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L’horizon bleu

L’horizon bleu
Seuil107 pages
1 critique de lecteur

Avis de Octave : "Un bleu horizon a des rapports d’amitié avec un bleu de Prusse"

Présenté sous forme de roman par Seuil en 2012, ce titre avait connu une édition sous forme d’album chez Petit à petit, juste dix ans avant. Le fait de faire communiquer une femme en territoire occupé avec son mari soldat puis prisonnier est une excellente idée qui permet d’aborder de nombreux thèmes et donc de faire passer l’univers du combattant, celui des femmes, celui des territoires occupées et celui de l’internement.

Le récit a un premier chapitre où la narratrice est un des deux personnages principaux (l’épouse du soldat mobilisé), ensuite se succèdent récits avec un narrateur externe et lettres du mari Pierre à sa femme Élisabeth et l’inverse. Les jeunes lecteurs auront un peu de mal à comprendre par contre que Pierre protège un espion allemand, que ce dernier le fasse sortir du camp de prisonniers où il est retenu et renvoyer dans des conditions pas claires du côté français. Pierre aurait dû avoir de sacrés soucis avec les autorités, on apprend simplement qu’il s’est caché à Paris et qu’apprenant la nouvelle de l’armistice il va rentrer tranquillement dans son village. Avec un profil de complice d’espion et de déserteur, on lui souhaite bien du plaisir.

Accessoirement le livre laisse croire que le clairon de l’Armistice sonné, la vie civile reprend immédiatement ses droits, la démobilisation se fit en fait progressivement sur toute l’année 1919 et le début 1920 pour ceux qui avaient combattu. L’adulte ajoutera que les visites qu’accorde un officier allemand à sa femme pour la ravitailler auraient du être compromettantes pour elle et lui susciter bien des ennuis après la fin de la guerre. Cerise sur le gâteau un poilu vient passer sa permission dans le village occupé et il y raconte ce qu’il a vu de l’autre côté du front à son épouse en particulier à Boulogne (page 48). Grandement salué pour la qualité de ses illustrations et l’intense émotion qui se dégageait du texte il y a dix ans, ce livre aurait mérité d’être repris.

Il reste que les lettres entre Pierre et Élisabeth sont parfois un excellent support pédagogique à étudier dans sa dimension historique et littéraire, elles peuvent ensuite servir de modèle pour inciter des élèves de CM 2 (année où est étudiée la Première Guerre mondiale) à produire ce genre d’écrits. Voici à titre d’exemples quelques extraits de ces lettres :
« Certains ne supportent plus d’être réduits à l’état de bêtes sauvages. Comme elles, nous rampons dans les plaines, contraints de tuer pour sauver notre peau. J’ai l’impression de n’avoir plus rien d’humain. Faut-il que j’aime mon pays pour me battre ainsi ! »
« Trois ans et demi que j’ai quitté la maison. Trois ans et demi plongé dans un abîme de douleur, trois ans et demie sans la douceur de ta peau. Je ne suis plus un homme. Je crains que la folie ne se soit emparée de moi. L’espoir m’a quitté, il ne me reste plus que la résignation d’une vie gâchée. Je ne rentrerai pas, Élisabeth, cette guerre c’est pour la vie. Ma mémoire est saturée des horreurs et des cris de souffrance dont je suis le témoin et la victime impuissante. Les rideaux de métaux qui balaient les champs de bataille ne me quitteront jamais. Si Dieu me permet un jour de regagner ma maison, sache que mon corps sera de retour, mais que Pierre, l’homme que tu as connu, demeurera au front pour toujours ».
« France, que fais-tu de tes enfants… Nous sommes tous devenus des bêtes !
Ma tête est remplie de haine et de folie. Je ne suis plus l’homme que tu as aimé : la guerre m’a sali »
« Les hommes prennent une grande inspiration et se lancent au-dessus de la butte, au devant de la mort. Des ordres sont hurlés, mais ils n’entendent déjà plus. Ils avancent courbés. La boue colle à leurs chaussures, les aspirants vers le sol. Des coups partent de tous côtés. Les cris des hommes se mêlent au bruit des balles. La fumée épaisse et âcre aveugle dans les deux camps. Baïonnettes en avant, les soldats plantent tout ce qui arrive d’en face. Ils touchent la mort du doigt, elle est fourbe, vicelarde, puante. Ils n’ont plus peur, ils sont fous, massacrant l’adversaire comme des bêtes. Le danger n’est plus là, ils sont le danger».

Octave

Note globale :

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