants et occupés, sans pour autant que ni les uns ni les autres ne trahissent leur intérêt national. Mais ceci ne va pas sans rumeurs malveillantes… Et même conduit à des contradictions... La visite d’un officier allemand dans une école pour surveiller le contenu enseigné du point de vue historique et que l'instituteur fait apprendre l'allemand est bien mise en scène, tout comme a contrario l’intérêt d’un autre gradé germanique pour le poète Arthur Rimbaud.

On est surpris de trouver dans le récit trois tirailleurs sénégalais prisonniers qui, travaillant dans une usine à Charleville, s’évadent. Des cartes postales prises de l'usine Jubert à Charleville prouve qu'une demi-douzaine de prisonniers africains s'y trouvaient. Cette faveur (relative) est à mettre en lien avec la volonté de séduire les musulmans qui sont plus ou moins influencés par le calife ottoman d'une Turquie alliée de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie. L’aide qui leur est apportée fait courir autant de dangers à certains personnages du récit que l’envoi réalisé de messages de l’autre côté du front par pigeon voyageur. Ceci est l’occasion de rappeler le massacre des Heréros dans le Sud-Ouest africain allemand (la Namibie aujourd’hui) en 1904.

Dans un dernier chapitre, on nous trace le devenir des principaux personnages jusqu’à quasiment leur décès. Si bien que l’on apprend qu’en juin 1940 elle fuit jusqu’à Airvault (ville d’où la famille de Voltaire est originaire, d’où le choix de ce pseudonyme pour l’écrivain) ; toutefois elle remonte en zone interdite au cours de l'été de cette année.          

Philippe Pintaux livre là un des romans historiques les plus originaux autour de la Première Guerre mondiale et pour mieux comprendre la vie sous la botte allemande dans le Nord et le Pas-de-Calais, on se reportera aux ouvrages du même genre édités par Pôle nord éditions, dont il a déjà été dit ici le plus grand bien. Par ailleurs un récit, chez ce même éditeur, Les 400 coups du Kronprinz met en scène le fils aîné de Guillaume II sur la côte picarde en 1907. Par ailleurs la BD  Le fils de l'officier, Tome 3 : La tête en feu montre des combats entre Allemands et Français près de Rethel en 1914 et l'album Tendre Violette, 4. L’Alsacien a une action qui court durant toute la Première Guerre mondiale dans les Ardennes. 

Pour tous publics Aucune illustration

Zaynab

Note globale :

Par - 663 avis déposés - lectrice régulière

663 critiques
02/04/17
"1914-1918, les abbés Hubert de Haybes et Paubon de Fépin : deux prêtres aux conduites héroïques"
http://www.ardenne-wallonne.fr/FR~De_notre_region_Albert_Paubon?PHPSESSID=541584e982bab1447b7af5dcb7ae4f58
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